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qu'il y ait un acte notarié ou sous seing privé dûment enregistré, contenant la déclaration de la somme due, ainsi que l'espèce et la nature des choses remises en gage, ou un état annexé de leurs qualité, poids et mesure (art. 2074).

Dans les rapports entre le créancier et le débiteur, cette formalité n'est pas requise, et le gage se prouvera d'après le droit commun. Mais, quand il s'agit d'assurer l'exercice du privilège à l'égard des tiers, il faut un écrit, non seulement pour la preuve, mais pour l'existence même du gage, et rien n'y peut suppléer.

Cependant, l'acte écrit n'est pas nécessaire quand la créance ou le gage n'excède pas 150 fr.

En matière commerciale, la disposition dont nous venons de parler n'est pas applicable (no 409). Le Code dit enfin que ses dispositions ne s'appliquent pas aux maisons de prêt sur gage autorisées (monts-de-piété), à l'égard desquelles on suit des règlements spéciaux (art. 2084).

Quand on donne en gage un meuble incorporel, tel qu'une créance mobilière, le privilège ne s'établit que par un acte notarié ou sous seing privé enregistré, et signifié au débiteur de la créance donnée en gage (art. 2075).

Ici, la loi ne distingue plus si la matière excède ou non 150 fr. Il y a dissentiment sur la question de savoir si, comme en matière de cession de créance, la signification au débiteur peut être suppléée par l'acceptation de celui-ci dans un acte authentique. La négative semble résulter du texte. Car en matière de privilège tout est de stricte interprétation.

Quand le créancier gagiste a signifié l'acte de gage, le débiteur de la créance donnée en gage ne peut plus payer à son préjudice. Celui-ci ne perd évidemment pas le droit de se libérer, mais il ne doit le faire que de commun accord avec le créancier gagiste; si des difficultés s'élèvent, il pourra consigner ce qu'il doit.

Pour les règles spéciales au gage commercial, nous renvoyons à la seconde partie de ce livre (nos 408 et suiv.).

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CHAPITRE VI.

DES PRIVILÈGES ET HYPOTHÈQUES.

(Loi belge du 16 décembre 1851.)

§ 1. NOTIONS GÉNÉRALES.

283. PRINCIPE. « Quiconque est obligé personnellement est tenu de remplir ses engagements sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et futurs (art. 7 loi hypothécaire du 16 déc. 1851). »

Tous les biens du débiteur sont donc le gage commun de ses créanciers; ceux-ci y ont donc le même droit, et, en cas d'insuffisance de ces biens, chacun subit une diminution proportionnée à sa créance, à moins qu'il n'y ait entre eux des causes légitimes de préférence.

Ces causes de préférence sont les privilèges et les hypothèques (art. 8 et 9).

284. PRIVILÈGES et HYPOTHÈQUES. — « Le privilège est un droit que la qualité de la créance donne à un créancier d'être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires. » Il s'ensuit que «< entre les créanciers privilégiés, la préférence doit se régler par les différentes qualités des privilèges (art. 12 et 13) ».

« L'hypothèque est un droit réel sur un immeuble affecté à l'acquittement d'une obligation (art. 41) ».

De ces définitions résultent les différences suivantes entre les privilèges et les hypothèques : 1o les privilèges ne sont établis que par la loi (1); les hypothèques dérivent, tantôt

(1)On en excepte le gage. Mais on peut dire encore que le privilège n'est que l'un des effets que la loi attache au gage. Seulement, c'est le principal effet de ce contrat, celui que les parties ont avant tout

en vue.

de la loi, tantôt de la volonté des particuliers; 2o les privilèges peuvent exister sur les meubles et sur les immeubles (art. 16), les hypothèques ne peuvent être établies que sur les immeubles; 30 le rang des créances privilégiées est, en général, déterminé par la qualité de la créance; celui des créances hypothécaires est réglé par la date de leurs inscriptions (art 81).

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285. DIVISION. Il y a des privilèges qui s'étendent à tous les meubles et immeubles; d'autres existent sur tous les meubles, d'autres, sur certains meubles seulement; d'autres, enfin, sur certains immeubles. Il n'y a pas de privilèges généraux sur les immeubles exclusivement.

286. DES PRIVILÈGES GÉNÉRAUX SUR LES MEUBLES ET IMMEUBLES. Les frais de justice sont privilégiés sur les meubles et les immeubles, à l'égard de tous les créanciers dans l'intérêt desquels ils ont été faits (art. 17).

