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ci ne peut en retirer aucune utilité, les héritiers de l'ouvrier n'ont que le droit de reprendre ce qui peut être enlevé sans détérioration; 2° par dérogation au principe que les conventions ne peuvent être révoquées que du consentement mutuel des contractants, la loi déclare que le marché à forfait, fût-il déjà exécuté en partie, peut être rompu par la seule volonté du maître, pourvu que celui-ci paie à l'entrepreneur toutes ses dépenses, tous ses travaux et tout le gain qu'il eût retiré de l'exécution effective de l'entreprise (art. 1794).

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contrat par lequel deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs capitaux ou leur industrie, dans le but de partager le bénéfice qui en résultera (art. 1832).

De cette définition, il suit que, outre les conditions. essentielles à tout contrat, il y a deux éléments fondamentaux qui constituent le contrat de société :

1o Un apport réciproque : il peut consister en argent, en biens d'une autre nature, ou en industrie (art. 1833); celui qui met au service d'une association son travail, sa science ou ses talents, apporte souvent plus que celui qui y met ses capitaux. Mais il ne suffirait pas d'apporter son influence ou son crédit. Il y a doute quant au crédit commercial.

Donc, si la convention accordait une part d'intérêt à une personne qui ne fait aucune mise, il y aurait, à l'égard de cette personne, non société, mais une donation, soumise, pour être valable, aux règles des donations.

2o Des bénéfices communs à réaliser. En l'absence d'un but de profit matériel, il n'y a pas de société. Ainsi, l'as

surance mutuelle ne constitue pas une société dans le sens légal du mot. Il en est de même des sociétés d'agrément. En outre, le bénéfice doit être commun aux associés.

On distingue les sociétés civiles et les sociétés commerciales. Les sociétés commerciales sont celles qui ont pour objet des actes de commerce. Nous n'avons, dans cet ouvrage, à nous occuper spécialement que des dernières. Mais les dispositions du Code civil étant applicables aux sociétés de commerce « dans les points qui n'ont rien de contraire aux lois et aux usages commerciaux » (art. 1873), nous devons exposer ici les principes généraux des sociétés civiles. Dans la seconde partie de ce manuel, nous signalerons les différences entre les sociétés civiles et les sociétés commerciales; nous verrons de même si les premières peuvent emprunter à la loi commerciale, soit la forme, soit les effets des sociétés de commerce (nos 338 et 403).

La société civile est un contrat consensuel. Elle se forme donc par le simple consentement des parties. La preuve en est réglée d'après le droit commun, c'est-à-dire que, quand son objet dépasse 150 fr., elle ne peut être prouvée par témoins, à moins qu'on n'ait un commencement de preuve par écrit ou que l'écrit dressé n'ait été perdu. Nous verrons des règles différentes pour les sociétés commerciales.

259. DIVERSES ESPÈCES DE SOCIÉTÉS. Les sociétés sont universelles ou particulières (art. 1835). Les sociétés. universelles se divisent en sociétés universelles de tous biens présents et sociétés universelles de gains (art. 1836).

La société de tous biens présents est celle par laquelle les parties mettent en commun tous les biens qu'elles possèdent actuellement. Elles peuvent aussi y mettre les gains. qu'elles pourront faire dans l'avenir. Mais les biens qui peuvent leur advenir dans la suite, à titre de succession, de donation ou de legs ne peuvent être mis en commun que pour la jouissance. La loi a pensé qu'une société de tous biens à venir ne serait pas conclue en connaissance

de cause, et qu'elle donnerait le moyen de faire indirectement des donations qui ne sont permises qu'entre époux (art. 1837).

La société universelle de gains renferme : 1o les meubles que chacun des associés possèdent au temps du contrat ; 2o ce qu'ils acquièrent par leur industrie pendant le cours de la société; 3o la jouissance seulement des immeubles personnels et des biens qu'ils acquièrent pendant la société autrement que par leur industrie (art. 1838).

Quand les parties déclarent, sans autre explication, former une société universelle, elles sont censées avoir contracté une société universelle de gains (art. 1839).

Comme la société universelle peut facilement déguiser des libéralités indirectes, la loi décide qu'elle ne peut avoir lieu qu'entre personnes respectivement capables de se donner ou de recevoir l'une de l'autre, et auxquelles il n'est pas défendu de s'avantager au préjudice d'autres personnes (art. 1840).

La société particulière est celle par laquelle plusieurs personnes ne mettent en commun que certaines choses individuellement déterminées, soit quant à la propriété, soit quant à l'usage, soit quant à la jouissance, ou par laquelle elles se réunissent pour une entreprise désignée ou pour l'exercice de quelque profession (art. 1841 et 1842).

