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Lorsqu'il résulte du rapport de la commission chargée de vérifier la comptabilité d'un trésorier particulier d'un arrondissement, que le nouveau déficit constaté au Trésor provient en partie des avances de fonds, ou plutôt de prêts d'argent faits à plusieurs individus par ce trésorier; comme ces individus ont grand intérêt à ce que le trésorier ne soit pas condamné, puisque cette condamnation doit forcément entraîner la restitution des sommes avancées, et que pour atteindre leur but il est à craindre que ces gens ne se portent à des manifestations tendant à troubler le repos public pour paralyser la marche de la justice; et quoique les faits allégués par le Ministère public, dans sa demande en renvoi, ne concernent que le trésorier, il n'est pas moins vrai que l'auteur d'un fait ne saurait être soumis à une juridiction pour que ses complices en soient distraits. D'où il suit qu'une telle demande en renvoi doit être accueillie et la juridiction criminelle primitive dessaisie. Cass. 20 Mars 1872.

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2 Il peut exister une différence considérable entre les causes qui peuvent porter une partie à soulever une suspicion légitime, et celles qui peuvent déterminer le Ministère public à faire une demande semblable. La partie peut avoir intérêt à n'être pas jugée par la juridiction qui la connait, et en soulevant une suspicion légitime, le tribunal régulateur, avant

bunal ne pourrait discuter, et n'a rien à faire que d'accueillir sa demande en lui en laissant la responsabilité ;

Considérant que le plus souvent ces déplacements de prévenus sont un sûr garant de leur acquittement, parce que les juges d'instruction et les Ministères publics, faute d'énergie ou d'amour pour la bonne et rigoureuse administration de la justice, négligent d'employer les moyens que la loi a mis à leur disposition, afin de contraindre les témoins à venir déposer devant les tribunaux, soumettent les prévenus qu'on leur envoie aux débats sans témoins, sous le spécieux prétexte d'humanité, basée sur une trop longue détention préventive, et obligent le Jury d'acquitter faute d'éléments de conviction. Ainsi ces déplacements ne doivent être accordés que dans les cas extrêmes ;

11 résulte de tout ce qui précède que le motif mis en avant par le Ministère public est insuffisant pour dessaisir le tribunal criminel du Portau-Prince de la connaissance du procès instruit contre Anastase fils, Numa Leon Rameau, Lebon je et Charles Mirault, de réunir tous les éléments de conviction, ce motif étant général et applicable à tous nos tribunaux criminels, jugeant avec l'assistance du Jury;

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Par ces causes et motifs, le tribunal rejette le pourvoi. Donné de nous, Boco, vice-président; — J.-A. Courtois, B. Merlet, J.-P. Bazelais et Daublas, juges, en présence de M, J.-P. Duuphin, Commissaire du Gouvernement, en audience publique du 9 septembre 1872, etc,

Voy. C. d'Inst. crim. art. 292 à la note.

de l'accueillir, doit s'entourer de tous les faits qui prouvent qu'elle est fondée. Il n'en est pas de même du Ministère public demandant le renvoi d'une affaire d'une juridiction à une autre. Cet officier, organe de la loi, demande par là qu'il soit lui-même dessaisi de la connaissance de cette affaire, par suite de l'influence dont jouit telle ou telle partie devant la juridiction près laquelle il milite. Ce désintéressement de sa part doit porter la justice à accueillir les craintes qu'il fait valoir. — Cass. 23 Sept. 1874.

3 Lorsque, par sa requête, le substitut du Commissaire du Gouver nement, craignant que la justice ne puisse avoir son libre cours dans le ressort, au sujet des individus prévenus d'excitation à la révolte, en poussant des cris séditieux, a demandé, pour cause de suspicion légitime et de sûreté publique, le renvoi de l'affaire par devant une autre juridiction; comme le Gouvernement est seul appréciateur du fait qui pourrait troubler la sûreté publique, il y a lieu d'accueillir la demande du Ministère public. Cass. 7 Janv. 1876.

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Art. 432. Sur le vu de la requête et des pièces, le tribunal de cassation statuera définitivement, sauf l'opposition, ou ordonnera que le tout soit communiqué. Inst. crim. 416 et suiv. (*)

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Il est de principe que l'appréciation des circonstances qui appuient la demande en renvoi, considérées comme ensemble, est entièrement abandonnée à la conscience des magistrats en cassation.

1842.

Cass. 9 Mai

2 La requête à fins de renvoi pour cause de suspicion légitime étant le premier acte de recours, et cette demande importante sous le rapport de dessaisir le tribunal d'une affaire soumise à sa juridiction pour en saisir un autre tribunal de même qualité, n'étant pas moins importante sous le rapport du devoir que fait la loi au tribunal de cassation de statuer sur tous les actes du tribunal qu'il dessaisit, doit être revêtue de la formalité de l'enregistrement. Cass. 23 Sept. 3 Oct. 1844.

