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res ou postérieures à la cessation des paiements. Donc, elle laisse debout les hypothèques, antichrèses ou gages relatifs à des dettes présentes, par exemple, constitués pour garantir un emprunt fait à l'instant même. Cette distinction est rationnelle : Si le débiteur donne une hypothèque à un créancier ancien, il lui fait un avantage. spécial sur le gage commun à tous. Mais les créanciers ne sont plus dépouillés lorsque leur débiteur ne concède une hypothèque qu'en échange de valeurs qui viennent grossir son actif. Et puisque la loi respecte l'aliénation à titre onéreux de l'immeuble, faite de bonne foi, elle ne pouvait invalider l'hypothèque, qui n'est qu'un démembrement de la propriété. D'ailleurs, un emprunt hypothécaire fait à propos peut prévenir une faillite, et le législateur n'a aucun motif spécial de l'annuler. Il suffit ici du principe général dont nous allons parler, d'après lequel tout acte fait entre la cessation des paiements et le jugement peut être annulé s'il est prouvé que ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation de ses paiements. L'art. 445 commence en disant : Sont nuls et sans effets relativement à la masse; la nullité qu'il prononce est donc relative, et ne peut être invoquée que par la masse créancière.

B. Sort des autres actes. L'art. 446 pose le principe suivant :

<< Tous autres payements faits par le débiteur pour dettes «< échues, et tous autres actes à titre onéreux par lui passés

après la cessation de ses payements et avant le jugement « déclaratif, pourront être annulés, si, de la part de ceux « qui ont reçu du débiteur ou qui ont traité avec lui, ils « ont eu lieu avec connaissance de la cessation de paye«ment. »>

Ainsi, la masse des créanciers ne peut faire prononcer l'annulation de ces actes qu'en prouvant qu'ils ont été faits avec connaissance de la cessation de paiement, de la part de ceux qui ont traité avec lui ou en ont reçu un paiement. En outre, les tribunaux ne sont pas obligés de pronon

cer toujours l'annulation de ces actes; ceux-ci pourront être annulés, dit la loi. Sans doute, le plus souvent, les juges prononceront cette annulation lorsque cette connaissance de la cessation des paiements leur sera prouvée; mais ils distingueront entre les actes susceptibles de porter préjudice à la masse et ceux dont l'annulation serait pour elle sans intérêt. Nous allons voir une exception à cet article en faveur des tiers porteurs d'effets de commerce (v. ci-dessous, D.).

Cette disposition n'est relative qu'aux paiements faits après l'époque fixée comme étant celle de la cessation des paiements, et non pas à ceux faits dans les dix jours avant cette époque; sauf l'application de l'art. 1167 du Code civ. nos 57 et 58) et de l'art. 448 ci-après.

C. Inscriptions des hypothèques ou privilèges valablement acquis. Nous venons de voir quand les constitutions d'hypothèques sont nulles et quand elles peuvent être annulées dans les autres cas, elles sont valables. Mais nous savons que l'hypothèque n'existe, à l'égard des tiers, que par l'inscription. Sous le Code de 1808, il y avait controverse sur la question de savoir si une inscription pouvait encore être prise valablement à partir des dix jours qui précèdent l'ouverture de la faillite. Ce point est décidé affirmativement par l'art. 447. Mais le législateur a voulu en même temps empêcher que, pour ménager frauduleusement à un débiteur un crédit mensonger, on ne retardât trop l'inscription d'une hypothèque ou d'un privilège :

«Les droits d'hypothèque et de privilège valablement « acquis, dit l'art. 447, pourront être inscrits jusqu'au jour « du jugement déclaratif de la faillite. »

« Néanmoins, les inscriptions prises dans les dix jours « qui ont précédé l'époque de la cessation de payement ou «< postérieurement, pourront être déclarées nulles, s'il s'est « écoulé plus de quinze jours entre la date de l'acte constitutif de l'hypothèque ou du privilège et celle de l'ins" cription. »

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Comme l'indiquent les termes de la loi, les tribunaux ont un pouvoir discrétionnaire pour annuler ou maintenir l'inscription. Ils la maintiendront généralement s'ils reconnaissent que le retard n'a pas été le résultat d'une entente frauduleuse entre le créancier et le débiteur, et s'il n'a causé aucun préjudice aux tiers.

Quant aux inscriptions prises après le jugement déclaratif, elles sont en général nulles. Mais on décide que cette règle n'est pas applicable aux renouvellements d'inscriptions, à moins que celles-ci ne soient périmées, ni aux inscriptions prises pour des intérêts échus depuis le jugement, par un créancier valablement inscrit pour le capital (v. le n° 301).

