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13- Si la liberté individuelle est garantie par la loi, on ne peut en invoquer le principe qu'en observant les règles que cette même loi a établies pour le maintien de l'ordre public. Loin d'avoir porté atteinte à la liberté individuelle, le juge de paix a agi, au contraire, dans le cercle de ses attributions en faisant comme officier de police judiciaire, emprisonner un individu qui lui avait été dénoncé comme complice d'un vol commis dans une école de demoiselles. Et, après avoir recueilli les indices de la prévention, ce magistrat s'est conformé à la loi en dénonçant le fait au Ministère public. D'où il suit qu'il n'y a dans la conduite du juge de paix ni crime, ni délit, ni contravention, et il n'y a pas lieu à le renvoyer devant un tribunal de répression. Cass. 6 Mars 1872.

14 La loi n'admet pas de compromis en fait de crimes et de délits; elle déclare que le désistement du plaignant ne peut éteindre la poursuite de la vindicte publique. Ainsi, lorsque le fait reproché au juge de paix est d'avoir emprisonné le plaignant pendant trois jours, que l'illégalité de cet emprisonnement est avéré par l'instruction, puisque pour s'en disculper le juge de paix inculpé est réduit à s'excuser sur ce que le lendemain de l'emprisonnement était un samedi et le surlendemain un dimanche. En outre cette excuse illégale et frivole, le juge de paix, dans l'instruction, est en contradiction flagrante avec l'ordre d'emprisonnement qu'il a délivré contre le plaignant, disant que celui-ci était emprisonné pour tapage et bruits, lorsque son ordre porte que c'était pour vol. Il ressort de toutes ces tergiversations du juge de paix que la plainte portée contre lui est fondée, et qu'il y a lieu d'envoyer le juge inculpé devant un tribunal de répression pour en répondre. Cass. 14 Juillet 1873.

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15 Lors de l'instruction faite par le juge de paix, il appert qu'un citoyen a été mis en prison sous la prévention de coups et blessures volontaires; si les pièces de l'instruction de l'affaire ne sont parvenues au parquet que dix jours après, il est évident que suivant l'art. 12 du C. d'Inst. crim., qui veut que l'inscription complète soit envoyée trois jours, au plus tard, la violation des dispositions de cet article est flagrante et constitue le délit de détention arbitraire. Cass. 22 Sept. 1873.

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Le juge d'instruction doit, dans l'exercice de ses fonctions, se renfermer dans les dispositions de loi qui tracent ses devoirs. Il doit se pénétrer que ce n'est qu'en matière de crime et délit seulement qu'il peut décerner des mandats de comparution, d'amener et de dépôt contre l'inculpé, tel que le veut le C. d'Inst. crim. Ainsi, le juge d'instruction qui, au mépris de ces principes, a fait mettre en arrestation et, par suite, en dépôt dans la prison un individu non justiciable du tribunal de répression, se basant sur une plainte et sur une instruction faite devant un autre tribunal correctionnel, plainte qui ne pouvait être suivie que par la voie civile, ce juge d'instruction a méconnu le droit attaché à la liberté individuelle garantie par la Constitution, commis un délit prévu et puni par l'art. 85 du C. Pén. Cass. 9 Mars 1874.

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L'expression employée dans l'ordre d'emprisonnement délivré par le suppléant du juge de paix, ainsi conçu : « l'inculpé a été empri< sonné pour s'être frauduleusement opposé à la possession d'une portion <de terre qui a été vendue par son père, etc. » n'est pas recevable, en ce sens qu'une opposition faite en vertu d'un droit qu'on croit exercer ne peut jamais être frauduleuse. Il y a eu de la part du suppléant inculpé confusion, en ce qu'il n'a pas tenu compte de la différence qui existe entre l'action civile et l'action intentée pour la poursuite d'un crime ou d'un délit. Dans le premier cas, il n'a aucun droit pour faire appréhender les parties ou l'une d'elles, s'agissant d'intérêts privés. Ce n'est que dans le second cas seulement que, comme officier de police judiciaire du Ministère public, il peut décerner des mandats de dépôt contre toute personne inculpée d'un crime ou d'un délit ; et même lorsqu'il s'agit d'un fait de police qui prend le caractère de contravention. Ainsi, l'opposition dont s'agit dérive d'un droit privé qui entre dans les attributions d'un tribunal civil, seul compétent pour en connaître, et cet emprisonnement est un attentat à la liberté individuelle puisqu'il ne s'agit ni d'un crime, ni d'un délit, ni d'une contravention. - Cass. 25 Mars 1874.

