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Pour contrebalancer ce club, qui prenait de jour en jour plus d'influence, se forma le cercle constitutionnel, composé d'hommes tenant le milieu entre les clichiens et les républicains. Dans le conseil des cinq cents, on y comptait, parmi les plus zélés, Pastoret, Boissy-d'Anglas, Jourdan des Bouches-duRhône; Henri Larivière, Lemerer, Camille Jordan, Pichegru, Delarue, Demersan, etc. Dans le conseil des anciens,'on y trouvait Tronçon-Ducoudray, Siméon, Émery, Portalis, Barbé-Marbois, Dumas et Béranger. A la réélection du tiers renouvelant les deux conseils, les constitutionnels et les clichiens avaient eu le dessus. Aussi, les deux conseils étaient-ils devenus entièrement contraires au directoire. Pour preuves, citons les nominations de Pichegru à la présidence des cinq-cents, et de Barbé-Marbois à la présidence des anciens! Battu en brèche par les conseils, le directoire n'en devint pas plus étroitement uni, au contraire. Barras surtout voulait dominer ses collègues. Un journal, pour mettre le hola, imprimait :

LES CINQ CONTRE U.V.

Français, pour qui tout est objet d'agiotage,
Voulez-vous, par un calcul sage,

Assurer le bonheur commun,

Et fixer à la fois la fortune et la gloire?

Agiotez le directoire,

Et donnez cinq pour un (Bonaparte).

D'un autre côté, le moment était venu de remplacer, non comme le voudrait le journaliste, les cinq directeurs par un seul homme, mais bien tout simplement un d'entre eux. La constitution avait exigé qu'on tirât au sort pour savoir lequel s'en irait, ce qui donna lieu à des caricatures. Le sort amena le nom de Letourneur. Les clichiens hésitèrent entre Cochon et Barthélemi pour le remplacer, et fixèrent enfin leur choix sur le dernier ambassadeur en Suisse, lequel fut nommé membre du directoire. Ce fut donc Barthélemi qui arriva pour faire cesser la querelle des cinq chiens, selon une caricature composée à ce sujet (a). Un rimeur gascon fit ces vers sur la nomination du nouveau directeur. que l'on disait avoir eu des liaisons avec les émigrés et leurs chefs; il les enVoya au directoire :

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› Memorial ou Journal historique de la révolution de France, par Lecomte. 1801,

Tel était le premier succes des constitutionnels et des clichiens réunis pour tenir tête aux derniers jacobins, et qui avaient eu le pouvoir de faire annuler au conseil des conq-cents l'élection de Bertrand Barrère, le déporté (a . Barras é ant renommé pour ses orgies, et les finances étant dans l'état le plus déplorable, les deux partis contre-révolutionnaires poursuivirent la tâche qu'ils s'étaient imposée, et cela sans trouver dans leur collègue une sérieuse résistance. Le directoire, lui aussi, avait son parti à la tête duquel on remarquait Bailleul, Chénier, Boulay de la Meurthe, Jean Debry, etc.. dans les deux conseils; et, aux armées, les généraux les plus renommés, Bonaparte, Berthier, Lannes, etc.

De la sorte, les membres des deux conseils étaient divisés en trois camps, les directoriaux, les constitutionnels et les royalistes (b).

Les derniers étaient les plus forts, au point de vue parlementaire. Bonaparte servit bientôt de prétexte à la lutte. Après la reddition de Venise, le général en chef de l'armée d'Italie avait favorisé l'émancipation des peuples conquis. A Venise, un gouvernement démocratique avait été établi; à Gênes, un descendant des Doria avait proclamé la souveraineté du peuple et présidé à la formation de la république ligurienne (c). Tout cela n'agréait pas aux députés nouvellement élus. Le 5 messidor 23 juin), un d'entre les plus fameux royalistes, Dumolard, membre du conseil des Anciens, prit la parole, et demanda comment il se faisait que le conseil n'eût pas été instruit des événements qui venaient de changer la situation des états de Venise et de Gênes. N'était-ce pas là une véritable usurpation de pouvoir tentée par les directeurs? N'y avait-il pas, de leur part, système politique, à ne pas consulter le corps législatif pour une affaire aussi importante? Pourquoi, à son tour, le corps législatif s'était-il arrogé le droit de s'immiscer dans la constitution politique d'un peuple?« Outragés par les Vénitiens, était-ce à leur institution politique que les Français avaient le droit de déclarer la guerre? Vainqueurs ou conquérants, leur appartenait-il de prendre une part active à leur révolution, en apparence inopinée? » Selon lui, il fallait, à cet égard, adresser un message au directoire. Une discussion très-vive s'ensuivit, et la proposition fut renvoyée à l'examen d'une commission.

