que l'orgueil de l'indépendance. Nous nous sommes combattus dans la nuit des doctrines enfantées par la raison humaine; embrassons-nous à la lumière de la religion d'amour. Possédons en commun les mêmes vérités, et cessons de vouloir en créer de nouvelles. La vérité, c'est Dieu qui ne change point; comment la vérité changeroitelle? Elle réside dans l'Eglise antique sous la garde de l'autorité, et la foi seule en approche. La raison hautaine erre au dehors, se fatigue à poursuivre des ombres qui lui échappent, et comme l'homme déchu, exilé du lieu de son repos, elle s'enfonce avec douleur dans des déserts inL'Abbé F. DE LA MENNAIS. connus. De la Restauration de l'Etat Politique. Les réflexions que nous soumettons à nos lecteurs se rapportent principalement aux temps extraordinaires des usurpations anéanties, et des restaurations commencées. Elles nous ont été inspirées dans un intérêt commun à toutes les nations, d'après l'expérience de l'histoire, et l'examen des princípes de toute société politique. Si l'on s'apercevoit qu'elles eussent quelque rapport particulier avec ce qui se passe chaque jour sous nos yeux, il faudroit en conclure que l'histoire du Monde est une répétition continuelle des mêmes causes et des mêmes effets, dont l'observation négligée par la légèreté devient la leçon de la prévoyance. La situation des empires soumis à la loi du plus fort par le triomphe momentané du fait sur le droit, de l'usurpation sur la légitimité, présente dans tous les temps l'horrible tableau des infortunes particulières et des calamités publiques. Au milieu de tous ces déchiremens de l'Etat, produit par l'action de la force sur la justice, le peuple d'abord flatté devient la victime des usurpateurs dont il est la conquête; et ces usurpateurs eux-mêmes sont-ils plus heureux que ceux sur lesquels ils appesantissent leur joug de fer? Les soupçons, les méfiances, le souvenir du sort malheureux de leurs compétiteurs à la puissance, la crainte d'être rejetés dans le néant par les mêmes moyens qui les en avoient tirés; tout est supplice pour l'imagination alarmée de ces grands criminels: effrayés du passé, s'ils portent leurs regards dans l'avenir, l'espérance même devient leur tourment.....; montés au plus haut point, ils ne peuvent plus que descendre; ils ont sacrifié des victimes humaines sur les autels dressés à l'Ambition, et souvent ces autels sont rougis du sang des sacrificateurs de cette déesse sanglante. Que d'exemples ne pourrions-nous pas citer à l'appui de cette terrible assertion! Tel qui, dans la carrière ordinaire de la vie, auroit paru avec l'éclat que donnent les talens, et avec les vertus que des circonstances convenables lui auroient fait conserver ou acquérir, porte sa tête criminelle sur l'échafaud. Celui-là, né sur les marches du trône, et pouvant jouir du rang élevé dans lequel sa naissance le plaçoit naturellement dans l'ordre politique, s'est vu frapper d'une mort infâme et décevante, au moment même où sa main téméraire croyoit toucher à la couronne, Celui-ci, fameux par ses exploits, et pouvant laisser à la postérité l'éclat d'un nom illustré par la victoire, a cru qu'une couronne ajouteroit à son brillant destin; méconnoissant la véritable grandeur, il s'est fait usurpateur en croyant être roi. Oppresseur du peuple dont il devoit être le défenseur, il tombe; le mauvais succès de son entreprise criminelle le jette dans la défaveur publique; l'illusion de son mérite guerrier a disparu pour faire place à la honte éternelle d'un règne despotique qui n'a duré qu'un moment; ses lauriers se sont flétris sous sa couronne usurpée; il eût été un héros, il n'est plus qu'un tyran. D'autres enfin, croyant se ranger du côté du plus juste en se rangeant du côté du plus fort, ont suivi le torrent où leur erreur, peutêtre volontaire, voyoit ou croyoit voir la patrie. Le torrent impétueux les entraînera peut-être dans sa course éphémère; ou bien, s'ils ont franchi le danger auquel ils s'étoient livrés par imprudence ou par égoïsme, la patrie, debout après l'orage, a le droit de leur reprocher la honte dont ils se sont couverts, et de les marquer du sceau de la réprobation publique. Ainsi, au moment où l'expérience vient prouver que la force tue, et que la justice vivifie les nations; au moment où le droit chasse le fait, où