D. Rapport du paiement des effets de commerce. A la disposition qui autorise l'annulation des paiements faits, même pour dettes échues, après la cessation des payements, à quelqu'un qui avait connaissance de cet état de faillite (art. 446), la loi fait une exception en faveur des tiers porteurs d'effets de commerce. Ceux-ci, ne pouvant faire un protêt lorsque le payement leur est offert, seraient, s'ils devaient rapporter ce qu'ils ont reçu, sans moyen de recours contre les endosseurs et le tireur. C'est pourquoi la loi ne soumet au rapport des sommes reçues en paiement, que le tireur de la lettre de change, ou le donneur d'ordre, ou le premier endosseur d'un billet à ordre. Car ce sont eux qui, en définitive, profitent du paiement. Ils ne sont d'ailleurs soumis. au rapport que s'ils ont eu connaissance de la cessation des payements du débiteur :

« Dans le cas où des lettres de change auraient été payées « après l'époque fixée comme étant celle de la cessation de

payement et avant le jugement déclaratif de la faillite, <«<l'action en rapport, dit l'art. 449, ne pourra être intentée « que contre celui pour le compte duquel la lettre de change « aura été fournie: s'il s'agit d'un billet à ordre, l'action ne «< pourra être exercée que contre le premier endosseur. »

« Dans l'un et l'autre cas, la preuve que celui à qui on

demande le rapport avait connaissance de la cessation de « payement à l'époque de l'émission du titre devra être << fournie. »>

Il nous semble évident que le porteur ne pourrait se prévaloir de cette disposition si le paiement avait eu lieu autrement qu'en espèces ou en effets de commerce, ou avait été fait avant l'échéance. De même, si le paiement refusé à l'échéance avait été fait ensuite, après le protêt de la traite, le porteur qui l'aurait reçu avec connaissance de la cessation des paiements pourrait être contraint à rapporter à la masse les sommes reçues (1).

Pour mettre le tireur ou le premier endosseur à l'abri du recours, la loi exige seulement qu'il ait ignoré la position du failli au moment où la traite a été tirée : car, par l'endossement, il cesse d'être propriétaire de la créance, et il ne dépend plus de lui que le porteur accepte ou non.

DES

572. ACTES ANTÉRIEURS A LA CESSATION PAIEMENTS. Enfin, l'art. 448 rappelle un grand principe que nous avons développé dans la première partie de ce traité (nos 57 et 58). Cet article est ainsi conçu :

<< Tous actes ou payements faits en fraude des créanciers « sont nuls, quelle que soit la date à laquelle ils ont eu << lieu »> (2).

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Après

avoir prescrit les mesures propres à amener, dans le plus bref délai, la déclaration des faillites qui existent en fait, et

(1) Cassation belge, 22 juillet 1876. (Pasic, 1876, 1, 375.)

(2) Sur le sens du mot fraude à cet article, v. RENOUARD, ouv. cité,

no 132.

avoir dessaisi le failli de la gestion de ses biens, la loi devait donner les moyens de pourvoir sans délai à cette administration.

Sous le Code de 1808, c'était à la masse créancière que ce soin était confié. En attendant la réunion des créanciers, le tribunal nommait un ou plusieurs agents; puis les créanciers présentaient une liste triple sur laquelle le tribunal nommait un ou plusieurs syndics provisoires; enfin, les créances étant vérifiées, les créanciers reconnus s'assemblaient, et s'ils ne s'entendaient point pour consentir un concordat, ils nommaient un ou plusieurs syndics définitifs. Mais ce fractionnement de l'administration, logique en théorie, offrait dans la pratique de grands inconvénients. C'est pourquoi le législateur belge a remplacé cette triple administration par une gestion unique, et a retiré aux créanciers la nomination des curateurs. Voici donc ce que déclarent les articles 455 à 461:

"ART. 455. Le gouvernement pourra, sur l'avis conforme des Cours d'appel respectives, instituer des liquidateurs assermentés près les tribunaux où le nombre et l'importance des faillites l'exigeront.

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« ART. 456. Dans les arrondissements où sont établis des liquidateurs assermentés, les curateurs aux faillites seront choisis parmi eux, à moins que, pour cause d'éloignement, de parenté, d'intérêts opposés ou d'autres motifs de suspicion légitime, la bonne administration de la faillite n'exige un autre choix. »

* A défaut de liquidateurs assermentés, et dans le cas où, conformément au paragraphe précédent, le tribunal de commerce croira devoir faire un autre choix, les curateurs seront nommés parmi les personnes qui offriront le plus de garanties pour l'intelligence et la fidélité de leur gestion."

Ces curateurs auront les mêmes droits, les mêmes attributions, et seront soumis à la même surveillance et aux mêmes obligations que s'ils avaient été choisis parmi les liquidateurs assermentés. »

ART. 457. Le roi fixe le nombre des liquidateurs assermentés, sur l'avis de la Cour d'appel et du tribunal de commerce, d'après les besoins du service. »

. Ils sont nommés par le roi sur deux listes doubles présentées par les mêmes corps. "

« ART. 458. Les liquidateurs assermentés sont nommés pour cinq ans et conservent, dans tous les cas, cette qualité jusqu'à la prestation de serment de leurs successeurs. Ils peuvent être nommés de nouveau.» Le liquidateur assermenté, qui n'aura pas été continué dans ses fonctions, terminera néanmoins les opérations qui lui auront été confiées, et la liquidation des faillites auxquelles il aura été nommé

curateur. >>

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