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DES RAPPORTS DES ASSOCIÉS ENTRE EUX ET AVEC LES TIERS.

260. DES APPORTS. Chaque associé doit effectuer son apport au temps convenu. Mais ses obligations vis-àvis de la société diffèrent d'après la nature de l'apport :

a. S'il a pour objet une somme d'argent, l'associé qui l'a promise en doit l'intérêt de plein droit à compter du jour où l'apport aurait dû être fait. En outre, il doit indemniser la société du dommage qu'elle a éprouvé ou du gain dont ellé a été privée par suite de l'absence de cette somme.

Ces deux dispositions dérogatoires au droit commun s'appliquent également au cas où l'associé a pris des sommes dans la caisse et les a employées à son usage personnel (art. 1846).

b. Si l'apport consiste en un corps certain, il faut faire une nouvelle distinction: 1o Ou l'associé en a promis la propriété, et il est à peu près dans la même situation qu'un vendeur : la propriété est acquise à la société du jour du contrat, les risques sont à la charge de celle-ci, et la perte de la chose par cas fortuit, même avant la délivrance, n'empêche pas que l'associé ait droit aux bénéfices de la société. En outre, il est garant de l'éviction et des vices cachés de la chose (art. 1845).

2o Ou il a promis l'usufruit: si la chose périt par cas fortuit, la société perd son droit d'usufruit et l'associé sa nue propriété. Il y a des cas où la société acquiert la propriété des choses qui ont été apportées quant à la jouissance. Cela se présente pour les choses dont on ne peut user sans les consommer, pour celles qui se détériorent en les gardant, et pour celles qui ont été mises dans la société sur une estimation portée par un inventaire. La société doit, lors de sa dissolution, rendre le prix d'estimation de ces choses, ou, à défaut d'estimation, des choses semblables, même quand elles ont péri (art. 1851).

On pourra parfois décider, d'après l'intention des parties, que les rapports entre l'associé et la société doivent être les mêmes qu'entre un bailleur et un locataire ou un fermier.

c. Si l'apport consiste en une certaine quantité de choses déterminées quant à leur espèce seulement, la société n'en devient propriétaire que par la délivrance, et jusqu'alors, il ne peut être question de perte.

d. Enfin, si l'apport consiste en industrie, l'associé doit compte à la société de tous les gains qu'il a faits par l'espèce d'industrie qui est l'objet de la société (art. 1847).

261. DE L'OBLIGATION DE VEILLER AUX INTÉRÊTS SOCIAUX.

a. Lorsqu'un associé est, pour son compte

particulier, créancier d'une somme exigible envers une personne qui se trouve aussi devoir à la société une somme également exigible, cet associé doit imputer ce qui lui est payé par ce débiteur sur la créance de la société et sur la sienne, dans la proportion des deux créances. Ce règlement a lieu, même lorsqu'il a, par sa quittance, dirigé l'imputation intégrale sur sa créance particulière. Au contraire, s'il avait exprimé dans sa quittance que l'imputation serait faite en entier sur la créance de la société, cette imputation serait maintenue (art. 1848). Ainsi, N devant 1000 fr. à la société et 2000 fr. à l'un des associés, il paie 1000 fr. à celui-ci : le débiteur a le droit, pourvu qu'il n'y ait pas fraude, de faire lui-même l'imputation, ainsi que nous l'avons vu (art. 1253, no 108); de même, en l'absence de toute indication, l'imputation devrait se faire sur la dette que le débiteur avait le plus d'intérêt à acquitter. Mais, si c'est l'associé créancier qui fait l'imputation, il doit imputer les 1000 fr. reçus, sur sa créance pour les deux tiers et sur celle de la société pour un tiers. Il semble que cette disposition ne s'applique qu'au cas où l'associé qui reçoit le paiement a le pouvoir d'administrer les affaires sociales (no 263); car, si l'associé n'est pas administrateur, il n'a pas mission de veiller aux intérêts communs ni de recevoir pour la société; toutefois, cette question est controversée.

b. « Lorsqu'un associé a reçu sa part entière de la créance commune, et que le débiteur est, depuis, devenu insolvable, cet associé est tenu de rapporter à la masse commune ce qu'il a reçu, encore qu'il eût spécialement donné quittance. pour sa part (art. 1849). » On prétend que la loi a eu en vue ici le cas où les associés ont un pouvoir réciproque d'administrer; en effet, dit-on, l'associé non administrateur n'ayant pas même le pouvoir de recevoir pour la société, on ne peut lui faire un grief d'avoir reçu pour sa part. Cette disposition soulève aussi des difficultés.

c. Chaque associé répond des dommages qu'il a causés à la société par sa faute, sans pouvoir compenser ces dommages

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