18 La loi sur l'ordre des avocats ayant été remise en vigueur, les tribunaux n'exercent aujourd'hui, aux termes de l'art. 34 de la dite loi, leur action disciplinaire contre les avocats, qu'à l'égard des fautes qu'ils ont commises à leurs audiences. Le fait de l'avocat d'avoir signé avec son client, au greffe du tribunal civil, une déclaration contenant des diffamations et des outrages contre les magistrats de ce tribunal, ne constitue point une faute d'audience; l'assemblée générale était incompétente pour en connaître ; il ne pouvait être jugé que par un tribunal ordinaire. Donc la décision de l'Assemblée générale qui suspend provisoirement l'avocat de l'exercice de sa profession,ne doit être considérée que comme le fruit d'une simple erreur, et qu'elle ne peut donner lieu à l'application des art. 85 et 95 du C. Pén. contre les magistrats qui l'ont rendue, lesquels ayant agi sans intention de nuire ne sauraient être condamnés à des dommages-intérêts. Cass. 17 Oct. 1881.

Art. 86. Les dommages-intérêts qui pourraient être prononcés à raison des attentats exprimés en l'article précédent, seront demandés, soit sur la poursuite criminelle, soit par la voie civile, et seront réglés, eu égard aux personnes, aux circonstances et au préjudice souffert, sans qu'en aucun cas, et quelque soit l'individu lésé, les dits dommages-intérêts puissent être au-dessous de quatre gourdes, ni au-dessus de dix gourdes par chaque jour de détention illégale et arbitraire, et pour chaque individu. C. civ. 929,

1168.

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Proc. civ. 135.

Inst. crim. 1 à 4, 466 et suiv. (1).

1 La loi a formellement limité les cas où les juges et le Ministère public peuvent être pris à partie. Or, l'action intentée par la voie civile contre un juge de paix pour emprisonnement arbitraire, étant basée sur le 3o alinéa de l'art. 438 du C. de Proc. civ., qui veut qu'une disposition de la loi prononce la responsabilité à peine de dommages-intérêts, il suit de l'art. 8 du C. Pén., qui est la conséquence de l'article précédent, que, pour qu'il y ait lieu à prononcer des dommages-intérêts à raison des attentats prévus à l'art. 85 du C. Pén., il faut non-seulement que le fait soit avéré, mais encore que l'emprisonnement ait été ordonné sans qu'aucune loi l'ait autorisé, et que les formalités essentielles aient été ouvertement violées. Cass. 18 Janv. 1841.

2 En droit, et en vertu de l'art. 30 du C. d'Inst. crim., la dénonciation seule ne constitue pas une présomption suffisante pour décerner un mandat d'amener contre un individu ayant domicile. De ce principe il suit que, même en flagrant délit, on ne saurait, sur une simple plainte, priver de sa liberté une personne qui est dans cette condition. Or, comme officier auxiliaire du Ministère public, le juge de paix est astreint à suivre dans ses fonctions les règles tracées par le législateur, et hors le cas de flagrant délit, le pouvoir de décerner soit mandat d'amener, soit mandat de dépôt, n'est dévolu qu'au juge d'instruction. Donc, si le juge de paix a mis en oubli ces principes et fait éprouver une détention illégale de trente-six jours à une personne domiciliée, détention motivée sur une simple plainte relative à un fait commis, non en flagrant délit, ce magistrat a commis un acte arbitraire, attentatoire à la liberté individuelle. Cass. 24 Avril 1860.

3 Le juge doit dresser procès-verbal faisant connaître la nature de l'insulte dont il avait été l'objet, et si c'était à l'audience, il devait exécuter l'art. 15 du C. de Proc. civ., en décernant un ordre d'emprisonnement de 24 heures, en faisant sur la feuille d'audience, mention des circonstances qui ont motivé l'emprisonnement. Mais si, au lieu de suivre la marche tracée par le Code, le juge a délivré un ordre qui n'est pas conforme à la loi, comme le législateur, dans le but de protéger la liberté individuelle contre tout abus de pouvoir, a prescrit que l'ordre d'emprisonnement doit contenir le motif de l'arrestation et la loi en exécution de laquelle elle est ordonnée, qu'il émane d'un fonctionnaire, etc., etc. Si rien ne prouve que ces formalités aient été remplies, il s'ensuit que l'emprisonnement exécuté sur un ordre illégal et sans motif, constitue un attentat à la liberté individuelle, un abus de pouvoir qui rend le juge qui l'a ordonné justiciable d'un tribunal de répression. Cass. 22 Mai 1878.

(1) Voy. No 6584. Loi du 10 Août 1877, qui règle en monnaie forte, etc., art. 1, 4o.

Art. 87. Si l'acte contraire à la Constitution a été fait d'après une fausse signature du nom d'un fonctionnaire public, les auteurs du faux et ceux qui en auront sciemment fait usage, seront punis des travaux forcés à temps, dont le maximum sera toujours appliqué dans ce cas. Inst. crim. 350 et suiv. C. Pén. 7, 3, 15, 19,

107 à 110, 125.

