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paroissons condamnés à tourner toujours dans le même cercle.

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Le ministère de 1814 a eu de l'incapacité sans ambition: il en est résulté une révolte connue sous le nom du 20 mars; le ministère, depuis 1815, a montré de l'ambition sans capacité, et la France est retombée dans les doctrines de la révolution. On avoue que le 20 mars a causé de grands maux à la France: c'est l'effet naturel de toutes les révoltes des armées pour disposer du gouvernement; mais si cette révolte, réprimée n'avoit pas depuis été justifiée par les doctrines de la révolution, ses suites auroient-elles été aussi désastreuses? Il faut adresser cette question à ceux qui demandent humblement au ministère de 1815 de changer de système. Est-ce qu'un système politique n'est pas le résultat du caractère et des lumières de celui qui le met en mouvement? Il y a un proverbe persan qui n'est pas assez connu en France «Si on vient vous dire qu'une mon>> tagne a changé de place, vous pouvez le croire; » si on vous dit qu'un homme a changé de carac»tère, n'en croyez rien. » Un ministère n'a jamais. changé de système; cet effort est très-difficile; il déshonoreroit celui qui pourroit l'accomplir, en prouvant qu'il n'a la conviction de rien, et qu'il peut faire le bien ou le mal indifféremment, selon l'intérêt personnel qu'il y trouve. Quand on veut changer de système, on change de ministres, ne fût-ce que pour rompre des engagemens qui dominent les hommes long-temps après que l'intérêt momentané qui les leur a fait prendre a cessé. Je ne dis pas qu'il faille changer de ministres, mais seulement qu'un ministère ne change pas de système, et que ceux-là se font une étrange illusion, qui fondent des espérances sur un retour aux principes religieux, moraux et monarchiques de la part de ceux qui ont pris pour

appui les doctrines de la révolution et la corruption du despotisme.

Les royalistes ne doivent compter que sur la bonté de la cause qu'ils défendent; qu'ils soient ultra dans leur persévérance, et qu'ils laissent les élèves de la révolution et de Buonaparte s'arranger entr'eux, ils se feront bonne justice. Le temps approche où il faudra réclamer l'appui de ceux qu'on a persécutés. Répondront-ils ? je n'en doute pas, si la voix qui les appelle ne les a jamais trompés. A toute autre condition ils resteront ce qu'ils ont été depuis qu'on les a repoussés, ce qui leur a rendu de l'ascendant sur l'opinion publique, juges et non acteurs, car ils sont las d'être dupes. FIÉVÉE.

Quis tulerit Gracchos de seditione querentes?

M. Benjamin Constant accuse la Chambre des Députés de 1815 d'avoir violé la Charte en votant l'expulsion des régicides.

Pendant la session de 1815 je pensai, et je pense encore, que le pouvoir d'accorder une amnistie appartient au Roi seul. Parmi les ordonnances nécessaires pour la sûreté de l'Etat, que l'art. 14 de la Charte attribue au Roi le pouvoir de faire, aucune ne me semble plus nécessaire qu'une amnistie après des troubles civils, et j'aurois en conséquence désiré que l'amnistie, qu'il étoit urgent de faire après les cent-jours, portât le nom d'ordonnance royale, et non celui de loi.

Il plut au Roi d'associer les Chambres à cet acte de sa puissance.

Je ne sais ce qui seroit arrivé si le Roi n'eût pas adopté les amendemens de la Chambre des Députés; je pense encore que dans ce cas la Chambre auroit, par une humble adresse, supplié S. M. de la dispenser de concourir à la création d'une loi sur un sujet qui seroit plus convenablement réglé par une ordonnance.

Quoi qu'il en soit, le Roi avoit consulté la Chambre des

Députés; elle lui devoit dès lors la manifestation de ses opinions, suivant sa conscience.

La conscience universelle de la Chambre fut l'expulsion de ceux d'entre les régicides qui, par quelque acte de rébellion dans les cent-jours, auroient volontairement renoncé à l'amnistie que le Roi leur avoit accordée à son premier retour par l'art. XI de la Charte ; je dis la conscience universelle de la Chambre, parce que notre procèsverbal constate que trois membres seuls se levèrent en faveur des régicides et en se levant, prononcèrent ces mots: Par respect pour le Roi. Il est donc bien évident que l'opinion personnelle de ces trois membres étoit la même que celle de toute la Chambre, et que seulement une idee ertonée de leurs devoirs de sujets respectueux et de loyaux députés leur fit croire qu'ils auroient manqué au respect pour le Roi, s'ils n'avoient pas voté conformément à la proposition royale.

Tel est donc l'honneur qui appartient à la Chambre des Députés de 1815; ce fut celui de proclamer d'une manière très-éclatante cette même conscience nationale très-solennellement confirmée, le 17 mai dernier, par la Chambre de 1818.