Le défi était porté au directoire et aux généraux qui le soutenaient. Bonaparte, au même instant, formait la république Cisalpine (d); dix jours après, le directoire exécutif lui adressa des félicitations sur sa conduite en Italie, et approuva, notamment, la politique touchant les états de Venise et de Gênes. Le 14 juillet, dans un dîner donné à propos de la prise de la Bastille, le

a Séance du 20 mai.

b Mémoires de Thibaudean.

Le 31 mai 1797

d 8 juillet.

général Berthier opinaà la façon des militaires, et porta ce toast: « A la constitution et au directoire de la république française! qu'il soit, par sa fermeté, digne des armées et des hautes destinées de la république, et qu'il anéantisse les contre-révolutionnaires qui ne se déguisent plus! >> Lannes porta cet autre toast: A la destruction du club de Clichy. Les infâmes! ils veulent encore des révolutions: que le sang des patriotes qu'ils font assassiner retombe sur eux! » Enfin, Bonaparte avait terminé sa proclamation sur l'anniversaire du 14 juillet par cette phrase: « Soldats! le gouvernement veille sur le dépôt des lois qui lui est confié. Les royalistes, dès l'instant qu'ils se montreront, auront vécu; soyez sans inquiétude, et jurons par les mânes des héros qui sont morts à côté de nous pour la liberté, jurons sur nos nouveaux drapeaux Guerre implacable aux ennemis de la république et de la constitution de l'an III! »

Il est vrai que, dans le midi, des massacreurs, des jacobins blancs, désolaient les provinces, Ces dernières paroles montrent la puissance des clichiens qui se rassemblaient non seulement au club, mais encore chez un citoyen nommé Gibert-Desmolières, où les principaux plans étaient agités. Le conseil des cinq-cents alla plus loin que celui des anciens. Il adressa un message au directoire pour lui demander si Barras avait l'âge requis par la constitution, à l'époque où il fut nommé directeur. Le directoire répondit affirmativement, et, le surlendemain, une loi prohiba provisoirement les sociétés particulières qui s'occupaient d'affaires politiques. Certes, la querelle s'envenimait. Une adresse en forme contre le corps législatif parvint aux directeurs a). Il y était dit que la route de Paris n'était pas plus encombrée d'obstacles que celle de Vienne; que les armées la prendraient, afin de défendre la liberté, et que bientôt leurs ennemis auraient vécu; qu'ils tremblent, parce que les triomphateurs arrivent. Thibaudeau, pour réponse, fit un rapport tendant à empêcher les armées de délibérer. On réorganisa complétement la garde nationale; on abrogea les lois pénales contre les prètres insermentés; on anéantit les lois prononçant des mises hors la loi.

Cependant l'inquiétude était dans les esprits. La garnison de Paris avait été renforcée et avait fait l'exercice à feu. Partout les citoyens notables recevaient des lettres et des avis menaçants et anonymes. Dans les premiers jours de septembre, un mouvement éclata, qui fut connu depuis sous le nom de journée du 18 fructidor.

Dès l'aurore, le canon d'alarme fut tiré, les salles des séances des deux conseils investies, les commissaires inspecteurs arrêtés, Pichegru et Ramel arrêtés aussi. Augereau, général pour le directoire, occupa les principaux ponts de Paris. Les soldats crièrent avec frénésie : Vive la république! A bas les royalistes! Une proclamation directoriale, affichée, annonçait que la cause

a Le aout.

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