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» vre, ou de rembourser une somme égale à celle » dont le fonds a augmenté de valeur. »

Sur la première partie de l'article, j'observe que sa décision est sans difficulté, lorsqu'il s'agit d'un corps entier de bâtiment construit sur le fonds d'autrui; mais il n'en est pas de même, s'il n'est question que d'une anticipation peu considérable, et de quelques pieds de terrain, faite sur le fonds d'autrui en bâtissant, sans opposition de la part du propriétaire. Il serait alors injuste de l'obliger à démolir et à rendre sa maison difforme, quelquefois inhabitable, parce qu'il n'aura pas bien pris on alignement; l'intérêt public s'y oppose même, ne aspectus urbis deformetur; et il en doit être de ce cas, comme de celui de l'article précédent, où le propriétaire qui a bâti avec les matériaux d'autrui, peut empêcher la démolition en en payant la valeur. Par la même raison, celui qui a seulement anticipé sans opposition sur le fonds d'autrui, doit en être quitte en payant la valeur du sol et les dommages-intérêts dus au propriétaire. Il faut bien faire attention que dans les provinces, on ne suit pas, on ne connaît même pas les règlemens de police qui prescrivent les précautions à prendre lorsqu'on bâtit à Paris.

Le S. 20, Inst. de rer. divis., n'accordait aucune indemnité à celui qui avait planté ou bâti sur le fonds d'autrui, sachant qu'il ne lui appartenait pas, mais la jurisprudence française n'avait pas adopté cette rigueur de principe; on préférait la règle qui dit que personne ne doit s'enrichir de la

perte d'autrui, ce qui est assez conforme à la loi 38, ff. de rei vindic.

On distinguait cependant entre les dépenses nécessaires, utiles et voluptueuses; il fallait toujours rendre les dépenses nécessaires, même les dépenses utiles, à concurrence de l'augmentation de valeur que le fonds en avait reçue. Quant aux dépenses de pur agrément, on permettait au possesseur d'en emporter ou enlever l'objet, lorsque cela pouvait se faire sans détériorer le fonds. Voy. les lois 38 et 59, ff. de hæred. pet. Vinnius et Serres sur le tit. de rer. div.; aux Inst. Rousseaud, jurisp. civ., verbo impenses.

Notre article a pris une autre marche: il fait dépendre le sort du possesseur du parti que prendra le propriétaire de demander la conservation ou la suppression des plantations et constructions, sauf le cas où ce possesseur les a faites de bonne foi, en croyant que le fonds lui appartenait. Cette marche a pour elle l'avantage de la simplicité; mais peutêtre l'ancienne jurisprudence était-elle plus équitable.

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ART. 556. Les attérissemens et accroissemens qui se forment successivement et imperceptible» ment aux fonds riverains d'un fleuve ou d'une » rivière, s'appellent alluvion.

L'alluvion profite au propriétaire riverain, soit qu'il s'agisse d'un fleuve ou d'une rivière navigable, flottable ou non, à la charge, dans le pre» mier cas, de laisser le marchepied ou chemin de

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hallage, conformément aux règlemens.

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Cette décision est puisée dans le droit naturel qui veut que celui qui souffre du dommage de quelqu'objet, en retire aussi l'avantage, commodo eum sequi quem sequuntur incommoda Cependant, on avait voulu attribuer au domaine les alluvions qui se formaient sur les bords de la Garonne; et on peut voir dans le nouveau Denisart, verbo Alluvions, la discussion importante qui s'éleva à ce sujet entre le Conseil d'Etat et le Parlement de Bordeaux, dont le respectable Dudon, procureur général, était l'organe. Je saisis cette occasion pour rendre à sa niémoire le tribut d'éloges que ses connaissances profondes, son zèle ardent pour la justice, et la sévérité de ses mœurs, réclament de tous ses contemporains, et que je dois particulièrement à l'amitié dont il m'honorait. Avec un tel défenseur, les principes devaient triompher devant un roi qui ne manquait ni d'équité ni de lumières; mais qui, dans des temps difficiles, au lieu de la confiance en ses forces qui donne le courage, et dê la constance qui manque rarement son but, n'avait que la timidité qui permettait à ses ennemis de tout oser, et une indécision qui déconcertait toutes les mesures de ses amis.

Le régime féodal avait fait une autre infraction au droit naturel, en attribuant au seigneur du fief la propriété des alluvions, lorsque les champs étaient mesurés et bornés; Dumoulin, sur Paris, §. glossâ 5; mais cette mauvaise jurisprudence est tombée avec le régime même.

Marchepied: on observa sur cette expression que

le Conseil avait déclaré que ce marchepied, le long des rivières navigables et ffottables, était une propriété naționale; mais cette observation n'était sans doute pas exacte; on ne trouve rien de semblable dans le Code civil, et l'art. 7, tit. 23 de l'ordon. des eaux et forêts assujétit seulement les propriétaires à laisser un espace libre et sans arbres pour le hạllage, le long des rivières navigables, lequel espacę doit être de trente pieds, du côté où se fait la traîne des bateaux, et de dix pieds de l'autre bord.

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ART. 557. Il en est de même des relais que » forme l'eau courante qui se retire insensible› ment de l'une de ses rives en se portant sur l'autre le propriétaire de la rive découverte pro» fite de l'alluvion, sans que le riverain du côté opposé y puisse venir réclamer le terrain qu'il a perdu.

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» Ce droit n'a pas lieu à l'égard des relais de » la mer. »

C'est que les relais de la mer appartiennent audomaine, comme ses rivages. Voyez l'ordonnance de la marine, liv. 4, tit. 7; Lebret, de la souveraineté, liv. 2, chap. 14. Il n'en était pas de même chez les Romains; l'air, l'eau courante, la mer et ses rivages, étaient mis sur la même ligne, et censés d'un usage commun à tous les hommes. Voyez les S. 1, 2, 3, 4 et 5, Inst. de rer. div.

ART. 558. « L'alluvion n'a pas lieu à l'égard des » lacs et étangs, dont le propriétaire conserve toujours le terrain que l'eau couvre quand elle est

» à la hauteur de la décharge de l'étang, encore » que le volume de l'eau vienne à diminuer.

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Réciproquement le propriétaire de l'étang n'acquiert aucun droit sur les terres riveraines que >> son eau vient à couvrir dans des crues extraordi¬ >> naires. >>

Cet article suppose un lac ou étang appartenanț à un particulier; mais s'il était public, le droit d'alluvion devrait s'y étendre. L. 21, ff. de acq. rer. dom.

Sur les lacs ou étangs particuliers même, il peut arriver qu'ils prennent de l'accroissement, non par une cause momentanée, mais permanente, et qu'ainsi ils couvrent habituellement une plus grande partie du fonds environnant. Le proprié¬ taire de ces fonds en sera-t-il privé? Je crois qu'il faudrait ordonner le mesurage de tous ses lacs en tems ordinaire, en poser les bornes, et ordonner qu'en cas d'extension, le propriétaire environnant y aura part, en raison du terrain envahi.

ART. 559. « Si un fleuve ou une rivière navigable » ou non, enlève par nne force subite une partie » considérable et reconnaissable d'un champ rive» rain, et la porte vers un champ inférieur ou sur » la rive opposée, le proptiétaire de la partie en» levée peut réclamer sa propriété ; mais il est » tenu de former sa demande dans l'année : après » ce délai, il n'y sera plus recevable, à moins que » le propriétaire du champ auquel la partie enlevée » a été unie, n'eût pas encore pris possession de celle-ci, "

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