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⚫ritiers ou ayans-cause, les donataires, les légatai› res, ni les créanciers du défunt, ne pourront de> mander cette réduction, ni en profiter.

On agita ici la question de savoir si les créanciers du défunt, postérieurs à la donation que le légitimaire fait réduire, pouvaient exercer leurs reprises sur les biens une fois remis au légitimaire.

Ceux qui opinaient pour l'affirmative, se fondaient principalement sur ce que le légitimaire ne pouvait exercer l'action en réduction qu'en qualité d'héritier; mais que cette qualité l'assujétissait nécessairement au paiement des dettes; que la légitime elle-même ne se prenait que sur ce qui restait des biens après les dettes payées ; qu'il serait d'ailleurs odieux qu'un enfant jouît des biens de son père, sans acquitter ses obligations; que la constitution le privait même, en ce cas, des droits de citoyen.

Ceux qui étaient pour la négative, disaient que ce n'était pas comme héritier, mais comme enfant, et par un privilège attaché à sa qualité, que le légitimaire exerçait l'action en réduction; que comme héritier, il serait au contraire tenu de respecter la donation, ainsi que tout autre contrat souscrit par le défunt; que le créancier postérieur à la donation ne pouvait pas avoir plus de droit contre le légitimaire, après la réduction, qu'il n'en avait avant contre le donataire ; que s'il en était autrement, le bénéfice de la réduction deviendrait nul pour l'enfant, que

ce n'était pas des biens dépendans de la succession de son père, que l'enfant jouissait après la réduction, puisque le père les avait donnés, et qu'il ne lui appartenaient plus; que l'enfant n'était donc pas dans le cas de la constitution; qu'au surplus, l'article était conforme à la jurisprudence générale, nii

Malgré ces raisons, il fut arrêté dans la séance du 5 ventôse an 11, que les créanciers de la succession pouvaient, exercer leur action sur les biens que la réduction rend au légitimaire; mais cet arrêté fut rétracté dans la séance du 24 germinal suivant, sur les représentations du Triburat, ART. 922. « La réduction se détermine en for»mant, une masse de tous les biens existans au » décès du donateur ou testateur. On y réunit

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fictivement ceux dont il a été disposé par do» nations entre-vifs, d'après leur état à l'époque » des donations et leur valeur au tems du décès » du donateur. On calcule sur tous ces biens, 2 après en avoir déduit les dettes, quelle est, eu » égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, la » quotité dont il a pu disposer. .....

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Notre article dit qu'on réunit à la masse les biens donnés, d'après leur état, à l'époque des donations, et leur valeur au tems du décès du donateur, C'est en effet sur l'état des biens à l'épo que de la donation qu'il faut se fixer, abstraction faite des améliorations ou des dégradations qui seraient survenues par le fait du donataire. Il faut lui tenir compte des premières, et lui

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faire supporter les autres mais après avoir ainsi considéré les biens donnés, comme s'ils étaient dans le même état où ils se trouvaient au moment de la donation, il faut les estimer suivant leur valeur, au tems du décès du donateur, parce que c'est à cette époque que le droit du légitimaire s'ouvre; c'est-à-dire que si, sans aucun fait du donataire, les biens donnés se trouvent, par les progrès du commerce, ou par quelque fait extraordinaire qu'on ne peut lui imputer, avoir augmenté ou diminué de valeur, depuis la donation, c'est à leur prix à l'époque du décès qu'il faut se fixer.

On voulut ici distinguer, comme dans le cas du rapport à succession, les meubles d'avec les immeubles, et prétendre que les meubles devaient s'estimer suivant leur valeur, au décés; mais on répondit qu'il y avait une grande différence de la réduction au rapport; que le donataire avait dû se croire propriétaire incommutable, au-lieu que l'héritier avait dû savoir que sa donation serait sujette à rapport; que la réduction ne tombait jamais sur les fruits, et que la jouissance du mobilier était une sorte de fruit.

Après en avoir déduit les dettes. La légitime ne se prend que sur ce qui reste, les dettes déduites. Est quota bonorum, non hæreditatis. De là on concluait que le légitimaire n'était pas tenu du paiement des dettes; et c'est ce qui a été jugé dans les plus forts termes par la Cour de Cassation, dans T'espèce qui suit.

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En 1773; Joseph Roui décède laissant quatre enfans; il institue l'aîné, son héritier universel, et lègue 10,000 liv. à chacun des autres, pour leur légitime.

L'aîné paye

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les 10,000 liv., et ensuite dissipe les

biens de l'hérédité.

Anne Buisson, créancière de Roui père, ne trouvant pas à se payer dans les débris de l'hérédité, assigne les puînés, pour avoir à rapporter ce qu'ils ont reçu, et lui faire bon de sa créance.

Le 17 thermidor an 11, jugement du tribunal d'appel de Pau qui la déboute de sa demande. Pourvoi en cassation.

Elle se fondait sur la violation des lois romaines, principalement sur le §. 5 de la loi 22, Cod. de jure delib. qui dit : Licentia creditoribus non deneganda adversùs légatarios venire, vel hypothecis, vel indebiti condictione uti, et hæc quæ acceperint récuperare; cùm satis absurdum sit creditoribus quidem jus suum persequentibus legitimum auxilium denegari, legatariis verò qui pro lucro certant, suam partes leges accommodare.

Mais M. le procureur-général observa que cette loi ne parlait que du cas où l'héritier aurait accepté sous bénéfice d'inventaire, ce qui ne le constituait alors qu'un simple administrateur, et mettait les créanciers et légataires qui avaient reçu, dans le cas de rapporter; mais qu'il en était autrement lorsque l'héritier avait accepté purement et simplement; que dès-lors toutes les actions avaient

passé sur sa tête ; qu'il avait retenu de quoi payer les dettes; que de simples légataires n'y étaient pas tenus, d'après la loi 13, Cod. de hæred. inst., et que la maxime constante des pays de Droit écrit était que les créanciers n'avaient pas d'action contre de simples légitimaires. Serres, p. 290. Lapeyrère, verbo Actions. Basset, tom. 2, p.

311.

Par ces motifs, et le 2 prairial an 12, la section des requêtes rejeta le pourvoi.

Mais aujourd'hui que la légitime a été beaucoup augmentée, qu'elle a même perdu son nom, et que ceux que nons appelions antrefois légitimaires, prennent à titre de réserve, du moins la moitié de l'hérédité, s'il n'y en a qu'un, et les deux tiers ou les trois quarts, quand ils sont plusieurs, cette jurisprudeuce ne doit-elle pas changer, et les créanciers ne peuvent-ils pas les attaquer directement ? Je crois qu'ils le peuvent, sauf le recours des légitimaires contre celui qui aurait la portion disponible, et aurait retenu des biens pour acquiter les dettes.

L'article 870 veut, en général, que les co-héritiers contribuent entr'eux au paiement des dettes et charges de la succession, pro modo emolumenti. Mais ceux auxquels est due la réserve, sont au. jourd'hui de véritables héritiers. N'importe que cette réserve se fixe après avoir prélevé les dettes, suivant notre article; ce prélèvement est bien nécessaire, pour savoir à quoi monte la réserve; mais il ne s'ensuit pas que les créanciers n'aient pas d'action contr'eux pour les obliger à payer.

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