l'usurpation fait place à la légitimité, tous ceux des membres de la nation qui sont plus ou moins coupables des désastres passés, se repentent sans doute de leurs illusions funestes ou de leur égoïste impassibilité; mais ils s'en repentent en secret, et tout haut chacun accuse son voisin. Les criminels, qui n'ont pas connu le repentir, crient plus fort que les autres, parce qu'ils sentent bien que tant qu'ils pourront généraliser sur la masse les crimes d'une minorité factieuse, l'attention se portera moins particulièrement sur les vrais coupables. De là naît dans l'Etat, que l'on doit, que l'on veut restaurer, une confusion de choses et de mots qui jettent le désordre dans la grande affaire que l'on se propose. Chaque individu affecte aux mots honneur, fidélité, patrie, des significations diffé-* rentes, suivant les drapeaux sous lesquels il a combattu. Cependant il n'y a qu'un honneur, qu'une fidé lité, qu'une patrie. Cet honneur, cette fidélité, cette patrie ont toujours existé de droit avec le Roi légitime; maintenant tout cela existe ensemble de droit et de fait. En revenant franchement au principe de la légitimité, les coupables, forcés de se rendre justice, chercheront à se faire oublier dans la société des hommes qu'ils ont outragés par leurs crimes; les égarés, repentans des suites funestes de leurs illusions ou de leurs erreurs, rentreront de bonne foi et sans arrière-pensée dans le véritable système d'ordre, de bonheur et de sage liberté; les fidèles n'auront qu'à rester ce qu'ils furent toujours; et l'Etat ne sera plus, comme par le passé, qu'une grande famille où chacun se trouvera à la place qui lui convient. Mais si tous les coupables marchent toujours le front levé, voulant faire douter de leur conduite passée par l'insolence de leur conduite présente; si les égarés imitent cet exemple séduisant pour l'amour propre comme pour le crime; si les unset les autres, réunis dans un même intérêt, trouvent plus commode de justifier leurs forfaits ou leurs erreurs, que de chercher à en faire oublier, le souvenir; si les fidèles qui ne conspirent pas, parce qu'ils ne sont pas un parti, mais bien le peuple même de l'Etat, sont les victimes des menées audacieuses que les coupables et les intérêts, unis par un intérêt commun au parti de l'innovation, dirigent contre la fidélité généreuse. Si, par suite de cette conspiration sourde de tous les amours propres blessés, il existe dans l'Etat un désordre tel que toutes les idées soient renversées, et que rien de ce qui se dit ni de ce qui se fait ne soit dans les règles du sens commun, que doit faire le gouvernement? Que doit faire le père de famille? Il verra que la source du mal est dans l'oubli des principes de l'ordre social; il ramènera toutes les institutions à ces principes conservateurs, et l'Etat sera sauvé. Comme dans les désordres passés, c'est la force qui a comprimé la justice, dans la restauration présente, c'est la justice qui doit être la seule force. Le gouvernement n'oubliera point que l'Etat a rétrogradé sous l'usurpation, sous la loi du plus fort, et qu'il doit reprendre sa marche naturelle sous la légitimité, sous la loi de justice. Il s'entourera de ceux qui furent ou qui seront fidèles à la loi de justice, et qui sauront la maintenir. Après un temps de bouleversement général, au milieu duquel il a été porté atteinte aux principes de justice qui sont les bases essentielles de l'état de société, il est indispensable de relever ces principes à leur hauteur primitive, si l'on veut remonter d'une manière inébranlable le grand ressort de l'ordre social. Pour parvenir à ce but important, le gouvernement s'empressera de présenter à la vénération des peuples, dans les hautes dignités de l'Etat, les hommes justes en qui brillent au plus haut degré les vertus morales et politiques qui peuvent seules garantir aux nations leur existence et leur prospérité. Les actes du gouvernement, émanés de ces hommes justes, seront respectés comme leurs auteurs, et chacun sera ramené auiant par la force de l'exemple que par la force de la doctrine et de la loi, à ces idées de convenance et d'ordre que le torrent de la rébellion avoit affoiblies dans les esprits. Le calme succédera à l'orage; la nation ne se rappellera qu'avec étonnement un temps de TOME IV.41* LIVRAISON. |