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et enlevé aux parties la faculté de donner suite à l'arrêt de renvoi, l'affaire fut forcément suspendue; mais si, par l'effet des changements opérés dans le personnel du tribunal dessaisi, la suspicion légitime se trouve détruite avec la révocation des anciens magistrats sur lesquels elle était portée, il s'ensuit que le motif qui y avait donné lieu ayant cessé avec la cause qui l'avait fait naître, l'arrêt qui saisit le tribunal de renvoi de l'action en divorce n'a plus de raison d'être. Donc, cet arrêt doit être rapporté et les parties renvoyées au tribunal dessaisi pour reprendre l'instance sur ses anciens errements. Cass. 20 Juin 1870.

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2 Est attributif de juridiction l'arrêt du tribunal de cassation qui, après une instruction préalable faite par le juge d'instruction d'un tribunal civil, renvoie le juge d'instruction d'un tribunal civil devant le tribunal correctionnel pour y être jugé sur la prévention d'avoir favorisé l'évasion d'un détenu prévenu de vol. C'est donc mal à propos que par une erreur lourde le tribunal correctionnel de renvoi s'est cru autorisé à critiquer cet arrêt; car ce serait renverser l'ordre des juridictions que de permettre aux tribunaux inférieurs de juger du mérite des renvois du tribunal de cassation à leur juridiction. L'art. 169 du C. d'Inst. crim. se trouve sous la rubrique des tribunaux correctionnels, et aux termes de l'art. 158 du même Code, les tribunaux sont saisis de la connaissance des délits de leur compétence soit par les renvois qui leur en sont faits d'après les art. 116 et 142, soit par la citation donnée directement aux prévenus et aux personnes civilement responsables du délit, par la partie civile ou par le Commissaire du Gouvernement. Ainsi, le tribunal correctionnel de renvoi est sorti des règles de sa compétence en voulant assimiler le renvoi ordonné par le tribunal de cassation au renvoi de la Chambre du Conseil d'un tribunal civil. Cette conduite du tribunal correctionnel de renvoi ne peut constituer qu'une faute lourde, elie ne peut pas tomber sous le coup de l'art. 144 du C. Pén., et ne peut donner lieu qu'à des réparations civiles; et quoique cette faute ait pu causer préjudice au juge inculpé, la demande de celui-ci en prise à partie contre les juges et le substitut du Commissaire du Gouvernement du tribunal correctionnel n'étant pas de la compétence de la section criminelle du tribunal de cassation, ne saurait être prise en considération par cette section; et par l'application de l'art. 322 du dit Code, condamne les juges du tribunal correctionnel de renvoi aux dépens. Cass. 3 Sept. 1873.

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Un jugement est entaché d'un vice radical lorsque son dispositif ne se concilie point avec ses motifs; car toute décision émanée d'un tribunal, les juges, après avoir posé les motifs, doivent donner dans leur dispositif des raisonnements précis qui expliquent leur pensée de manière à mettre les juges supérieurs en mesure de savoir si la loi a été observée. Mais si le jugement n'a fait que rappeler un principe sans lui donner son application légale, s'il a reconnu purement et simplement que la question de compétence soulevée tenant à l'ordre des juridictions, est d'ordre pu

blic, et se déclare incompétent pour connaître de la question de juridiction, cette décision présente une anomalie regrettable. En principe, il était tenu, avant de juger la cause, de vérifier sa compétence, et il ne pouvait pas reculer devant la compétence spéciale qui lui avait été donnée par l'arrêt qui dessaisissait une juridiction de la connaissance d'une affaire pour en saisir une autre. Car il est évident qu'il y avait une compétence attributive de juridiction, et non indicative; et en se déclinant sans donner aucun motif, le jugement a méconnu l'autorité de l'arrêt et commis un excès de pouvoir. Cass. 5 Mai 1875.

