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La mère était sortie avec sa jeune famille sans dire où elle allait, ni à quelle heure elle rentrerait.

Je m'en retournais assez contrariée, lorsque des voix joyeuses me firent vivement retourner la tête. Deux enfants accouraient vers moi.

Oh! criaient-ils, merci, madame, merci, mille fois de la bonne fête que vous venez de nous procurer Et me prenant chacun une main, ils me forcèrent à revenir sur mes pas.

Il faut que vous remontiez... Oh! il le faut ; nous avons tant de choses à vous raconter.

Et de si belles choses, ajouta la jeune mère, en nous rejoignant.

Je fis d'autant moins de résistance que ma curiosité, je l'avoue, était vivement excitée.

Comme les enfants parlaient tous à la fois, j'eus quelque peine à me rendre compte comment je me trouvais avoir été associée à la pensée du plaisir dont ils portaient le rayonnement dans leurs yeux.

Je compris enfin que cette bonne et aimable famille venait de faire une visite à la crèche voisine où elle avait distribué des gâteaux et des bonbons et où les enfants avaient eu le grand honneur et l'indicible joie d'inscrire, de leur écriture encore hésitante, leur nom sur le registre des visiteurs.

Que d'observations et de réflexions naïves et charmantes me furent communiquées!... Que de questions sur l'organisation des crèches, sur leur fonctionnement, sur les services qu'elles rendent. Sur les moyens surtout de leur venir utilement en aide.

Un de ces moyens, répondis-je à ces charmants petits questionneurs, et peut-être le plus efficace entre tous, est justement celui que vous venez d'employer: une visite bien affectueuse, accompagnée de quelque léger présent, voilà la plus grande satisfaction que vous puissiez donner à la directrice, aux jeunes enfants et surtout aux familles.

Je dis, surtout aux familles, parce que, -vous aurez peut-être peine à le comprendre, mes enfants, - ce sont les parents qui ont le plus besoin d'être encouragés à mettre à profit cette institution si utile.

On a beau, en effet, démontrer à ces derniers le bienfait des crèches au point de vue que j'ai précédemment indiqué, du lien de famille, que la possibilité de garder ses enfants, une partie du temps, auprès de soi, resserre et fortifie; on a beau ajouter qu'au point de vue économique et sanitaire, la crèche offre des avantages précieux et incontestables, un absurde préjugé retient encore bien des mères.

Elles confondent à tort l'idée de la crèche avec celle d'une maison de charité; leur dignité s'alarme, et, par suite d'un faux amour-propre, elles s'imposent de pénibles sacrifices de cœur et d'argent, pour envoyer leurs chers babys en nourrice, sans vouloir comprendre qu'en les éloignant ainsi, elles les privent des soins maternels et les exposent à une foule de souffrances, voire même de périts, que leur tendre sollicitude, jointe aux soins reçus à la crèche, éloignerait d'eux.

Les statistiques les plus authentiques établissent, en effet, que partout où les crèches sont établies et fréquentées, la mortalité diminue d'une manière notable parmi les enfants. De plus, on est étonné de la différence qui existe comme vigueur de tempérament et bonne conformation de corps, entre les enfants qui fréquentent ou qui ont fréquenté les crèches et ceux qui reviennent de nourrice.

C'est qu'à la crèche les soins sont intelligents et incessants. Toutes les mesures d'hygiène sont soigneusement observées. Et puis, je le répète, à certaines heures l'enfant jouit des caresses de sa mère, de ces bonnes caresses dont vous êtes si tendrement avides, mes jeunes amis, que rien ne remplace et qui illuminent d'un reflet en quelque sorte céleste, les premières années de la vie.

N'épargnez donc rien pour assurer ces témoignages de tendresse que vous recherchez tant vousmêmes, à vos petits frères moins favorisés que vous du côté de la fortune. Et pendant que vos mères cherchent à vaincre les préjugés populaires, et à démontrer les vérités sur lesquelles je viens d'insister, en prenant pour mobile l'affection, la bienveillance et l'intérêt qu'elles portent à ces pauvres babys; de votre côté, gagnez leur cœur. Iln'y a telle éloquence, mes amis, qui, pour une mère, vaille les marques d'affection données à son enfant.

Donc, et pour finir sur ce sujet, merci, mes enfants, merci à vous et à vos mamans, pour tous les encouragements que vous avez donnés pour ceux que vous donnerez encore à cette œuvre réellement bonne, utile, et dont je suis si heureuse de me faire l'avocat auprès de vous.

XII

Peut-être pensez-vous, mes chers petits amis, que j'oublie le titre de ma causerie; rassurez-vous, je suis plus près de mon sujet que vous ne le croyez.

En vous entretenant des trois jours de vacance qui vous attendent, ou plutôt que vous attendez avec la juste impatience de votre âge, mon intention n'était pas, en effet, de vous faire l'histoire du carnaval et de vous montrer les phases diverses par lesquelles ont passé ces réjouissances populaires, depuis leur origine, qui se perd dans les temps les plus reculés de l'antiquité païenne, jusqu'à nos jours, où en beaucoup d'endroits ces fêtes semblent tomber en désuétude.

Mon intention n'est pas davantage de vous faire suivre en imagination le cortége du bœuf gras, cortége, qui d'ailleurs, à Paris, n'aura pas lieu cette

année.

Encore moins entreprendrai-je de vous dépeindre les formes variées données aux divertissements du carnaval, selon les mœurs et le climat des divers pays.

Mon but est à la fois plus simple et plus pratique. En vous souhaitant tout le plaisir que je vous désire à l'occasion des vacances, j'ai voulu vous prémunir contre l'abus qui, empoisonnant les meilleures choses, transforme en occasion de dangers, de larmes, de regrets, ce que l'amour de la famille a imaginé de plus propre à fortifier ses liens, à animer, égayer son foyer.

J'ai voulu vous montrer ce que peut, pour son malheur, l'étroitesse d'esprit de l'enfant égoïste, et ce que peut, au contraire, pour son bonheur et celui de tous ceux qui l'entourent, l'aimable spontanéité, la franche gaîté de l'enfant à l'âme généreuse et au cœur de bonne volonté.

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