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faite sous la condition tacite que le donateur n'aurait pas d'enfans, et que c'était ce qui avait déterminé la jurisprudence universelle.

L'article proposé fut rejeté ; il fut ensuite question de savoir si la révocation pour survenance d'enfans aurait lieu de plein droit, comme dans l'ordonnance de 1731; on dit qu'elle avait l'inconvénient de laisser trop long-tems la propriété incertaine, puisque le donateur et ses héritiers auraient trente ans pour demander la révocation.

On répondit que la révocation étant établie en faveur des enfans, qui ne pouvaient agir dès le moment où il venaient de naître, il fallait bien que la loi veillât pour eux. Le système de l'ordonnance de 151 fut donc admis en entier,

ART. 954. « Dans le cas de la révocation pour » cause d'inexécution des conditions, les biens » rentreront dans les mains du donateur, libres » de toutes charges et hypothèques du chef du » donataire et le donateur aura, contre les tiers» détenteurs des immeubles donnés, tous les droits qu'il aurait contre le donataire lui-même.

Il faut bien distinguer les causes de la donation, ses simples motifs, d'avec les conditions sous lesquelles elle a été faite, et voir à ce sujet le titre suivant.

Le donateur a le choix d'obliger le donataire à remplir les conditions, ou d'agir en révoca→ tion; quelquefois il peut être utile au donateur de se tenir aux conditions sans révoquer; mais si le donataire aime mieux renoncer à la dona

tion, que l'expérience lui fait trouver onéreuse, il lui est libre de le faire, la donation étant toujours considérée dans son essence comme un bienfait. Serres, Instit. p. 84, d'après Furgole, quest. 8, des Donations.

Lorsque le donataire préfère de conserver la donation, le Juge ne la révoque pas de suite, faute par lui d'exécuter les conditions sous lesquelles elle lui a été faite. On accorde un délai pour les remplir. Cette révocation, comme le dit l'article suivant, n'a pas lieu de plein droit.

Dans le cas de cette révocation, les biens rentrent libres dans les mains du donateur, parce que la donation est révoquée pour une cause inhérente à l'acte. Le donateur a contre les tiersacquéreurs les mêmes droits qu'il aurait contre le donataire; c'est-à-dire qu'il peut leur faire payer les dégradations qu'ils auraient commises.

ART. 955.

<< La donation entre-vifs ne pourra » être révoquée pour cause d'ingratitude que dans » les cas suivans:

1o. Si le donataire a attenté à la vie du dona> teur;

2°. S'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ;

» 3° S'il lui refuse des alimens. »

La loi dernière, Cod. de revoc. don., motivait l'ingratitude sur cinq causes : si le donataire avait fait ou dit des injures atroces au donateur; s'il l'avait battu; s'il avait tenté de lui faire per dre son bien en tout ou en grande partie; s'il

l'avait mis en péril de sa vie ; s'il refusait d'ac complir les conditions de la donation. Mais c'est à notre article qu'il faut se tenir.

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ART. 956. La révocation pour cause d'inexé>>cution des conditions, ou pour cause d'ingra» titude, n'aura jamais lieu de plein droit. »

ART. 957. « La demande en révocation pour >> cause d'ingratitude, devra être formée dans l'an» née, à compter du jour du délit imputé par » le donateur ou donataire, ou du jour que le » délit aura pu être connu par le donateur.

>> Cette révocation ne pourra être demandée par » le donateur contre les héritiers du donataire, ni par les héritiers du donateur contre le do» nataire, à moins que dans ce dernier cas, l'ac» tion n'ait été intentée par le donateur, ou qu'il » ne soit décédé dans l'année du délit. »

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On tenait autrefois que la durée de l'action en révocation dépendait de la cause sur laquelle elle était fondée; si pour défit, elle durait vingt ans ; pour injures, un an; pour inexécution des conditions, trente ans. Maynard, liv. 8, ch. 9; res p. 181. Cette dernière règle, relativement à l'inexécution des conditions, doit être bien suivie encore, dès que le Code n'en donne pas d'autre: cependant ce tems est bien long.

La seconde partie de l'article est conforme aux L. 1, 7, et dernière, Cod. de revoc. don., et à la jurisprudence.

ART. 958. « La révocation pour cause d'ingratitude ne préjudiciera ni aux aliénations faites par

» le donataire, ni aux hypothèques et autre char»ges réelles qu'il aura pu imposer sur l'objet de la donation, pourvu que le tout soit antérieur à l'inscription qui aurait été faite de l'extrait de la » demande en révocation, en marge de la transcription prescrite par l'article 939.

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» Dans le cas de révocation, le donataire sera » condamné à restituer la valeur des objets aliénés, » eu égard au tems de la demande, et les fruits, à > compter du jour de cette demande. »

Le principe de l'article est fondé sur ce que c'est par une cause nouvelle que la donation est revoquée. Nefas est talem casum expectare. Aussi toute clause par laquelle le donateur renoncerait à révoquer la donation pour cause d'ingratitude, serait-elle nulle? L. 7, Cod. cod. Ferrière, sur là quest. 488 de Guipape; Serrés, codem.

La seconde partie de l'article est fondée sur le même principe. Telle était aussi la doctrine de Ricard.

Quant à la transcription, pour faire cesser la bonne foi des acquéreurs et créanciers, elle est conforme au nouveau mode de les instruire,

ART. 959. « Les donations en faveur de mariage > ne seront pas révocables pour cause d'ingrati» tude. »

Telle était aussi la jurisprudence, contre l'avis de Ricard, Donations, part. 3, ch, 6: comme la donation est censée faite en vue des enfans qui naîtront du mariage, il n'est pas juste qu'ils souffrent de la faute de leurs auteurs.

ART. 960. Toutes donations entre-vifs, faites » par personnes qui n'avaient point d'enfans ou de >> descendans actuellement vivans dans le tems de » la donation, de quelque valeur que ces dona» tions puissent être, et à quelque titre quelles aient été faites, et encore qu'elles fussent mu » tuelles ou rénumératoires, même celles qui auraient été faites en faveur de mariage par autres >> que par les ascendans aux conjoints, ou par les conjoints l'un à l'autre, demeureront révoquées de plein droit par la survenance d'un enfant légitime du donateur, même d'un posthume ou » par la légitimation d'un enfant naturel par mariage subséquent, s'il est né depuis la donation. » Cet article est pris du 39°. de l'ordonnance de 1731, et l'un et l'autre de la fameuse loi: Si unquàm, Cod. de rev. donat.

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Il faut voir le commentaire très-étendu de Furgole sur ledit article 39, pour apprendre combien de questions controversées cet article décida. Quand à moi, je ne m'arrêterai que sur quelques difficultés nouvelles auxquelles notre article peut donrer lieu.

La première regarde les donations faites entre conjoints par contrat de mariage; on pourrait croire, sous un certain aspect, que ces donations sont aussi révoquées par survenance d'enfans; mais ce n'est pas là la véritable leçon de l'article on a voulų dire, au contraire, qu'elles étaient exceptées de lą révocation, ainsi que celles faites par les ascendans aux conjoints,

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