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âmes, si les enfants dont je viens de vous montrer un des mauvais et tristes jours s'étaient laissé guider par elle, ils auraient joui de la satisfaction que l'on éprouve toujours à contribuer au bonheur des autres.

Ils se seraient privés d'un peu de leur superflu; ceux-ci de quelques friandises; ceux là d'un jouet ou d'un livre en faveur de ceux de leurs jeunes frères qui, ainsi que je vous le disais dans notre dernière causerie, ne possèdent ni bonbons, ni livres d'images, ni pantins articulés.

Nous les aurions vus, répondant à notre appel, s'enrôler dans les rangs de la croisade dont nous nous sommes fait les promoteurs, et les uns au profit des intéressants petits pensionnaires des crêches, les autres au profit des petits Alsaciens-Lorrains, tous se dépouillant volontairement d'une part de leurs trésors, se seraient en réalité enrichis au point de vue du contentement de soi-même et de la vraie joie du cœur.

Au lieu de cela, ils ont voulu jouir avidement, sans partage, en affreux petits égoïstes; qu'en est-il résulté?- la satiété, la fatigue, le mécontentement d'eux-mêmes et des autres.

Heureux cependant si ce premier pas dans la voie du plus terrible des fléaux de notre époque, de cet égoïsme dont nous venons de signaler les désastreux effets, leur en démontre les inconvénients et les périls. Heureux s'ils savent reconnaître à temps qu'ils se sont trompés de route et s'ils se hâtent d'en changer.

Il est si facile à leur âge de se corriger de ses défauts et de se les faire pardonner.

VIII

Mais, dites-vous peut-être, l'année a-t-elle donc si mal commencé pour nous tous, que notre bonne et indulgente amie n'ait trouvé partout sur son chemin que de méchants garçons et de vilaines petites filles ?

Rassurez-vous, mes enfants, si je vous ai d'abord introduit dans ces intérieurs, où la belle fête de Noël et du nouvel an avaient apporté le trouble au lieu de la joie; si en premier lieu je vous ai montré des enfants ingrats, abusant à plaisir des dons de Dieu et des bienfaits de la famille, c'est justement parce que ces ingrats formant l'exception, j'ai voulu en finir tout de suite avec eux pour ne plus revenir sur ce douloureux souvenir. J'ai tenu à vous montrer l'ombre avant la lumière, afin que l'éclat de celle-ci vous enveloppe de ses rayons sans que rien en vienne atténuer la radieuse et féconde beauté.

Je vous ai montré d'abord le revers de la médaille, en voici maintenant le beau côté.

Beaucoup, beaucoup parmi ceux d'entre vous qui ont lu la Croisade, se sont associés avec une charmante ardeur à notre pensée et sont venus à nous les mains pleines. Qu'ils en reçoivent ici tous mes remerciements, et qu'ils sachent avec quelle affectueuse gratitude leurs enfantines offrandes ont été accueillies.

L'œuvre d'Alsace-Lorraine reçoit les plus sympathiques adhésions; les dons les plus généreux y affluent; mais parmi ces adhésions, parmi ces offrandes, aucune, nous pouvons le dire hautement, n'a été reçue avec plus de joie et d'empressement que vos modestes envois.

C'est qu'il y a dans ces témoignages d'enfantine sympathie qu'à notre voix vous avez prodigués à ces frères malheureux, de merveilleuses promesses pour l'avenir. C'est le grain de sénevé dont parle l'Évangile qui, avec le temps, s'élèvera de terre, croîtra et deviendra un grand arbre!

Soyez donc bénis, mes enfants, pour tous les bons sentiments d'amour chrétien et de patriotisme qui ont, à cette occasion, débordé de vos cœurs : vous êtes pour nous tous, mieux que la joie du présent, vous êtes l'espérance de l'avenir... soyez bénis.

IX.

Mais laissez-moi reprendre avec vous le cours de mes visites du nouvel an.

Après m'être enfuie de chez la mère de François, toujours poursuivie, me semblait-il, par les cris de ces malheureux enfants, j'entrai dans une élégante demeure où je me sentis comme envahie et toute réjouie par le rayonnement de bonheur qui éclatait sur tous les visages. Une jolie corbeille était sur la table du salon; dans cette corbeille étaient placés en grand ordre et belle symétrie une poupée, un ménage complet, des livres, des images entremêlés d'objets de moindre importance et de bonbons.

On me conduisit comme en triomphe auprès de cette corbeille; on me fit l'exhibition minutieuse dés richesses qu'elle contenait.

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Est-ce Noël on le nouvel an qui vous a ap

porté ces délicieuses surprises?

A cette question, l'aînée des enfants, une bonne petite fille de neuf ans, me sourit d'un air mystérieux, et ce qui acheva de m'intriguer, un espiègle petit lutin de cinq ans, se hissant à la hauteur de mon oreille sous prétexte de m'embrasser, me dit tout bas.

- N'ayez pas l'air de le savoir: tout cela est pour vous!...

Pour moi, des poupées et des pantins!... décidément je ne saurais comprendre.

Mais on me parle de la Croisade, et ce sujet si cher à mon cœur me fait si bien oublier et la corbeille et la confidence de Joseph, qu'en sortant je ne m'aperçois même pas que la table est privée de son plus bel ornement...

Quelques secondes plus tard, lorsque le cœur tout épanoni par la vue de l'union charmante dont je venais d'être témoin, j'ouvris la portière de ma voiture, tout le secret me fut révélé...

La corbeille y avait été déposée et une étiquette, écrite de la plus belle main de ma petite amie portait ces mots : « Pour nos bien-aimés petits frères, les exilés d'Alsace-Lorraine. >>>

X

Mais avant que ma voiture se refermât, une autre surprise m'était réservée, une bien douce et bien consolante surprise :

Une petite fille, locataire d'une des mansardes de

la maison, aussi humble et pauvre celle-là, que les charmants donateurs de la corbeille sont favorisés de tous les dons de la fortune s'approcha timidement: C'est vous, madame, me dit-elle, qui avez invité tous les enfants de France à venir en aide aux pauvres enfants exilés de leur pays, parce qu'on ne veut plus permettre qu'ils soient Français?

Je répondis par un signe de tête affirmatif.

- Oh! j'ai lu votre petit livre... j'ai lu aussi Reviens, enfance bénie et j'ai pleuré de tout mon cœur... Comme je voudrais être riche pour donner beaucoup!... Mais le peu que j'ai, je vous l'offre de tout

mon cœur.

Et l'aimable enfant me tendait un tout petit paquet que j'hésitai à accepter.

La petite fille devina sans doute le motif de mon scrupule.

Oh! dit-elle, vous pouvez prendre, madame; c'est la récompense de mes bons points et maman m'a permis d'en disposer.

Avant que j'eusse le temps de la remercier et de l'embrasser, l'enfant, toute honteuse de sa bonne action, s'est enfuie... Quant à moi, je sentais mon cœur tout ému et mes yeux étaient pleins de larmes.

XI

Je pourrais, chers enfants, ajouter à ces bons souvenirs une foule d'autres récits touchants. Je n'en mentionnerai qu'un seul.

Je sortais d'une maison où j'avais eu le regret de ne point rencontrer les personnes que j'allais voir.

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