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du royaume, où tous les guerriers nobles assistaient de droit. Tous les hommes un peu considérables, qui furent à portée de faire le voyage de Rouen, furent admis dans ces États. Alexandre de Médicis, légat du pape, y fut introduit et y eut voix délibérative. Le roi qui avait besoin du pape, dérogea aux lois du royaume, sans craindre les conséquences d'une vaine cérémnie (1). »

VUE D'ENSEMBLE. UTILITÉ DES ÉTATS

§ 8. Si maintenant l'on envisage l'ensemble de la question, si l'on résume les résultats que nous avons isolément constatés, on arrive à la conclusion suivante:

Les États n'ont pas rempli toutes les espérances qu'ils ont pu faire concevoir. La Royauté n'a pas senti assez énergiquement le frein qu'ils lui imposaient pour songer même à s'y soumettre. Ce défaut d'énergie à l'origine lui a permis de prendre ses mesures pour l'avenir, de s'organiser contre les revendications futures. Elle a usé de tout son pouvoir pour discréditer l'institution, pour lui enlever ses moyens d'action. Elle a mis, dans cette lutte, tous les avantages de son côté. En sorte que les États, qui ont échoué, dès le début, par le manque de zèle et de persévérance, ont échoué plus tard par l'habileté de la Royauté qui leur avait ôté toute possibilité d'attaque.

Leur utilité a été cependant considérable. Ils ont, à diverses reprises, contribué à sauver le pays. Ils ont, aussi souvent qu'ils l'ont pu, lutté pour sa liberté; arraché parfois à la Royauté des concessions définitives et importantes; établi, à force d'importunités, certaines règles qui limitaient sa puissance; et si parfois, joués par elle, consultés sur les intérêts du pays, lls l'ont aidée à des actions

(1) Voltaire, op. cit., XXXVII.

que la morale réprouve, c'est qu'en virtuose habile elle a su jouer de ce merveilleux instrument, le patriotisme de ses sujets. Ce n'est pas à notre siècle, qui a connu successivement les excès du chauvinisme et de l'internationalisme, qu'il convient de leur reprocher leurs géné

reuses erreurs.

CHAPITRE II

LES PARLEMENTS

$1.

Quand on étudie l'histoire des Parlements, on est frappé de voir nos anciens auteurs les assimiler aux Etats Généraux. Picault, qui écrivait dans la deuxième moitié du xvII° siècle, intitule son ouvrage : Des Parlements ou Etats Généraux. Après lui, le comte de Boulainvilliers (1658-4722) donne au sien un titre analogue: Histoire de l'ancien Gouvernement, suivi de quatorze lettres historiques sur les Parlements ou Etats-Généraux. Les deux termes leur semblent identiques.

Au fond, il n'y avait pas confusion. Le comte de Boulainvilliers, hautain représentant et défenseur de la noblesse, n'avait garde de mettre au même plan les Etats Généraux, le premier pouvoir après le roi, organe de la nation, souvenir vivant des libertés antiques, avec la race des robins et des procureurs. On peut consulter Voltaire (Histoire du Parlement de Paris) (1), qui indique très nettement la cause de cette inexactitude de langage.

(1) Cet ouvrage mérite une confiance particulière quant aux documents. Il fut composé sur des notes fournies par le chance

Je ne veux point faire l'historique du Parlement, de ses différentes fonctions, sous Philippe le Bel, sous SaintLouis. D'abord cour de justice, détachée du conseil du roi, siégeant à certaines époques de l'année et se transportant en divers points du territoire, il devint, par l'extension de ses fonctions, permanent et stable. Puis, devenu Parlement de Paris, il se trouva être insuffisant, et on en dut établir d'autres (1).

FONCTIONS, REMONTRANCES ET ENREGISTREMENT.
ORIGINE DE CES DROITS

§ 4. A l'origine, les pouvoirs du Parlement semblent être les suivants :

Juger les appels royaux, comme juridiction suprême; Juger en premier et dernier ressort les affaires concernant les feudataires relevant du roi.

lier Meaupeou ou par ses agents. La plupart de ceux qui ont écrit sur la matière, se sont largement inspirés du travail de Voltaire. Je ferai de même et me dispenserai de citer.

