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empêcher cette rescision en offrant le supplément du juste prix sous la déduction d'un dixième (art. 1658, 1674, 1676, 1681).

4° Non fictif. Quand le prix est convenu avec l'intention de ne pas l'exiger, il n'y a pas vente, mais donation déguisée; et l'on discute sur la question de savoir si cette donation est valable.

§ 2.

DES PERSONNES QUI PEUVENT ACHETER OU VENDRE.

235. DES INCAPABLES QUANT A LA VENTE. — Ici, comme ailleurs, la capacité est la règle. Nous avons vu quelles sont les personnes déclarées incapables de contracter en général. Mais, pour la vente, il y a quelques incapacités particulières :

a. Les ventes sont prohibées entre époux (art. 1595). La loi n'a pas voulu permettre aux époux de se faire des donations déguisées qui, ou bien eussent eu le caractère d'irrévocabilité que ne peuvent avoir les libéralités consenties pendant le mariage, ou bien eussent excédé la quotité disponible, ou bien encore eussent pu frauder leurs créanciers.

Cependant, la loi admet trois exceptions dans les trois cas suivants, où il n'y a pas précisément vente, mais dation en paiement, opération qui a la plus grande analogie avec la vente : 1o Le cas où l'un des époux cède des biens à l'autre, séparé judiciairement d'avec lui, en paiement de ses droits;

2o Celui où la cession que le mari fait à sa femme a une cause légitime, telle que le remploi de ses immeubles aliénés ou de deniers à elle appartenant, si ces immeubles ou deniers ne tombent pas dans la communauté. Il faut donc que la cession ait pour cause l'extinction d'une dette dont le mari est tenu envers sa femme. Mais la loi ne donne pas la méme faculté à la femme débitrice de son mari;

3o Celui où la femme cède des biens à son mari en paiement d'une somme qu'elle lui a promise en dot et « lorsqu'il y a exclusion de communauté.» Seulement, on n'est pas bien d'accord sur la portée exacte des mots de l'art. 1595: exclusion de communauté.

Toutefois, comme, dans ces trois cas, la dation in solutum pourrait déguiser des libéralités indirectes, la loi réserve aux héritiers des époux le droit de critiquer ce contrat. On se demande si les héritiers non réservataires ont le même droit, et si l'avantage indirect peut être attaqué pour le tout et non seulement pour ce qui excède la portion disponible.

b. Les tuteurs, mandataires, administrateurs des communes ou établissements publics ne peuvent, sous peine de nullité, se rendre adju dicataires des biens qu'ils sont chargés de vendre; et ils ne le peuvent, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées (art. 1596). On se demande si le subrogé tuteur et le curateur d'un mineur émancipé sont frappés de la même incapacité.

c. Les juges, les suppléants, les magistrats remplissant leur ministère public, les greffiers, huissiers, avoués, avocats et notaires ne peuvent devenir cessionnaires des procès, droits et actions litigieux, qui sont de la compétence du tribunal dans le ressort duquel ils exercent leurs fonctions, à peine de nullité, des dépens, dommages et intérêts (art. 1597). Les motifs de cette prohibition se comprennent aisément.

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236. DISPOSITIONS GÉNÉRALES. — La loi impose au vendeur l'obligation de s'expliquer clairement. Tout pacte obscur ou ambigu s'interprête contre lui (art. 1602). Mais le juge ne doit appliquer cette règle qu'après avoir épuisé les règles générales sur l'interprétation des conventions (no 59.

De plus, on décide qu'il faudrait appliquer contre l'acheteur les clauses qu'il invoque pour obtenir un avantage qui ne résulte pas de la nature même de la vente, comme si, achetant une chose productive de fruits, il prétendait ne pas devoir les intérêts du prix. En effet, de pareilles clauses sont dictées par l'acheteur, et c'est à lui à s'expliquer clairement. De même, nous dirons que la règle dont nous parlons ne serait pas applicable si le vendeur n'avait fait qu'acquiescer aux conditions proposées par l'acheteur, par exemple, dans le cas d'une vente conclue par correspondance.

Le vendeur a deux obligations principales: la délivrance et la garantie de la chose vendue.

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transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur » (art. 1604).

Les actes qui constituent la délivrance varient suivant la

nature de la chose. Ainsi, la délivrance d'un immeuble s'opérera par la remise des clefs et des titres de propriété (art. 1605).

La délivrance des meubles peut s'opérer (art. 1606): 1o Par la tradition réelle, la remise de la main dans la main; 2o par la remise des clefs des bâtiments renfermant les choses vendues; 3o par le seul consentement, ce qui peut avoir lieu, par exemple, quand la chose se trouvait déjà, au moment de la vente, en la possession de l'acheteur, qui la détenait comme dépositaire, locataire, emprunteur, etc. Il en sera de même si, les moyens manquant à l'acheteur pour opérer l'enlèvement de la marchandise, le vendeur donne l'autorisation de procéder à cet enlèvement au gré de l'acheteur. Il y a des modes de délivrance spéciaux aux ventes commerciales tels sont la remise du connaissement ou de la lettre de voiture; l'apposition de la marque de l'acheteur sur les objets vendus, ce qui s'applique particulièrement aux ventes de bois; suivant certains auteurs, la remise de la facture. L'art. 20 de la loi du 4 mars 1876 (v. 3e partie) indique un mode spécial de tradition pour les marchandises déposées dans les entrepôts francs et publics: c'est la transcription au nom d'une personne, faite par l'entreposeur sur la déclaration des parties.

