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ILS DOIVENT ÊTRE FAITS PAR L'AUTORITÉ CONSTITUTIONNELLE

QUI FAIT LES LOIS

§ 5. - Cette autorité chargée de faire les traités, quelle doit-elle être? La réponse s'impose. Un traité, avons-nous

quemment exprimé à la tribune de tous les parlements. Le patriotisme est pour la nation ce qu'est pour l'individu l'égoïsme : Il a même racine et donne les mêmes biens accompagnés des mêmes maux. Le jugement qu'on porte sur sa société reflète sur celui qu'on porte sur soi-même........... Et si l'on admet la nécessité d'un égoïsme bien réglé, il faut admettre celle d'un patriotisme bien réglé. L'estime excessive de soi-même est la source de deux classes de maux; en poussant à une revendication outrée de droits personnels, elle engendre les agressions et l'antagonisme : en portant les gens à s'exagérer leur valeur personnelle, elle détermine des tentatives présomptueuses qui aboutiront à des catastrophes. » Et plus loin (p. 224) il ajoute : « Partout on tient l'excès de l'égoïsme pour un défaut, et nulle part on ne blame le patriotisme. »

Et ce ne sont pas seulement le défaut de sagesse, l'imprévoyance, l'excès de patriotisme qui aveuglent. L'égoïsme, l'avidité, le désir de jouir vite, le sentiment de la force, l'occasion présente auront bientôt raison de nos incomplètes notions de justice; notre ignorance mème de ce qui est réellement durable et profitable leur vient en aide. Jamais l'expérience du passé n'aura profité au présent. Nous sortons de l'ornière pour y retomber. Nous croyons inventer et nous ne faisons que répéter et imiter. Deux mille ans avant que l'on songeât à instituer le tribunal arbitral de Genève, pour régler la question de l'Alabama, les Grecs avaient leur sentence arbitrale (xpioi5) rendue par des juges choisis dans un état neutre; les Italiens rendent une sentence entre Militée et Pera pour déterminer les frontières (Inscriptiones Græcæ inedita, Ussing no 2, reproduite par Rangabé, Antiquités helléniques, II, p. 692. Egger, op. cit.)

Cependant, et malgré tant de déceptions, l'on ne peut s'empêcher de songer à la définition que donne Bentham de l'utilité (Bentham, an introduction to the Principles of Morals and Legislation, dans les œuvres complètes, 4 vol. in-8. Edimbourg,

dit, c'est une loi internationale. Dans chacun des pays contractants, c'est l'autorité compétente pour faire les lois du pays qui le sera également pour faire les traités. Voilà ce qu'indique la théorie et ce qu'exige le bon sens.

Mais la pratique présente de bien autres difficultés. Les peuples, vivant en société, ont été astreints à la nécessité de se donner un gouvernement pour la conduite des affaires publiques et des intérêts communs. Ce gouvernement est de forme variable. On peut dire cependant que presque tous les peuples, après avoir passé par la monarchie absolue, que bien des écrivains, historiens ou philosophes, ont exaltée en des termes au moins singu

1737, tome I, ch. 1er, 22). Et celui-là n'est pas optimiste; il ne croit guère aux hommes. Il ne s'adresse ni à leur équité ni à leur religion; positiviste (bien que le mot n'existât pas alors) il s'efforce, sans méthode scientifique d'ailleurs, et en dehors de toute métaphysique, de poser les vrais principes de morale et de législation; et voici comment il débute :

« Le principe d'utilité est la base du présent ouvrage. Il est convenable au début de donner une explication claire et limitée du sens de ce mot. Par ce principe d'utilité on entend cette règle qui approuve ou désapprouve toute action quelconque suivant la tendance qu'elle paraît avoir à augmenter le bonheur du parti dont l'intérêt est en question; ou, ce qui est la même chose, à déterminer, amener ou combattre ce bonheur. Je dis : « de toute action » quelle qu'elle soit; et par suite non-seulement d'une action d'un individu privé; mais de toute mesure de gouverne

ment.

Et plus loin, à la suite du chapitre II, 19, sous le titre : Objections to principles of utility answered, il cite le mot d'Aristide « Le projet de Thémistocle est très avantageux, mais il est très injuste, » qu'il dit être inexact en ces termes :

« On croit voir là une opposition décidée entre l'utilité et la justice. Mais on se trompe : il y a seulement une comparaison du mal et du bien. L'injustice est un terme qui présente à l'es

liers, (1) sont arrivés ou tendent à arriver à un gouvernement d'une autre nature, dans lequel il y ait, entre les

prit l'ensemble des maux résultant d'une situation dans laquelle les hommes ne peuvent plus se fier l'un à l'autre. Aristide aurait dù dire: « Le projet de Thémistocle serait utile pour un moment et déplorable pendant des siècles; ce qu'il procurerait n'est rien, comparé à ce qu'il ôterait.