(1) Outre celui de Paris, établi en 1302, on en avait institué d'autres à Toulon, 1444; - Grenoble, 1453;

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Bordeaux, 1462:

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Trente ans plus tard, en 1589, le Parlement de Paris était composé de cent quatre-vingts membres environ. Il y en avait près de deux cents en 1770, année où il fut dissout par le roi.

Dans l'intervalle, on avait créé de nouveaux parlements. ceux de Pau, établi en 1620; Metz, en 1634; Besançon, en

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Un dernier parlement fut érigé par le roi Louis XVI, à Nancy, en septembre 1775.

Un autre, qui avait été transitoirement établi, le parlement de Dombes, siégeant d'abord à Lyon, puis à Trévoux, fut supprimé cette même année 1775.

Il existait donc en tout treize parlements, lors de la loi de l'Assemblée constituante, du 6 octobre 1790, qui en ordonna la suppression.

Voltaire remarque que Philippe le Bel ne lui attribua pas la connaissance des affaires criminelles (1). Pour le procès des Templiers (1307), le pape Clément V nomma des commissaires; et, en 1350, le comte d'Eu, connétable et pair de France, fut jugé criminellement par le prévôt de Paris.

Il n'avait donc pas de pouvoirs bien fixes et bien étendus. Juger les appels, les affaires des vassaux nobles du roi, et, par occasion, celle des pairs, c'était peu. Il allait avoir bientôt deux autres droits plus importants, au point de vue politique celui d'enregistrement et celui de

remontrances.

On prétend que le droit d'enregistrement lui échut par occasion.

Un conseiller, Jean de Montluc, avait, pour son usage personnel, composé un mémorial des édits, jugements, événements à sa connaissance. Cela parut commode. On l'imita. La Cour n'ayant pas d'archives, prit insensiblement l'habitude de déposer au greffe du Parlement les édits et les ordonnances dont le Parlement devait assurer l'exécution. Le Parlement eut soin de transformer cette habitude en usage indispensable.

Le droit de remontrances semble avoir été également

(1) M. Guizot, I, 574, cite, au début du xve siècle, le cas d'un grand seigneur d'Aquitaine, Jordan de Lisle, « très noble par sa naissance, très ignoble par ses actions, » qui, après plusieurs crimes avérés, fut cité au tribunal du roi, au parlement; il vint suivi d'une escorte considérable, fut emprisonné au Châtelet et, malgré menaces et brigue, condamné à mort.

« C'était, ajoute M. Guizot, à coup sûr, une difficile et périlleuse tâche pour les membres obscurs de ce parlement, à peine organisé et tout récemment établi en permanence à Paris, que de réprimer de tels désordres et de tels hommes.

détourné de ce qu'il était à l'origine. Louis XI avait demandé l'avis du Parlement sur une question de droit. canonique. La cour lui remit un mémoire en 89 articles, intitulé « Remontrances touchant les priviléges de l'Eglise gallicane. » Elles commencent par ces mots : << En obéissant, comme de raison, au bon plaisir du roi, notre sire. » Ces remontrances, cette démonstration, cet exposé favorisaient les intentions du roi. Il les adopta. Plus tard, il changea d'avis. Le Parlement fit de nouvelles remontrances, très énergiques cette fois, et en opposition avec le sentiment du roi, qui n'en tint compte.

Le même Parlement, sous le même roi, en fit de nouvelles, à propos de l'aliénation du domaine de la Couronne, du prix du blé, etc. L'usage en devint, dès lors, régulier.

Mais ces droits nouveaux ne furent ni reconnus par le pouvoir royal, ni invoqués par le Parlement aussitôt et aussi facilement qu'on le pouvait croire. Lors des Etats Généraux de 1484, le Parlement semblait encore s'en tenir à son institution première. Le duc d'Orléans, ennemi de Mme de Beaujeu, que Louis XI avait, par testament, instituée régente, va, pour se rendre populaire et mettre la ville de Paris dans son parti, s'adresser au Parlement et lui représenter qu'il fallait qu'on ramenât à Paris le roi, qui était alors à Melun, et qu'il gouvernât par luimême avec les princes. Et le premier président, Jean de la Vaquerie, lui répondit : « La cour est instituée par le roi pour administrer la justice, et n'ont point ceux de la Cour, l'administration de la guerre, des finances, ni du fait et gouvernement du roi, ni des grands princes. >>

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