La délivrance des choses. incorporelles, telles qu'un usufruit, etc., s'opère par la remise des titres ou par l'usage que l'acheteur en fait du consentement du vendeur (art. 1607).

Les frais de délivrance sont à la charge du vendeur ; les frais d'enlèvement, à la charge de l'acheteur, le tout sauf stipulation contraire (1608). Ainsi, quand des choses sont vendues au poids ou à la mesure, c'est au vendeur à supporter les frais de mesurage ou de pesage, et à l'acheteur, ceux d'emballage et de chargement.

La délivrance doit se faire au lieu convenu entre les parties, et, lorsque la convention garde le silence à cet égard, au lieu où se trouvait la chose à l'époque de la vente (art. 1609). Mais la convention de livrer à un autre lieu

peut être tacite et résulter des circonstances, des usages,etc. Enfin, la délivrance doit être faite au temps fixé par la convention, et, quand la convention n'en parle pas, au moment de la vente. Si le vendeur ne fait pas la délivrance dans le temps convenu, l'acquéreur peut demander la mise en possession ou la résolution de la vente, et, en tout cas, des dommages et intérêts s'il a subi quelque préjudice (art. 1610 et 1611). Rappelons ici tout ce que nous avons dit au chapitre des obligations en général (nos 44, 45 et 71).

Lorsque la vente est faite sans terme pour le paiement du prix, le vendeur est autorisé à refuser la délivrance à l'acheteur qui n'offre pas son paiement (art. 1612). Mais s'il y a un terme stipulé, le vendeur renonce par là même à son droit de rétention. Il en serait toutefois autrement si,depuis la vente, l'acheteur était tombé en faillite ou en état de déconfiture, en sorte que le vendeur se trouvât en danger de perdre le prix (art. 1613), à moins que l'acheteur ne lui donne caution de payer au terme.

238. DE LA GARANTIE ET PARTICULIÈREMENT DE LA GARANTIE EN CAS D'ÉVICTION. Le vendeur doit procurer à l'acheteur une possession paisible et utile. Il doit donc le garantir : 1o de toute éviction et de tout trouble; 2o des défauts cachés de la chose vendue.

L'éviction est, à proprement parler, la dépossession de la chose, prononcée par jugement; mais, au point de vue de l'action en garantie, on y comprend aussi le cas où l'acheteur restitue de lui-même la chose à son véritable propriétaire. Il en serait de même si l'acheteur ne conservait la chose qu'à un autre titre, par exemple, comme héritier du propriétaire. Enfin, l'éviction existe par cela même que l'acheteur est troublé, par exemple, par une action en revendication, en ce sens du moins qu'il peut appeler son vendeur en

cause.

Le vendeur est garant seulement des évictions dont la cause existait dès le temps du contrat. Quant à celles dont

la cause n'a commencé d'exister que depuis la vente, il n'en est tenu que lorsque cette cause provient de son fait. Par exemple, je vous vends mon cheval sans vous le livrer; je le vends et le livre ensuite à un second acheteur, qui vous oppose qu'en fait de meubles, la possession vaut titre. Bien que l'éviction provienne d'une cause postérieure à la vente, j'en suis tenu. Il en serait de même si, deux ventes successives du même immeuble ayant été faites par le même vendeur à deux personnes différentes, le second acheteur avait fait transcrire son titre avant le premier, ou si le vendeur avait consenti, sur le fonds vendu, une hypothèque inscrite avant la transcription de la vente. Mais il en serait autrement si une expropriation pour cause d'utilité publique vous enlevait la maison qu'on vous a vendue, même si l'indemnité qui vous est allouée était très inférieure à la valeur de la maison.

Il n'est pas nécessaire de stipuler l'obligation de garantie dans le contrat de vente: elle en résulte naturellement (art. 1626). Mais les parties pourraient ajouter à leur contrat une clause supprimant l'obligation de garantie, de même qu'elles peuvent en restreindre ou en étendre les effets (art. 1627).

Cependant, si la clause de non-garantie affranchit le vendeur des dommages et intérêts, elle ne l'autorise pas à conserver le prix au cas d'éviction, à moins que l'acheteur n'ait connu le danger d'éviction, ou qu'on n'ait déclaré que la vente était faite aux risques et périls de l'acheteur (art. 1629).

Il est une garantie que les parties ne peuvent anéantir, c'est celle des évictions qui proviendraient d'un fait personnel au vendeur, c'est-à-dire qui résulteraient de l'exercice d'un droit consenti par lui. La clause qui l'affranchirait de cette garantie serait nulle (art. 1628).

L'action en garantie s'exerce: ou par une demande incidente ou par une demande principale, c'est-à-dire que l'acheteur assigné par un tiers, qui prétend avoir des droits

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