suit que l'arbre ou le sabot de Noël apporte nécessairement plus qu'on n'avait pu espérer. Jouissez de toutes ces surprises, de toutes ces caresses; jouissez-en bien, mes chers petits amis, car, sachez-le, la vie, pour si heureuse que Dieu vous la fasse, ne vous procurera jamais de meilleures joies. Je connais un homme qui est arrivé au plus haut point de la fortune et de la position; il a tout à souhait dans la vie, et, par dessus tout, il possède la conscience satisfaite d'un honnête homme et d'un homme utile à ses semblables. Eh bien! cet heureux de la terre ne voit jamais venir Noël sans s'attendrir et sans regretter le temps où, dans une humble chaumière de la montagne, sa bonne mère attachait pour lui, à la branche de sapin coupée dans la forêt, quelques pommes d'api aux nuances vermeilles, quelques noix et un ou deux jouets de bois blancs façonnés exprès par son père, le tout agréablement entremêlé de petites bougies fabriquées avec la cire du rucher !... - L'enfance, ajoute-t-il, a ce privilége sur les autres âges que ses plaisirs et ses trésors sont indépendants du luxe et de la fortune, de telle sorte que l'arbre de Noël le plus rustique a autant d'éclat pour le pauvre enfant à qui il est offert, et lui procure une aussi grande joie, que peuvent le faire les présents les plus splendides pour l'enfant des familles opulentes. L'amour de ceux qui donnent, la tendresse reconnaissante de celui qui reçoit, égalisent la valeur des objets offerts. Grâce à cette innocente et bienheureuse égalité, les lignes que j'écris s'adressent à vous tous, mes enfants, et sont vraies pour tous, à la condition toutefois que tous vous soyez sages et bons. VII Il est d'usage en France que, dans chaque église, dans chaque chapelle, et même dans beaucoup de familles, on fasse des crèches devant lesquelles, grandes personnes et petits enfants, aiment à se réunir pour saluer, en son berceau, le doux Enfant de Bethléem, et chanter quelques-uns de ces vieux cantiques que nos pères appelaient des Noëls. C'est un usage en honneur dans presque toutes nos provinces; mais voici, croyons-nous, qui est particulier au Lyonnais. Les enfants, à Lyon, ont coutume de choisir, parmi les objets qu'ils reçoivent à l'occasion de Noël, ce qui leur semble le plus beau, le plus précieux; puis, accompagnés de leurs mères, ils vont le porter à la crèche. Ils ne l'offrent pas en don à l'Enfant Jésus; ils le lui prêtent pour le reprendre au jour de l'an. Il ya là deux idées également touchantes. D'abord l'idée de sacrifice, idée bien sérieuse, mais avec laquelle toutefois l'enfance ne saurait trop tôt se familiariser, qu'elle ne saurait trop tôt pratiquer, et dont elle trouve d'ailleurs la source et l'enseignement dans la crèche même. N'y a-t-il pas, en effet, un sacrifice réel et bien méritoire dans cette privation que l'enfant s'impose volontairement pendant huit jours, qui sont pour lui autant de siècles, d'objets dont la nouveauté fait le plus grand prix ? Il ya, en second lieu, l'idée de bénédiction. Par cette consécration au doux Enfant de la crèche, le joujou, pour si futile qu'il soit, rapporte au logis un suave et fortifiant parfum de piété, de ferveur, qui en fait une sorte de mémorial précieux. L'œil de l'enfant, celui même des parents ne s'y fixera point sans qu'un bon souvenir traverse les cœurs: ce sera une voix qui, à toute heure, parlera au foyer domestique de grâce et d'amour. N'est-ce pas une bénédiction... on pourrait presque dire un céleste langage? Prêtez donc, ô mes enfants, prêtez vos jouets au doux Jésus, portez-les au pied de son berceau; mais ce qui lui sera plus agréable encore, épanchez un peu de vos joies, faites une part dans vos trésors aux petits frères privilégiés du miséricordieux Enfant de la crèche; j'entends aux jeunes enfants auxquels ces dons ne sont pas prodigués avec autant d'abondance qu'à vous. VIII 11 me vient à ce sujet, mes petits amis, une idée que je veux vous soumettre : Dans les villes, dans les grandes cités surtout, les enfants n'ont pas toujours à proximité de leurs demeures une représentation de la crèche, où leurs mères puissent les conduire, mais tous, ou presque tous peuvent en trouver dans leurs quartiers la réelle et vivante image. Qu'ils aillent visiter et honroer le Seigneur Jésus dans un de ces pieux et touchants asiles créés sous le patronage du souverain Enfant et qui empruntent leur nom même au Jésus de Bethléem. Vous savez tous, mes jeunes amis, que l'institution des crèches fondée à Paris par le vénérable M. Marbeau en 1847 a pour objet de faciliter aux mères dont le travail journalier absorbe tous les moments, le moyen de ne pas se séparer de leurs petits enfants pour les envoyer en nourrice. La crèche reçoit tous les matins ses petits pensionnaires, elle les garde jusqu'au soir; chacun a son berceau, son biberon, et est l'objet des soins les plus dévoués, les plus attentifs. Rien de plus gracieux, de plus frais, de plus propre, de plus charmant, en un mot, que ces asiles du premier âge, que les plus grandes dames de chaque quartier ambitionnent l'honneur de patronner, de surveiller et de diriger. Les services qu'ils rendent sont immenses dans l'ordre moral surtout: la mère, en reprenant son enfant, en le gardant la nuit, en l'embrassant le matin avant de l'apporter à la crèche, ne se déshabitue d'aucun de ses devoirs, d'aucune des tendresses maternelles; elle n'est pas obligée d'exiler son enfant loin d'elle, au fond d'un village, elle ne se prive ni de sa présence, ni de ses caresses; elle reste véritablement mère, tout en se ménageant le moyen de contribuer à l'existence et au bien-être de sa famille. Oh! comme une visite et une fraternelle offrande aux petits hôtes de la crèche seraient, à Noël surtout, agréables à Jésus et quel bien en résulterait. Ce serait là un terrain neutre, le terrain de l'amour chrétien, sur lequel se rencontreraient dès le premier âge, pour se rapprocher, se connaître et s'apprécier, les différentes classes de la société. Dieu seul sait combien de préjugés, de haines peut-être se fondraient et disparaîtraient au chaud et vivifiant soleil de cette enfantine camaraderie. IX Vous tous, mes enfants, qui avez une tendre mère, un foyer bien chaud et de bonnes et joyeuses fètes, pensez-vous assez, dites-moi, qu'il est des malheureux à qui tout cela manque... Pensez-vous assez qu'il y a des enfants qui n'ont pas de mère, et, ce qui est plus triste encore peut-être, qu'il y a des mères. des mères tendres et dévouées comme la vôtre, - qui, non-seulement n'ont pas d'arbre de Noël à orner pour la jeune famille, mais même qui, en ce jour de réjouissances pour l'univers entier, n'ont pas de pain à lui donner... Oh! le frisson court dans les veines à cette idée ; des enfants qui ont faim le jour de Noël, tandis que tant d'autres reçoivent en abondance une foule d'inutilités!... Peut-être parmi vous y en a-t-il qui se disent : Pourquoi jeter cette ombre sur notre bonheur? Pourquoi nous parler des souffrances, quand autour de nous tout est joie et sourires?... X - Pourquoi? mes enfants. Parce que la joie égoïste est dangereuse pour l'âme et malsaine pour le cœur. Parce que le plaisir que l'on prend sans chercher à y associer, autant que possible, ceux |