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ront les heureuses habitudes qui forment les mœurs, et assurent le repos des familles.

Cette haine et cette jalousie qu'on suppose dans le cœur des frères, pour l'enfant institué héritier, n'existait tout au plus que dans les pays où les puînés etaient déshérités par la loi; dans les autres, l'aîné communément institué, s'il ne déméritait pas, était regardé, et se regardait eomme un second père.

Au fait, le mieux est de laisser dans la loi, une assez grande latitude, pour que chaque pays puisse suivre l'usage qui lui convient le mieux.

Après bien des raisonnemens et des répliques de part et d'autre, le Consul Cambacérès proposa la fixation de la portion disponible, telle qu'elle se trouve dans nos deux articles, et son opinion fut adoptée.

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ART. 915. « Les libéralités, par actes entre-vifs, ou par testament, ne pourront excéder la moi» tié des biens, si, à défaut d'enfant, le défunt laisse » un ou plusieurs ascendans dans chacune des li» gnes paternelle et maternelle; et les trois quarts, » s'il ne laisse d'ascendans que dans une ligne.» >> Les biens ainsi réservés au profit des ascendans, » seront par eux recueillis dans l'ordre où la loi les appelle à succéder : ils auront seuls droit à cette » réserve, dans tous les cas où un partage en con>currence avec des collatéraux ne leur donnerait >> pas la quotité de biens à laquelle elle est fixée. » Suivant la nov. 18, chap. 1, la légitimè des ascendans était du tiers des biens de l'enfant; mais

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dans la jurisprudence, on l'avait restreinte au tiers du tiers, lorsque l'enfant avait institué l'un de ses frères ou sœurs. Catellan, liv. 2, ch. 84. Serres, p. 297. L'ordonnance de 1735, art. 61, réforma cette jurisprudence, et voulut que la légitime des ascendans fût toujours réglée, eu égard au total des biens, et non sur la portion qui leur aurait appartenu, s'ils eussent recueilli lesdits biens ab intestat, concurremment avec les frères germains du défunt, soit qu'il eût institué ses frères et sœurs, ou des étrangers.

Dans les pays coutumiers, les ascendans n'avaient point de légitime, parce que les propres revenant aux collatéraux, le défunt n'aurait eu à disposer presque de rien, s'il avait fallu laisser, sur les meubles et acquêts, une légitime aux ascendans. Lebrun, liv. 1, ch. 5, sect. 8.

Comme il n'y a plus aujourd'hui de distinction de bien, notre article a donné une légitime aux ascendans, et l'a fixée à la moitié, ou au quart, suivant les circonstances.

On a mis en question, si les père et mère seuls avaient droit, d'après notre article, à cette légitime, ou si, à leur défaut, les autres ascendans y étaient aussi appelés.

Je crois cette dernière opinion indubitable. Si l'article eût voulu ne donner de légitime qu'aux père et mère, il ne se serait pas servi du terme générique d'ascendans. Et d'ailleurs, il suppose le cas, où il se trouve plus d'un ascendant dans cha

que ligne; or on ne peut pas avoir plus d'un père, ou plus d'une mère.

Mais cette légitime sera-t-elle due aux ascendans, lors même qu'ils concourront avec des frères et sœurs du défunt, qui, suivant l'article 750, les excluent? Je ne le crois pas, quoique notre article ne porte pas nommément cette exception; qoiqu'il se serve du terme d'ascendans, et que ce même terme soit encore employé dans l'exemple que M. Bigot proposa dans l'occasion dont nous allons parler, d'ascendans concourans avec des frères et sœurs, pour le règlement de la légitime. Il serait, en effet, absurde que ces ascendans eussent une légitime, lors même qu'ils ne peuvent pas succéder ab intestat. Il serait cependant bien utile que la loi s'en expliquât ouvertement, surtout depuis qu'il a été décidé que les frères n'ont pas de légitime; on ne peut pas, en effet, prendre pour une décision de la question qui nous occupe, ce que dit notre article, que les biens réservés aux ascendans seront par eux recueillis dans l'ordre 'où la loi les appelle à succéder; cette phrase n'est relative qu'aux ascendans entr'eux.

La dernière partie de l'article signifie que si, en partageant avec des collatéraux, suivant les régles prescrites au titre des successions, les ascendans ne trouvent pas leur légitime, ils ont droit de prendre les biens libres, à concurrence de cette légitime, même de revenir sur les biens donnés, et que c'est en pure perte pour les collatéraux, qui n'ont pas eux-mêmes de légitime; c'est-à-dire, en un mot,

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qu'il faut que la légitime se prenne la première, et cela a toujours été observé ainsi.

Cette disposition s'applique aux frères même, lorsqu'ils se trouvent en concurrence avec les père et mère. Tout cela résulte de l'explication qui fut donnée au Conseil d'Etat par M. Bigot, dans la séance du 24 germinal an 11, d'après une conférence avec le Tribunat, et qui détermina l'adoption de notre arttcle.

Nota benè. Article à réviser.

ART. 916.

« A défaut d'ascendans et de descendans, les libéralités par actes entre-vifs ou testamentaires pourront épuiser la totalité des biens. » La Section avait proposé un article bien différent de celui-là, et qui était ainsi conçu :

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A défaut de descendans et d'ascendans, s'il y a au tem's du décès, des frères ou sœurs, ou descendans d'eux, la loi leur réscrve le quart de ce qui leur reviendrait, s'il n'y avait pas de donation entre-vifs, ou testamentaire sans néanmoins qu'à raison de cette réserve, les donataires par actes d'entre-vifs, autres que les successibles, puissent être, en tout ou en partie, évincés des biens à eux donnés.

Cet article établissait ainsi une légitime en faveur des frères et sœurs et de leurs descendans; mais sans qu'ils pussent évincer les danataires entre-vifs, s'ils n'étaient eux-mêmes succesibles.

Contre cette dernière disposition, on objecta que l'article proposé favorisait plus les étrangers que les frères puisque les étrangers conservaient irrévoca

blement la chose à eux donnée; que, suivant la Coutume de Paris, on ne pouvait pas être en même tems héritier et légataire, mais qu'elle ne prohibait pas, en collatérale, d'être héritier et donataire. Sur ces observations, il fut convenu d'effaeer de l'article proposé, les mots, autres que les successibles.

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On dit ensuite que les motifs qui pouvaient engager à donner une légitime aux frères, ne militaient pas avec la même force en faveur des neveux; qu'on leur devait protection, mais tout autant qu'ils s'en rendaient dignes; au-lieu qu'on se devait à ses frères, indignes ou non. Il fut donc résolu que les descendans des frères et sœurs n'auraient de légitime que lorsqu'ils concourraient avec des frères ou sœurs, survivans.

Mais était-il même dû une légitime aux frères ou sœurs ? Le Droit romain ne leur en accordait que lorsque le défunt avait institué pour son héritier, turpem personam. L. 27, Cod. de inoff. test. Ils n'en avaient pas non plus dans le Droit coutumier, car la réserve des propres est d'une nature très-différente de la légitime; elle ne s'accordait pas à la proximité du degré, mais à la ligne d'où venaient les biens; et d'ailleurs cette réserve était perpétuellement éludée par la facilité de vendre les propres. Une grande partie du Conseil soutint donc qu'il n'y avait pas de motif pour accorder une légitime aux frères ; si le défunt ne laisse que des biens propres, les frères ont déjà eu leur part dans le partage du patrimoine commun; s'il les a ac

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