3. En matière de renvoi pour cause de suspicion légitime, le demandeur doit énoncer les faits qui motivent sa demande, soit dans une déclaration faite au greffe du tribunal qu'il veut dessaisir de la connaissance de son affaire, soit dans la requête adressée au tribunal de cassation par suite de sa déclaration. Une déclaration vague devant le tribunal correctionnel, par le demandeur, dans le temps qu'il allait être jugé, ne remplit point les formalités essentielles en ce qu'elle ne met point le tribunal de cassation à même d'apprécier les griefs dont il croirait devoir arguer contre ses juges. Cass. 21 Oct. 1844.

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La déclaration reçue par le greffier d'un tribunal civil par des

(*) Le texte de l'art. 432 du présent C. d'Inst. crim. est identiquement celui de l'art. 442 du C. d'Inst. crim. de 1826.

individus détenus en prison, qu'ils se pourvoient en suspicion légitime tant contre le juge d'instruction que contre la Chambre du Conseil et le tribunal entier, étant enregistrée et le droit prévu et fixé par la loi acquitté, cette déclaration étant le premier acte de recours, dans le sens de l'art. 62 de la loi sur l'enregistrement, le but de la loi se trouve atteint. Il n'est donc pas besoin que la requête présentée au tribunal de cassation soit revêtue de la formalité de l'enregistrement. Cass. 8 Juillet 1847.

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5 D'après la loi qui règle le mode de procéder au tribunal de cassation, toutes les affaires s'instruisent par écrit, et, aux termes de l'art. 342 du C. d'Inst. crim., les causes sont en état quand l'instruction est complète, ou quand les délais pour produire, et les réponses, sont expirés. Lors donc qu'il s'agit d'une demande en renvoi, le tribunal de cassation a l'alternative, d'après la loi qui régit la matière, de statuer définitivement, sur le vu de la requête et des pièces produites, ou d'ordonner que le tout soit communiqué. Cass. 7 Mai 1849.

6 Dans le but de ne pas interrompre le cours de la justice, il est indispensable que les demandes en suspicion légitime soient, sans délai, soumises à l'appréciation du tribunal de cassation. Ce principe résulte d'ailleurs de la combinaison des art. 429 et 432 du C. d'Inst. crim. Ainsi, la partie qui a fait au greffe d'une cour impériale un acte où il déclare se pourvoir en suspicion légitime contre cette cour, sans avoir, depuis huit mois, malgré la sommation qui lui en a été faite, adressé à la cour de cassation, sa demande et ses griefs, le non accomplissement de cette formalité essentielle rend de nul effet l'acte dont il s'agit. Cass. 15 Juillet 1850.

7 Lorsque sur une plainte du commandant de la paroisse, devant la cour impériale, l'inculpé a fait au greffe de la dite cour une déclaration de suspicion légitime, cette déclaration ne contenant aucun motif de suspicion contre ses membres, et l'inculpé n'ayant fait que se référer à une précédente demande en renvoi dont la cour de cassation ne se trouve pas actuellement saisie, celle-ci invite l'inculpé de fournir ses moyens de suspicion légitime au greffe de la cour de cassation, dans le délai d'un mois à dater de la signification du présent arrêt, faute de quoi il sera passé outre à l'instruction devant la cour impériale récusée, sur la plainte dont s'agit. Cass. 19 Août 1850.

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8 La loi, d'un côté, ne fixe aucun délai pour le dépôt des requêtes tendant à dessaisir une cour inférieure d'un procès, de l'autre rien ne s'oppose à ce qu'une partie prenne l'initiative pour demander le rejet d'une demande en suspicion légitime élevée par son adversaire contre la cour qui doit connaître du procès. Néanmoins on ne peut en demander valablement le rejet sans qu'au préalable la partie demanderesse en sus-picion légitime ait été sommée de donner suite à sa demande. 2 Fév. 1852.

Cass.

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Les juges sont présumés impassibles comme la loi dont il sont les organes. En leur attribuant le droit et le devoir de juger tous les délits et crimes, le législateur s'est confié entièrement à leur honneur et à leur exacte impartialité. Dès lors, les faits énumérés par le demandeur dans sa requête et qui tendent à présenter son adversaire privilégié devant la cour impériale ne sauraient, avec raison, en motiver la suspicion légitime contre tous les magistrats de cette cour. Cass. 9 Fév. 1852.

10 La demande en renvoi d'un tribunal à un autre pour cause de suspicion légitime ne peut être formée que par requête présentée à la cour de cassation. Or, la partie qui n'a fait qu'une déclaration de suspicion légitime au greffe d'une cour impériale, et qui malgré la sommation à elle faite par la partie adverse, n'a point porté sa demande à la cour de cassation, cette déclaration faite au greffe de la cour impériale, doit être rejetée comme non avenue. Cass. 16 Fév. 1852.