Art. 88. Les fonctionnaires publics, chargés de la police administrative ou judiciaire, qui auront refusé ou négligé de déférer à une réclamation légale, tendante à constater les détentions illégales et arbitraires, soit dans les maisons destinées à la garde des détenus, soit partout ailleurs, et qui ne justifieront pas les avoir dénoncées à l'autorité supérieure, seront punis de la destitution, et tenus des dommages-intérêts, lesquels seront réglés comme il est dit en l'article 86. C. civ. 929, 1168. Inst. crim. 9, 442 et suiv. 450 et suiv. C. Pén. 8, 1°, 23, 36 et suiv. 89, 289 et suiv.

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Art. 89. Les gardiens et concierges des maisons de dépôt, d'ar-` rêt, de justice ou de peine, qui auront reçu un prisonnier, sans mandat ou jugement, ou sans ordre provisoire du Gouvernement; ceux qui l'auront retenu ou auront refusé de le représenter à l'officier de police ou au porteur de ses ordres, sans justifier de la défense du Ministère public ou du juge; ceux qui auront refusé d'exhiber leurs registres à l'officier de police, seront, comme coupables de détention arbitraire, punis de trois mois à un an d'emprisonnement. Inst. crim. 443, 445 et suiv., 452. C. Pén. 26 et suiv., 36 et suiv., 88, 289 et suiv.

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Art. 90. Seront punis de la destitution, tous officiers de police judiciaire, tous officiers du Ministère public, tous juges qui auront provoqué, donné ou signé un jugement, une ordonnance ou un mandat, tendant à la poursuite personnelle ou accusation, soit d'un grand fonctionnaire, sans l'autorisation du chef de l'Etat, soit d'un membre du Corps législatif, contre les dispositions de la Constitution, ou qui, hors les cas de flagrant délit ou de clameur publique, auront, sans ladite autorisation, ou contre lesdites dispositions, donné ou signé l'ordre ou le mandat de saisir, ou arrêter un ou plusieurs grands fonctionnaires, ou membres du Corps législatif. Inst. crim. 9, 13, 31, 44, 77 et suiv. 88, 380 et suiv. — C. Pén. 9, 30, 30, 95, 127 à 129, 144.

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Dans la supposition que l'abus de confiance fut bien caractérisé, c'est un crime qui prête difficilement au flagrant délit. Ainsi, en empri

sonnant un député sous prétexte de flagrant délit d'abus de confiance, le juge de paix a violé les art. 31 du C. d'Inst. crim., 90 et 101 de la Constitution, 85 et 90 du C. Pén. Et ce juge de paix doit être renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'arrestation et d'emprisonnement illégaux d'un citoyen député au Corps Législatif. Cass. 22 Sept. 1873.

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2 Le citoyen doit s'imputer la faute d'avoir, par une irrévérence coupable envers le juge de paix, autorité constituée, mérité l'emprisonnement dont il a été frappé. Ce juge de paix ne peut être l'objet d'aucune prévention de délit punissable, en jugeant les injures proférées par le prévenu contre son autorité, parce qu'il a jugé un fait que la loi a placé dans ses attributions. Cass. 8 Mars 1876.

Art. 91. Seront aussi punis de la destitution, les officiers du Ministère public, les juges, ou les officiers publics qui auront retenu ou fait retenir un individu hors des lieux déterminés par le Gouvernement ou par l'administration publique, ou qui auront traduit un citoyen devant un tribunal criminel, sans qu'il ait été préalablement mis légalement en accusation. Inst. crim. 450 et suiv. — C. Pén. 9, 3o, 30, 88 et suiv. 289 et suiv.

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SECTION III.

Coalition des Fonctionnaires.

Art. 92. Tout concert de mesures contraires aux lois, pratiqué, soit par la réunion d'individus ou de corps, dépositaires de quelque partie de l'autorité publique, soit par députation ou correspondance entre eux, sera puni d'un emprisonnement d'un mois au moins, et de trois mois au plus, contre chaque coupable, qui pourra, de plus, être condamné à l'interdiction des droits politiques, et de tout emploi public, pendant cinq ans au plus. C. Pén. 26, 28, 85 et suiv. 93 et suiv. 127 et suiv.

Art. 93. Si, par l'un des moyens exprimés ci-dessus, il a été concerté des mesures contre l'exécution des lois ou contre les ordres du Président d'Haïti, la peine sera l'emprisonnement d'un an à trois ans, et l'envoi sous la surveillance de la haute police de l'Etat, pour un temps qui ne pourra être moindre de cinq ans. C. Pén. 9, 1o, 26, 31 et suiv.

Si ce concert a eu lieu entre les autorités civiles, et les corps militaires ou leurs chefs, ceux qui en seront les auteurs ou provo

C. PÉN.

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