Art. 436. L'opposition ne sera pas reçue, si elle n'est pas formée d'après les règles et dans le délai fixés au Chapitre premier de la présente Loi.— Inst. crim. 420 et suiv.

1 - Dans l'intérêt du droit de la défense, le défendeur en opposition à une demande en renvoi est tenu de signifier les fins de non recevoir qu'il élève contre son adversaire. Cass. 31 Juillet 1860.

2 Comme gardien suprême des juridictions, le tribunal de cassation ne peut sortir de la loi de son organisation. En réglant ses attributions, le législateur ne l'investit de statuer sur les dommages-intérêts que dans les cas spécifiés par la loi. Différemment, ces sortes de demandes échappent à son examen. Si, sur un second recours basé sur les mêmes moyens, ou sur une demande en prise à partie, il est autorisé, selon les circonstances, à demander des dommages-intérêts, il n'en est pas de même en matière de suspicion légitime. En cette matière, le pouvoir qui lui est dévolu est de frapper d'une amende celui dont la demande en renvoi serait reconnue mal fondée. Pour se convaincre du mérite des arguments ci-dessus exprimés, il faut remarquer que bien que le Code d'Inst. crim. confère à la partie civile le droit de former opposition à l'ordonnance d'élargissement, le tribunal régulateur qui, dans ce cas, est considéré soit comme Chambre d'accusation, soit comme tribunal d'appel, est astreint, en rejetant l'opposition, à renvoyer, à l'égard des demandes en dommages-intérêts, les parties par devant le tribunal habile à en connaître. Cass. 18 Mars 1861.

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Art. 437. L'opposition reçue emporte de plein droit sursis au jugement du procès, comme il est dit en l'article 418.

Art. 438. Les articles 414, 417 second alinéa, 418, 421, 422, 423, 424, 425 et 428, seront communs aux demandes en renvoi d'un tribunal à un autre.

1 Si, par arrêt dont est opposition, la suspicion légitime élevée contre le tribunal civil a été accueillie, c'est que la partie a justifié les faits sur lesquels reposait sa nouvelle demande; dès lors les moyens in

voqués par l'opposant ne sauraient nullement donner lieu à la rétractation de l'arrêt sus énoncé, l'opposition étant dénuée de fondement. Cass. 9 Août 1859.

2 S'il est vrai que le règlement de juges et une demande en renvoi pour cause de suspicion légitime diffèrent essentiellement entr'eux ; il n'en est pas moins évident que l'art. 423 du C. d'Inst. crim., qui a trait au règlement de juges, est essentiellement applicable au renvoi d'un tribunal à un autre. En admettant même qu'un tribunal inférieur soit légalement dessaisi d'une affaire par la notification de l'arrêt que prescrit l'art. 435 du C. d'Inst. crim., il résulte cependant du texte et de l'esprit des art. 423 et 438, dont les dispositions sont absolues, que saisi d'une demande en suspicion légitime, le tribunal de cassation est investi d'un pouvoir spécial, celui qui lui impose le devoir de statuer sur tous les actes qui pourraient avoir été faits par le tribunal ou le magistrat qu'il a dessaisi. Par ces mots de l'art. 423 : tous les actes, le législateur ne distingue pas; au contraire, de son intention il résulte qu'il généralise.— Ainsi, la différence qui existo dans les deux cas, c'est que le règlement de juges constitue une procédure de compétence et ne prend naissance qu'à l'occasion d'un conflit de juridictions, tandis que le renvoi pour cause de suspicion légitime est une récusation d'un ou de plusieurs tribunaux. De ce principe, il suit que lorsqu'en vertu d'un acte libellé énumérant les motifs articulés contre lui, un tribunal est averti ou a la connaissance légale qu'il est l'objet d'une récusation, ou qu'on suspecte soit son intégrité soit son impartialité, alors sa délicatesse, son honneur et sa probité, lui font l'impérieuse obligation de surseoir au jugement du procès jusqu'à ce qu'il intervienne une décision sur cette récusation, puisque sur cet incident il devient partie adverse de celui qui exerce la récusation. Prétendre et vouloir différemment, c'est exposer les parties à l'arbitraire et à la passion des magistrats qui, oubliant que la justice dérive du droit divin, seraient, dans un but arrêté, susceptibles de sacrifier ou compromettre les intérêts les plus sacrés. Et si par un acte circonstancié reçu par le greffier du tribunal correctionnel le récusant a précisé les motifs de sa récusation d'où nait la suspicion légitime, il est dès lors de présomption légale que les juges ne pouvaient ignorer l'existence et la déclaration du récusant. Or, dépouillé de tout sentiment de partialité, il est impossible qu'en présence des énonciations claires et positives de cet acte, on ne reconnaisse pas que le tribunal correctionnel aurait dú surseoir au jugement et s'empresser d'accueillir la récusation. Mais si ce tribunal a, par ses jugements, passé outre à la déclaration susdite et jugé la prévention, ce qu'il n'a pu faire sans se rendre juge dans sa propre cause, sans commettre un excès de pouvoir et violer les règles de la procédure, il y a contre ce tribunal correctionnel de suffisants motifs de suspicion légitime. Cass. 2 Mai 1860.