Et il ajoute ce mot de Senèque « sic presentibus utaris voluptatibus ut futuris non noceas. »

On a cherché à le mettre en contradiction avec lui-même. Jouffroy (dr. nat.) cite ce passage:

Pourquoi faut-il tenir sa promesse? dit-il.

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Parce que cela est utile.

On a donc le droit de la violer, si cela est nuisible?

· Oui. »

Mais plus loin (ch. II, page 12, Objections to principles of utility answered) :

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L'obligation qui attache les hommes à leurs engagements n'est rien autre que le sentiment d'un intérêt d'ordre supérieur, qui évince un intérêt inférieur. Les hommes ne sont pas toujours dirigés par l'utilité particulière d'un certain engagement. Mais même dans le cas où l'engagement est onéreux, ils y sont liés encore par l'utilité qu'il y a à être considéré comme un homme de parole. Ce n'est donc pas l'engagement qui constitue l'obligation même; c'est l'utilité d'un contrat. »

- C'est là une réponse bien topique à ce passage de Machiavel: «Un prince prudent n'est point tenu d'exécuter ses engagements quand cela lui tourne à dommage et que les occasions qui les lui ont fait prendre ne sont plus.

Et ces deux passages de Bentham, si froids et positifs, devraient, ce semble, ètre médités constamment de ceux à qui est confié le gouvernement des peuples. En dehors de toutes les règles de modération et d'équité qui semblent être, d'un commun accord, écartés de la pratique journalière, ils y trouveraient de précieux enseignements.

(1) Voyez par exemple: Hobbes, cité par Jouffroy, I, 284. « Quelle est maintenant la meilleure forme de la société ou du

diverses autorités constituées, un partage d'attributions et de pouvoir.

<< Il y a, dit Montesquieu (1), dans chaqne état trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutive des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil. »

De nos jours, presque tous les peuples se sont donné des gouvernements où la puissance exécutive, dans toute son amplitude, est confiée généralement à un personnage individuel qui, avec des titres différents, est chef du pouvoir exécutif et l'exerce par lui-même ou par des délégués, et la puissance législative à un ensemble de personnes diversement choisies ou élues, reparties en une ou plusieurs assemblées, et dont l'ensemble forme un parlement. De là le nom de gouvernement parlementaire.

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DELIMITATION DU PRÉSENT TRAVAIL

Ce qui caractérise un gouvernement, c'est le

pouvoir qui la constitue? C'est la plus forte. Et quelle est la plus forte? C'est celle où le pouvoir est concentré en une seule main, c'est la forme monarchique.

« Mais des différentes monarchies quelle est la meilleure? C'est la plus forte. Et quelle est la plus forte? La monarchie absolue. Donc la monarchie absolue est la meilleure des formes sociales.

« Quelle est la seule faute du pouvoir dans la société ainsi conçue? C'est de faire des actes qui tendent à l'affaiblir ou à le renverser. Mais alors même, les sujets sont tenus de les respecter et de s'y soumettre. Car où est le mal des actes du pouvoir? Dans l'affaiblissement de son autorité qui en résulte. Or la désobéissance des sujets augmenterait le mal. Donc la faute du pouvoir ne peut jamais autoriser la désobéissance des sujets. »

(1) Esprit des Lois XI. Cf. Locke, Two treaties of Government, II, 1, 83 et II, 12.

partage des attributions, le fractionnement de la puissance. L'exécutif a autorité pour telle catégorie d'affaires, le législatif pour telle autre. Mais il est toute une série de matières de nature mixte qui ressortissent de l'un et de l'autre. Qui sera compétent? Devra-t-on attribuer à l'un compétence exclusive, ou reconnaître à tous deux une compétence simultanée ou successive? La préparation, l'élaboration, la discussion, l'approbation, la ratification d'un traité sont des opérations multiples, essentiellement différentes, qui ne peuveut évidemment être conduites par les mêmes agents.

L'objet de cette étude est de rechercher qui peut faire un traité, c'est-à-dire le préparer, le négocier, le ratifier, le faire exécuter.

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