fait la toilette de son logis; elle lave, elle époussette, elle établit partout un ordre irréprochable, une propreté minutieuse. Malheur à la poussière et à la fumée, le balai, la brosse, l'éponge, les traquent impitoyablement, comme si avec elles, ils voulaient chasser et effacer tout souvenir, toute trace du long hiver. Ne faut-il pas que tout soit gai dans l'intérieur de la maison aussi bien qu'au dehors, et le joyeux soleil n'a-t-il pas droit à un libre passage à travers les vitres brillantes et les fraîches et blanches draperies, lui dont le retour apporte à l'homme des forces nouvelles en même temps qu'il ouvre son âme aux meilleurs sentiments. Avec toute l'humanité, - que dis-je? - avec la nature entière, rendez donc, chers enfants, et du fond du cœur, grâce au Dieu tout-puissant qui, chaque année, renouvelle ainsi la terre et réjouit les yeux et les cœurs. II Louez et bénissez Dieu! Plus que jamais vous en avez le droit et le devoir. Pâques, en effet, n'est pas arrivé les mains vides pour la France. Au milieu de tant de dons que cette fète bénie nous apporte à tous, grands et petits, il est, cette année, un bienfait qui surpasse tous les autres, auquel tous nous avons part, et dont aucun de nous, si jeune qu'il soit, ne doit ignorer le prix. Je veux parler de cette libération du territoire, qui, grâce à un véritable prodige de dévouement et de patriotisme, va bientôt s'accomplir. L'ennemi, mes enfants, qui occupait encore plu sieurs de nos départements et qui devait les occuper pendant plusieurs années en garantie du paiement de la somme fabuleuse que nous devions lui payer, - et que beaucoup croyaient que nous n'arriverions jamais à réunir! - l'ennemi, dis-je, a consenti à un paiement anticipé èt s'est engagé à retirer ses troupes. En septembre prochaiu, il n'y aura plus un Prussien en Notre cher drapeau aura partout repris sa place, nos bonnes villes, nos vieilles forteresses auront recouvré leurs garnisons françaises, ces fanfares et ce commandement allemands, si douloureux à entendre, seront remplacés par nos clairons et par notre portez armes traditionnels. La France sera redevenue la France d'avant la guerre, la France libérée de toute dette et de toute occupation étrangère. III La France va redevenir ce qu'elle était avant la guerre! disais-je tout à l'heure. Hélas! oubliai-je donc l'Alsace et la Lorraine, ces pauvres belles provinces que la libération du territoire ne nous rendra pas! Non certes, et aucun de vous, mes chers petits amis, ne les oublie, j'en suis sûre. Dans les actions de grâces, dans l'Alleluia, auxquels je vous convie, nous ferons donc tous une douloureuse réserve en faveur de ces frères bien aimés, restés Français par le cœur, mais devenus étrangers au point de vue administratif et légal. Oh! comme ils résonneront douloureusement à 1 leurs oreilles les chants d'allégresse des départements évacués! Alors seulement ils comprendront bien et nous comprendrons avec eux la rigueur de leur sort... alors toutefois l'espérance et l'amour ne sortiront ni de leur cœur ni du nôtre! L'amour! ah! mes amis, donnez-leur-en une preuve nouvelle en appliquant à Pâques, à ces œufs pleins de surprises et de richesses ce que je vous ai demandé à propos des présents de Noël : ouvrez vos chères petites mains, ouvrez-les avec libéralité en faveur de vos frères Alsaciens et Lorrains. Que sous l'influence de vos largesses ils donnent eux aussi une franche bienvenue à la fête de Pâques, et que leurs mères en les voyant heureux sèchent leurs larmes en vous bénissant et retrouvent pour un moment du moins, leurs bons sourires d'autrefois. Vous vous associerez ainsi à l'œuvre que le Seigneur accomplit en ce moment dans toute la nature : vous ferez ressusciter aux chauds rayons de votre amour fraternel la joie et la reconnaissance dans une foule de cœurs attristés; vous aurez droit d'être fiers et heureux, car répandre le bonheur autour de soi, sachez-le bien, enfants, et ne l'oubliez jamais, c'est se faire participants d'une des plus belles attributions de Dieu: la miséricorde et l'amour. IV Les œufs de Pâques! Est-il nécessaire, mes bons petits amis, de vous faire leur éloge et de vous rappeler tout ce qu'ils vous promettent ou de vous féliciter de tout ce qu'il vous ont apporté, selon que ces lignes vous arriveront avant ou après la bienheureuse matinée qui les verra s'ouvrir entre vos mains tremblantes d'espérance. Non, certes, car eussiez-vous oublié vos émotions des années précédentes, tout, autour de vous, se serait chargé de vous les rappeler. Il n'est point, en effet, de si humble village de France dont les œufs de Pâques n'envahissent dès le commencement du carême, toutes les boutiques, tous les étalages; ils se montrent partout, sous tous les aspects, sauf cependant, dit un aimable écrivain, << sous leur forme naturelle, » car l'œuf de Pâques >> de nos bons aïeux a dù s'effacer partout devant les >> brillantes imitations des confiseurs. Devant le luxe >> des bonbons et surtout des surprises que cachent >> ces frêles et charmantes enveloppes sucrées, qui >> oserait songer aux œufs simplement peints ou do>> rés que les grands seigneurs et les souverains >> eux-mêmes distribuaient autrefois à leurs familles, » à leurs courtisans? >> La plus humble petite fille, le plus pauvre petit >> garçon les recevraient aujourd'hui avec dédain, >> et cependant ils avaient alors une valeur plus >> grande assurément que n'en ont la plupart du >> temps leurs magnifiques successeurs : ils étaient >> un symbole, ils exprimaient une pensée religieuse, >> pensée touchante d'allégresse et de reconnaissance >> que toutes les conditions, que tous les âges com>>> prenaient » et que je voudrais, mes bons petits lecteurs, vous faire comprendre en vous racontant l'origine et l'histoire de cette distribution d'œufs à l'occasion de Pâques. V Jusqu'à l'année 1555, les œufs, ainsi que le beurre et le lait étaient considérés comme des aliments gras et interdits à ce titre pendant le carême, que nos pères observaient très strictement. Or, à une époque où on vivait beaucoup plus simplement que de nos jours et où les gens les plus riches étaient loin de posséder pour leur table les ressources mises aujourd'hui à la disposition des bourses les plus modestes, c'était une grande privation que celle du laitage et surtout des œufs. Cette privation était si vivement ressentie que, le jour de Pâques où elle cessait, on trouvait tout naturel de mêler aux imposantes cérémonies de la fête de la résurrection du Sauveur, une cérémonie particulière ayant pour objet la bénédiction des œufs. Chacun en apportait ou en envoyait à l'église de pleines corbeilles que le prêtre bénissait en grande pompe. On se faisait ensuite, dans chaque famille, une petite fête d'intérieur de la distribution de ces œufs, auxquels on attachait une idée de réjouissance et d'actions de grâce qui leur donnait une valeur réelle et touchante. On en envoyait aux parents, aux amis, et selon les moyens et le goût de chacun on les ornait de peintures, de devises, d'enjolivements de toutes sortes; à mesure que les arts grandirent en France ou plutôt en Europe, car l'usage des œufs de Pâques n'est particulier à aucun des pays chrétiens, mais commun à tous, ce luxe d'ornements se développa, et |