3 Du rapprochement et de la combinaison des art. 414 et 438 du C. d'Inst. crim. il resulte que ne voulant pas que le cours de la justice fut

interrompu, le législateur a établi, en matière de suspicion légitime, des formes aux fins de rendre la procédure sommaire. En effet, désirant qu'il y ait célérité, il exige que toutes demandes relatives à cette matière soient instruites et jugées sommairement, sur simple mémoire; en outre, il confère au tribunal de la loi le droit d'y statuer sur le vu de la requête et des pièces, sauf opposition, ou d'ordonner au préalable que le tout soit communiqué à la partie adverse ou à l'officier du Ministère public près le tribunal dont est suspectée la loyauté ou l'impartialité. De ce principe il suit évidemment que la récusation en masse étant assimilée à une demande en suspicion légitime, elle doit être, sans délai, déférée au tribunal de cassation. Dans l'intérêt de la défense, on est tenu, si le cas se présente, de signifier les moyens exceptionnels à celui qui forme une telle demande, dont l'instruction est indiquée selon les règles ci-dessus traCass. 20 Août 1860.

cées.

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Il est de principe, en droit, qu'un juge qui a été légalement saisi de la connaissance d'une affaire, ne peut plus en être dessaisi que par un acte légal qui épuise sa juridiction. De là il suit que le chef du parquet, ayant requis qu'un prévenu de coups et blessures fut déposé en prison, la partie avait fait choix de l'une des deux voies que la loi lui trace pour l'exercice de son action, elle était astreinte de suivre l'instruction du procès jusqu'à ce qu'une ordonnance de la Chambre du Conseil eût statué sur la prévention. Le substitut du Commissaire du Gouvernement, remplaçant le titulaire, ne pouvait donc connaître du délit par citation directe, et requérir les agents de la force publique d'assigner les témoins en cause. Il ne pouvait non plus donner citation au prévenu à comparaître à l'audience sans y appeler la partie civile qui, en cette qualité, avait à faire valoir ses intérêts civils. En agissant ainsi, il est résulté que l'inculpé a été libéré de la prévention sans que la partie civile ait été appelée ni enten. due. Le procédé employé par le substitut du Commissaire du Gouvernement étant contraire au principe admis en matière de poursuite criminelle, constitue une faute grave qui cause un tort à la partie blessée par ces coups et blessures, tort qui doit être réparé. Ce fonctionnaire doit donc être condamné à des dommages-intérêts et renvoyé devant un tribunal correctionnel pour y être jugé. Cass. 19 Mars 1862.