Cette conscience n'est pas celle de M. Benjamin Constant; il pense que des régicides peuvent réclamer le bienfait de la Charte, après l'avoir audacieusement violée, après avoir voté pour exclure éternellement du trône son auguste auteur, à qui ils devoient la vie, et sa dynastie éternellement chère à tous les bons Français. Il a pensé aussi qu'un marchand de sophismes, après avoir proclamé, le 19 mars 1815, avec beaucoup d'éloquence, qu'il ne les emploieroit plus à colorer l'infamie, pouvoit au bout de quelques jours tenter encore ce qu'il venoit d'abjurer avec tant d'éclat, et vendre seulement ses sophismes plus cher.

Quand un homme est une fois entré dans une telle carrière de déloyauté et d'ignominie, il est éternellement agité par les furies.

Il est agréable de se trouver en opposition de conscience avec un tel homme; il est honorable pour la Chambre des Députés de 1815 de se trouver en butte à ses fureurs.

Non, ceux-là n'ont pas violé la Charte, qui lui ont été fidèles pendant les cent-jours; et pour lui être fidèles TOME IV.-40€ LIVRAISON.

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toujours ils ne prendront pas les leçons de celui qui l'a, pendant les cent-jours, si bassement reniée.

L. F. P. de Kergorlay.

Sur l'Ecole de Droit.

On parle beaucoup aujourd'hui de coups d'Etat : sans sortir des barrières de la capitale et dans le quartier qui devroit être par sa paisible obscurité le plus à l'abri des coups d'Etat, ne pourrions-nous pas citer l'ordonnance du 24 mars dernier, relative à l'école de droit de Paris?

Bien loin de notre pensée de contester le droit qu'a exercé le gouvernement d'augmenter le nombre des chaires : l'article 38 de la loi du 13 mars 1804 l'y autorise; mais l'article 36 de cette même loi décide que toutes les chaires seront données au concours. D'où vient donc que l'ordonnance attribue à la commission d'instruction publique cette nomination Buonaparte avoit eu la de se réserver pour la première organisation, et qu'aucune épreuve, aucune présentation, aucune confirmation le ministre ou le Roi ne soient exigées?

par

que

sagesse

Une chaire vacante depuis 1814, vient enfin d'être donnée par la voie du concours; mais à qui a-t-il tenu qu'il n'eût pas lieu ? et que n'a-t-on pas fait pour le dénaturer? S'il est vrai que vers la fin de 1815 on ait surpris une ordonnance qui abolissoit le concours; qu'une nouvelle ordonnance, rendue en avril 1816 sur les remontrances de la faculté pour maintenir le concours, soit restée ensevelie dans les cartons, et qu'on l'ait remplacée par une seconde abolition du concours; que, les nouvelles réclamations de la faculté ayant fait réhabiliter le concours, on ait fini par le rendre illusoire en adjoignant trois étrangers à l'inspecteur et aux professeurs que l'article 36 de la loi déclare seuls juges; s'il est vrai que, la mort de l'inspecteur étant arrivée pendant les épreuves, la présidence et la voix prépondérante en cas de partage appartinssent au doyen de l'école, puisque la loi n'accorde la présidence qu'aux seuls inspecteurs présens, et que cependant un arrêté de la commission d'instruction publique ait attribué cette présidence et la prérogative qu'elle entraine à un étranger; si cette pré

pondérance toute seule a produit, contre le vœu des professeurs, une nomination que les élèves ont sifflée . n'avonsnous pas le droit, sans nous mêler des bruits qui circulent à ce sujet, de demander comment, avec un ministère responsable, des ordonnances peuvent abolir des lois; si l'autorité gagne beaucoup dans le respect des peuples lorsqu'ils voient en moins de deux ans quitter, reprendre, quitter encore,reprendre encore une loi que l'article 68 de la Charte maintient jusqu'à ce qu'elle soit abrogée par les trois branches législatives? En un mot, ne pourrions-nous pas demander si l'arrêté d'une simple commission peut changer la composition d'un tribunal en y adjoignant qui bon lui semble, et enlever la présidence et la prépondérance qui l'accompagne en cas de partage, à celui qui la tenoit de la loi?

Le résultat de ces mesures ne s'est pas fait attendre. Un suppléant, M. Bavoust, a porté le trouble dans l'école paisible des lois. Au lieu de puiser les leçons dans les sources de l'ancienne sagesse, il a mieux aimé professer la doctrine de la moderne Minerve. De jeunes libéraux ont applaudi, d'autres élèves ont sifflé. Après une scène extrêmement fàcheuse, l'ordre n'a pu être rétabli que par la fermeté du doyen de la faculté de droit. Quelque reste de chalenr se manifeste encore: on attend le jugement du chef de notre instruction provisoire.

Paris, le 2 juillet 1819.

Depuis long-temps on ne lisoit plus ie Journal de Paris; mais la liberté de la presse ayant mis chaque chose à sa place, et toutes les opinions s'ét ut séparées du ministère, l'opinion purement ministérielle n'a trouvé de refuge que dans le seul Journal de Paris. Alors on s'est vu forcé de lire * cette pauvre feuille; car,dans un gouvernement représentatif, on est bien obligé de savoir ce que pensentles ministres. Cette feuille nous accusede n'avoir pas prononcé le plus petit mot de réconciliation; elle s'indigne contre nous, parce que nous nous contentons d'être victimes, et que nous ne vou lons pas être dupes. A l'entendre, le Caucase nous

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