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de la convention. On exécuta une symphonie, et l'hymne des Marseillais qui avait été négligé depuis quelque temps. Au couplet Amour sucré de la patrie, tous les députés se levèrent spontanément, et se découvrirent. On demanda l'auteur, Rouget de l'Isle, lequel était aux armées. Après, on entouna le Chant du Départ; mais on eut le bon esprit de s'abstenir du Réveil du Peuple, l'hymne favori des muscadins. Aussi, dans les jourrées suivantes, des jeunes gens se répandirent dans Paris, firent des menaces, et forcèrent les acteurs des différents théâtres à réparer l'oubli volontaire des députés. Ils avaient obtenu, à cet effet, un arrêté du comité de sûreté générale.

Vint aussi l'anniversaire du IX thermidor, que la convention fêta en grande pompe. L'Institut national de musique exécuta des choeurs et des symphonies. Chénier composa expressément pour la cérémonie son chant du 9 thermidor.

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Un troisième anniversaire restait à célébrer avant que le gouvernement thermidorien octroyât, lui aussi, sa constitution. C'était le 10 août. A cette lête, on chanta le Réveil du Peuple. La contre-révolution commençait à l'emporter. Enfin, la constitution, dite de l'an III, fut adoptée le 22 août comme une charte réactionnaire. Constitution de l'an III! ce qui donna aux plaisants l'idée de mettre ces paroles dans la bouche de la France républicaine :

<< En me violant trois fois ils m'ont causé la mort («).»

D'après notre manière accoutumée, nous nous contentons de mettre sous les yeux du lecteur la nouvelle Déclaration des Droits et des Devoirs de l'Homme et du Citoyen. Matière à comparaison avec la précédente; droits et devoirs y sont scrupuleusement déterminés. Point de préambule comme dans la déclaration de 1789, où les représentants parlent au nom du peuple; comme

a, Collection de M. Laterrade

dans celle de 1793, où le peuple parle en personne. De même que cette dernière, toutefois, elle se met sous l'invocation de l'Etre suprême.

DECLARATIONS DE DROITS ET DES DEVOIRS DE L'HOMME ET DU CITOYEN,

Le peuple français proclame, en présence de l'Etre-Suprême, la déclaration suivante des droits de l'homme et du citoyen.

DROITS.

Art. 1. Les droits de l'homme en société sont la liberté, l'égalité, la sûreté, la propriété. 2. La liberté consiste à faire ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui. — 3. L'égalité consiste en ce que la loi est la même pour tous, soit qu'elle protége, soit qu'elle punisse. L'égalité n'admet aucune distinction de naissance, aucune hérédité de pouvoirs. - 4. La sûreté résulte du concours de tous pour assurer les droits de chacun. 5. La propriété est le droit de jouir et disposer de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie. -6. La loi est la volonté générale exprimée par la majorité ou des citoyens ou de leurs représentants. 7. Ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché. Nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. — 8. Nul ne peut être appelé en justice, accusé, arrêté ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites.-9. Ceux qui sollicitent, expédient, signent ou font exécuter des actes arbitraires, sont coupal les et doivent être punis.

10. Toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de la personne d'un prévenu, doit être sévèrement réprimée par la loi. — 11. Nul ne peut être jugé qu'après avoir été entendu ou légalement appelé. — 12. — La loi ne doit dé cerner que des peines strictement nécessaires et proportionnées au délit. 13. Tout traitement qui aggrave la peine déterminée par la loi est un crime. 14. Aucune loi, ni criminelle, ni civile, ne peut avoir d'effet rétroactif.-15.Tout homme peut engager son temps et ses services; mais il ne peut se vendre ni être vendu sa personne n'est pas une propriété aliénable. 16. Toute contribution est établie pour l'utilité générale; elle doit être répartie entre les contribuables en raison de leurs facultés. 17. La souveraineté réside essentiellement dans l'universalité des citoyens. 18. Nul individu, nulle réunion partielle de citoyens ne peut s'attribuer la souveraineté.-19. Nul ne peut, sans une délégation lé

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Art. 1. La déclaration des droits contient les obligations des législateurs : le maintien de la société demande que ceux qui la composent connaissent et remplissent également leurs devoirs. - 2. Tous les devoirs de l'homme et du citoyen dérivent de ces deux principes gravés par la nature dans tous les cœurs: Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fit; faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en recevoir. 3. Les obligations de chacun envers la société consistent à la défendre, à la servir, à vivre soumis aux lois, et à respecter ceux qui en sont les organes. — 4. Nul n'est bon citoyen s'il n'est bon fils, bon pèrc, bon frère, bon ami, bon époux. 5. Nul n'est homme de bien s'il n'est franchement et religieusement observateur des lois. -6. Celui qui viole ouvertement les lois se déclare en état de guerre avec la société.-7. Celui qui, sans enfreindre ouvertement les lois, les élude par ruse ou par adresse, blesse les intérêts de tous; il se rend indigne de leur bienveillance et de leur estime..-8. C'est sur le maintien des propriétés que reposent la culture des terres, toutes les productions, tout moyen de travail, et tout l'ordre social. 9. Tout citoyen doit ses services à la patrie et au maintien de la liberté, de l'égalité et de la propriété, toutes les fois que la loi l'appelle à les défendre.

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DIRECTOIRE

La constitution lue au peuple Français.

La constitution nommait pour corps législatif un conseil des anciens et un conseil des cinq cents; le premier devait être composé de deux cent cinquante membres. Elle nommait un directoire exécutif de cinq membres. Elle organisait le tribunal de cassation, la haute cour de justice, les gardes nationales et l'instruction publique.

Il importe de faire connaître ici les costumes des membres des trois pouvoirs, ainsi qu'ils ont été adoptés subséquemment d'après un rapport de Grégoire (a).

La loi porta que « toutes les matières ou étoffes employées aux costumes des fonctionnaires seraient du cru du territoire de la république ou de fabrique nationale. >>

Le membre du conseil des cinq cents dut porter a la robe longue et blanche, la ceinture bleue, le manteau écarlate (le tout en laine), la toque de velours bleu (b). »

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« Nos vêtements, dit le législateur, gênent la circulation par des ligatures multipliées; ils enchaînent les articulations. >>

(a) Séance du 28 fructidor (14 septembre.)

(b) Projet de Grégoire, promptement converti en loi.

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