5 S'il est vrai d'établir qu'une demande en renvoi pour cause de suspicion légitime a toujours pour objet d'obtenir de la juridiction compétente l'indication d'un autre tribunal que celui qui devait connaître de l'action qu'une partie se propose d'intenter, il est aussi vrai, en principe, qu'on ne doit faire descendre des magistrats de leur siège sans des motifs de suspicion proposés à l'effet d'obtenir le renvoi demandé. Bien que l'un des avocats des parties, dans une demande introduite devant le tribunal civil, ait été Commissaire du Gouvernement près ce même tribunal depuis le jugement de jonction des deux causes en instance, il ne s'ensuit pas qu'il puisse exercer de l'influence sur ce tribunal. Car, soit qu'il agisse

par voie d'action, soit par celle de réquisition, le Ministère public ne peut jamais lier le tribunal devant lequel il exerce ses fonctions, puisque les magistrats, dégagés de toute partialité et devant agir d'après la loi et les faits, peuvent rejeter ses conclusions ou ses réquisitions si elles ne leur paraissent pas basées sur l'équité et les principes, et les admettre si elles y sont conformes. Aucune crainte n'est légitime que leur décision à venir soit entachée d'influence. La seule voie à suivre, le cas échéant, c'est la récusation personnelle. La suspicion légitime est donc mal fondée en droit. - Cass. 26 Oct. 1868.

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En prononçant le renvoi, le tribunal de cassation reconnait qu'aux termes de l'art. 423 du C. d'lnst. crim., il est investi d'une attribution spéciale qui lui donne droit, en jugeant la suspicion légitime, de statuer sur tous les actes qui peuvent avoir été faits après la demande régulièrement faite par déclaration au greffe du tribunal qu'il dessaisit. Or, la jurisprudence suivie par plusieurs tribunaux de la République, a consacré que lorsqu'une récusation en masse est faite d'un tribunal dans les formes voulues par la loi, ce tribunal doit s'arrêter jusqu'à décision du tribunal supérieur, en ce sens que la récusation étant établie pour empêcher de juger, c'est faire manquer le but du législateur dans la faculté qu'il entend donner à la partie qui récuse, que d'y passer outre sans attendre une décision ultérieure du tribunal compétent. C'est dans le but de maintenir la jurisprudence fixée sur la matière, et qui doit être toujours uniforme, que le tribunal de cassation a jugé nécessaire d'admettre tous les jugėments rendus par un tribunal civil postérieurement à la demande en renvoi, il n'y a pas lieu à statuer sur les déchéances demandées et dirigées contre les mêmes jugements déjà annulés. Cass. 1er Août 1870.

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7 Bien que le règlement de juges et une demande en renvoi diffèrent essentiellement entr'eux, il n'est pas moins évident que l'art. 438 du C. d'Inst. crim., qui a trait au règlement de juges est applicable au renvoi d'un tribunal à un autre. Ce principe, quoique posé d'une manière absolue, reçoit dans certaines espèces une distinction: car le droit civil contient des principes autres que le droit criminel. Ainsi, s'agissant des actes d'instruction faits dans une procédure criminelle, on ne peut valablement annuler ces actes que par la voie régulière d'un pourvoi exercé contre l'ordonnance de mise en accusation. Cass. 28 Fév. 1872.

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8 D'après les principes du droit, la jurisprudence établie ne doit s'appliquer qu'aux cas qui se trouvent identiquement les mêmes, et encore lorsqu'il s'agit de la même matière et des mêmes espèces. Que si en matière de suspicion légitime quelques tribunaux inférieurs se soient toujours arrêtés devant une récusation en masse faite contre leurs membres, c'est qu'en matières civiles et correctionnelles, la procédure le veut, puisque les magistrats statuent en même temps sur le fait et le droit. Il faut donc qu'ils s'arrêtent pour ne pas consommer leur pouvoir de juger la cause pour laquelle la suspicion est soulevée, tandis qu'en matière cri

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