Il n'y a donc de privilégiés sur tous les meubles et immeubles que les frais de justice faits dans l'intérêt de la masse des créanciers: tels sont, par exemple, les frais de scellés et d'inventaire après faillite ou décès, ceux de saisie, de vente, de distribution des deniers. Et encore, ce privilège ne peut pas être opposé aux créanciers qui n'ont pas profité des frais: ainsi, un créancier gagiste ne subira pas sur le prix de l'objet affecté à son privilège une part des frais généraux de liquidation. Il pourra en être de même du bailleur relativement au privilège qui lui est propre.

D'autre part, les frais faits dans l'intérêt personnel d'un créancier ne sont pas privilégiés sur la masse : tels sont les frais faits pour la vente d'un gage.

287. DES PRIVILÈGES GÉNÉRAUX SUR LES MEUBLES. - Ces privilèges sont (art. 19): 1o Les frais de justice faits dans l'intérêt commun des créanciers.

2o Les frais funéraires, en rapport avec la condition et la fortune du défunt. Ces frais ne sont privilégiés que sur les biens du défunt.

3o Les frais de dernière maladie pendant un an ; il s'agit ici de tous les frais de maladies qui ne remontent pas à plus d'une année avant la mort du débiteur, ou sa faillite ou déconfiture, ou la saisie de son mobilier.

4o Les salaires des gens de service, pour l'année échue et ce qui est dû sur l'année courante; le salaire des commis pour six mois, celui des ouvriers pour un mois. La différence entre la durée de ces privilèges provient de la façon dont sont ordinairement payées ces diverses catégories de personnes.

5o Les fournitures de subsistances faites au débiteur et à sa famille pendant les six mois qui ont précédé la faillite, la saisie, la mort, etc.

Ces privilèges n'existent plus que sur les meubles. Néanmoins, lorsque la valeur des immeubles n'a pas été absorbée par les créances hypothécaires ou privilégiées sur les immeubles, ce qui reste dû sur le prix de ces immeubles est affecté au paiement des créances dont nous venons de parler, par préférence aux créanciers chirographaires.

Ajoutons que les privilèges généraux énoncés ci-dessus s'exercent dans l'ordre où nous venons de les énumérer.

288. DES PRIVILÈGES SUR CERTAINS MEUBLES (art. 20). a. Le bailleur d'un immeuble a un privilège sur les fruits de la récolte de l'année, et sur le prix de tout ce qui garnit la maison louée ou la ferme et de tout ce qui sert à l'exploitation de la ferme; ce privilège existe pour les loyers et fermages et pour tout ce qui concerne l'exécution du bail. Le sous-bailleur a le même privilège contre le souslocataire.

Ce privilège garantit, quant aux loyers et fermages échus, deux années, s'il s'agit d'une maison, et trois années,

s'il s'agit d'une ferme. Il garantit, en outre, le loyer de l'année courante et de celle qui suivra. Quant aux autres loyers ou fermages à échoir, ils ne sont garantis que si le bail est authentique ou, du moins, s'il a date certaine. Alors, tous les loyers deviennent immédiatement exigibles; mais les autres créanciers ont le droit de relouer l'immeuble à leur profit pour le restant du bail.

Le privilège dont nous parlons existe sur les objets garnissant la maison ou la ferme, même quand ces objets appartiendraient à des tiers, excepté : quand, lors de leur introduction, dans les lieux loués, le bailleur a été informé qu'ils appartenaient à des tiers; ou encore quand ces objets ont été placés dans le bâtiment loué, comme dépôt nécessaire, ou confiés au locataire pour être façonnés ou réparés. Il y aurait également exception pour les meubles volés ou perdus (v. le n° 320).

Quand les objets soumis au privilège ont été déplacés sans le consentement du bailleur, celui-ci peut les saisir ; et il conserve sur eux son privilège s'il en a fait la revendication (1) dans les quarante jours à partir du déplacement pour le mobilier garnissant une ferme, et dans la quinzaine pour les meubles garnissant une maison.

b. Les sommes dues pour les semences ou pour les frais de la récolte de l'année sont privilégiées sur le prix de cette récolte, et celles dues pour ustensiles aratoires servant à l'exploitation, sur le prix de ces ustensiles.

c. Le créancier gagiste a un privilège sur l'objet remis en gage (v. le n° 281).

d. Les frais faits pour la conservation d'une chose sont privilégiés sur le prix de cette chose. Il est juste que celui qui a conservé le gage des autres créanciers soit remboursé avant eux sur le prix de ce gage.

(1) Il s'agit ici, non d'une revendication proprement dite, mais de faire réintégrer la chose pour l'exercice du privilège.

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