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11 Lorsqu'à l'occasion de son renvoi devant une cour correctionnelle, un prévenu, par acte reçu au greffe, a déclaré soulever une suspicion légitime contre les magistrats de la cour de renvoi, se réservant, dit-il, de fournir ses moyens à la cour de cassation, si le prévenu, sommé par la partie adverse de donner suite à la suspicion légitime, est resté plusieurs mois sans en rien faire, il suit de ce silence que sa déclaration n'a eu pour but que de paralyser l'action intentée contre lui. Cass. 4 Oct.

1853.

12 En matière de suspicion légitime, c'est sur le vû de la requête et des pièces qui l'accompagnent que le tribunal de cassation doit statuer. Mais si la partie n'a fait que déposer au greffe du tribunal de cassation l'acte déclaratif de cette action, qu'il a fait dresser par le greffier du tribunal récusé, sans l'accompagner d'une requête ou memoire adressé au tribunal de cassation et qui le saisisse de cette action, cette manière de procéder étant irrégulière et contraire aux convenances, le tribunal de cassation ne peut statuer sur une telle pièce. Cass. 24 Fév. 1868.

13 Il ne suffit point de soulever une suspicion légitime capricieuse et impérieuse pour qu'elle soit admise par le tribunal régulateur à qui les demandes en suspicion légitime sont dévolues de droit. La loi, même le simple bon sens, exige que des motifs soient allégués à l'appui et prouvés en même temps. En effet, le Chap. II du C. d'Inst. crim., détermine dans ses dispositions, la marche à suivre en pareil cas, et l'art. 432 de ce Chapitre veut que la demande en suspicion légitime soit toujours accompagnée d'une requête et des pièces à l'appui, et l'on ne peut statuer sur son mérite qu'après l'examen de ces pièces. Si ces prescriptions n'ont pas été observées, le tribunal de cassation doit rejeter la demande en suspicion légitime. Cass. 11 Sept. 1872.

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Doit être rejetée la demande en suspicion légitime formée par un avocat contre le tribunal civil près lequel il milite, à cause des outrages qu'il est prévenu d'avoir proférés contre les juges de la Chambre du

Conseil, car les autres magistrats de ce tribunal n'ayant pas été outragés par le prévenu, sont habiles, sans être taxés d'étre juges dans leur propre cause, à connaitre du délit d'outrage reproché à cet avocat. Cass. 30 Nov. 1874.

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Il peut n'être pas nécessaire d'examiner séparément les griefs contenus dans la requête du demandeur en suspicion légitime pour en juger le mérite, lorsqu'il suffit de les rapprocher les uns des autres et mettre en regard les différents actes qui ont été faits par le tribunal civil pour reconnaitre que la suspicion légitime soulevée contre ce tribunal se trouve pleinement justifiée, qu'il y a à craindre que l'impartialité qui doit présider à toute décision judiciaire peut ne pas être suivie par les membres qui composent le susdit tribunal dans les jugements qu'ils auront à rendre, partant, la demande en renvoi pour cause de suspicion légitime est fondée en droit, et doit être admise. Cass. 10 Avril 1876.

Art. 433. Lorsque le renvoi sera demandé par le prévenu, l'accusé ou la partie civile, et que le tribunal de cassation ne jugera à propos ni d'accueillir ni de rejeter cette demande sur-le-champ, l'arrêt en ordonnera la communication à l'officier chargé du Ministère public près le tribunal ou le juge d'instruction saisi de la connaissance du délit, et enjoindra à cet officier de transmettre les pièces avec son avis motivé sur la demande en renvoi. L'arrêt ordonnera de plus, s'il y a lieu, que la communication sera faite à l'autre partie. Inst. crim. 1, 53, 417, 434.

Art. 434. Lorsque la demande en renvoi sera formée par l'officier chargé du Ministère public, et que le tribunal de cassation n'y statuera point définitivement, il ordonnera, s'il y a lieu, que la communication sera faite aux parties, ou prononcera telle autre disposition préparatoire qu'il jugera nécessaire.

Art. 435. Tout arrêt qui, sur le vu de la requête et des pièces, aura définitivement statué sur une demande en renvoi, sera, à la diligence du Commissaire du Gouvernement près le tribunal de cassation, ou par l'intermédiaire du Grand-Juge, notifié, soit à l'officier chargé du Ministère public près le tribunal ou le juge d'instruction dessaisi, soit à la partie civile, au prévenu ou à l'accusé, en personne ou au domicile élu. - Proc. civ. 78. Inst. crim. 419.

1 Lorsque, par suite d'une demande en divorce formée par le mari, et qu'avant les plaidoiries du fond, l'épouse défenderesse a demandé et obtenu son renvoi à un autre tribunal pour cause de suspicion légitime, les événements politiques ayant depuis empêché la poursuite de l'instance

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