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et d'humilité, ne me pénètre d'émotion et d'estime et pour celui qui le fait et pour les maîtres à qui cet hommagé est rendu.

Aussi rien ne m'a-t-il plus profondément touché, parmi les témoignages de respect et de reconnaissance donnés aux restes mortels du respecté supérieur général des frères des écoles chrétiennes (1), que de voir mêlé à la foule de tout âge et de toute condition, qui se pressait autour du vénérable mort, des hommes à la mâle prestance dont le nom et le grade, circulant tout bas parmi les assistants, signalait souvent à l'attention des individualités bien connues dans l'armée.

Un d'entre eux, un vieillard, officier retraité, détachait sa croix d'officier de la Légion d'honneur l'approchait de ces lèvres glacées par la mort, et encore empreinte cependant de ce bienveillant et calme sourire que n'oublieront jamais ceux qui ont connu le frère Philippe, et la baisant ensuite pieusement, il disait:

Il a été mon premier maître.

Un général de division, après avoir remis à un des frères présents une généreuse offrande pour les enfants pauvres des écoles, disait à haute voix :

Ce que je suis, c'est à l'instruction que j'ai reçue chez les Frères que je le dois!

Voilà des faits, voilà des paroles qu'il ne faut pas que les élèves des écoles ignorent. Il faut qu'ils sachent tous que le trésor que la France distribue si libéralement à tous ses enfants a une valeur réelle et inappréciable; c'est le lingot brut duquel chacun,

(1) Le frère Philippe, mort le 7 janvier dernier et exposé pendant trois jours dans une chapelle ardente à la maison mère, rue Oudinot, 27.

ensuite, dans la mesure de ses moyens et de la position où il sera placé, aura le devoir de faire sortir le métal pur de tout alliage et soigneusement poli, d'un savoir plus développé et spécial à ses besoins.

Il faut aussi que les enfants riches auxquels la famille prodiguera jusqu'à la fin tous les moyens de s'instruire, que la jeunesse pauvre devra chercher en elle-même, sachent combien l'intelligence et la volonté peuvent suppléer aux facilités qui eur sont acquises. Ils apprendront aussi à respecter le savoir et le mérite partout où ils les rencontreront, et à les apprécier, à les honorer, d'autant plus qu'ils auront coûté, à celui qui les possède, d'efforts individuels pour les acquérir...

VII

Cette causerie nous avait mené jusqu'au moment où le signal de la reprise des plaisirs champêtres, que l'ardeur du soleil avait un moment interrompu, nous arriva donné à la fois par toute la musique de la fête.

Il n'y avait pas un instant à perdre si l'on voulait épuiser toutes les promesses du programme, à commencer par les jeux des macarons, les chevaux de bois, le tir à la carabine, jusqu'aux représentations dramatiques et aux tours de prestidigitation de la soirée, en passant bien entendu par la boutique des marchands de gaufres et de pain d'épice, nous quittâmes en toute hâte l'ombre du grand chêne, et ) guidés par le bruit toujours croissant, nous regagnâmes à travers bois le théâtre de la fête.

Je n'essaierai pas de dépeindre la joie, l'enthousiasme de nos petits amis; nous nous laissâmes

bientôt gagner par leur gaîté entraînante et, je le déclare franchement, sans en avoir la moindre honte, nous redevînmes pour quelques heures presque aussi enfants qu'eux, ce qui veut dire que nous nous amusâmes de tout notre cœur.

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