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par le nom de ces diverses provinces. On disait le commandant ou duc de Kent, l'aide-de-camp ou comte d'Essex, les valets ou chevaliers du canton d'York, etc., etc. (1).

Le chef de l'armée victorieuse s'était déclaré propriétaire du sol et des hommes vaincus, au nom de Dieu et de son épée, c'est-à-dire, au nom du hasard et de la force; ses successeurs altestèrent Dieu et leur droit; leur droit, c'était l'héritage. Les lieutenans avaient, pour titre de leurs possession, leur droit, l'héritage de leurs aïeux, avec le bon plaisir du chef. Mais lequel de ces deux titres était décisif de la propriété ? cela devait être mis souvent en doute; et alors le chef faisait valoir sa volonté comme suprême, et les officiers leur succession. C'était une cause de dis

(1) Chaque soldat, chevalier ou écuyer, avait dû recevoir sa petite portion de la province; mais dans ce détail du partage, il y avait eu quelques négligences, et comme on dit des passe-droits. Ceux qui avaient été oubliés par les distributeurs, ceux qui n'avaient point de terres ni d'hommes à eux, avaient reçu, pour dédommagement, la faculté de vivre sur les terres et les hommes de qui ils voudraient; ils étaient voleurs légalement et avec protection. Knights and esquires, who have no land, and are robbers find sufficient security. (Dictum of Knellworth, cité par Hume.)

putes fréquentes entre le général et ses subalternes (1).

Voilà quel était en Angleterre l'état des fils des conquérans ; quant aux fils des vaincus qu'on désignait par le nom de subjugués, que nous rendons par sujets (2), ils étaient aussi dans la même condition que leurs pères. Il leur fallait nourrir à discrétion cette multitude campée au milieu d'eux. Leur vie n'était quelque chose

(1) Sous le commandement d'un des successeurs du conquérant, le comte de Varenne qui avait en propre 28 villes et 288 manoirs, interrogé sur son droit de propriété, tira son épée en disant : « Voilà mes titres. Guillaume » le Bâtard n'était pas seul lorsqu'il s'est emparé de cette > terre; mon aïeul était de l'expédition.

כל

(Hume's hist. of england, vol. 1, Appendix 11.)

(2) Subjecti, de subjicere.

Ce mot ne signifiait point la subordination à la police, mais la soumission aux vainqueurs. Cinq cents ans après la conquête on en faisait encore la différence. La reine Élisabeth, dans ses discours au parlement, n'appelait pas sujets les hommes sur qui elle n'avait que la prééminence de l'autorité, mais elle donnait ce nom aux membres des communes , pour exprimer qu'elle avait sur eux une autre sorte de pouvoir. La formule était : My right loving lords, and you, my right faithful and obedient subjects. » Très-affectionnés seigneurs ou maîtres, et très-obéissans sujets. » (Echard's, Hist. of England.)

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qu'autant qu'elle servait aux vainqueurs. Le plus ou le moins de profit à tirer de l'homme était la mesure du bon et du mauvais traitement. Si l'industrie ne produisait pas assez, on vendait le corps. Les naturels de l'Angleterre étaient un article d'exportation pour l'Irlande et les pays étrangers (1).

que

Chaque officier avait à ses ordres des agens chargés de ramasser les vivres qu'il tirait de son district, d'en protéger le transport, de s'opposer à la résistance de ceux sur qui la contribution se levait; de punir les refus, de prévenir les soulèvemens, et même d'étouffer les querelles des sujets, de réprimer toute offense, toute injure l'un ferait à l'autre, soit dans sa personne, soit dans ses biens, afin que leur corps fut toujours propre à la fatigue, afin que le capital sur lequel ils travaillaient pour le maître (2), ne diminuât point, afin qu'ils ne fussent point distraits du soin de produire ce qu'il voulait prendre d'eux. Ces agens, qui étaient des commis, des juges, des exécuteurs, composaient ce que maître appelait sa cour.

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(1) Clarke, Conp-d'Oil sur la force de l'Angleterre, chap. 1er.

(2) Lord,

Le général avait ainsi une cour, une compagnie de pourvoyeurs en station dans chacun de ses domaines, et il avait de plus une cour ambulante qui marchait avant lui, lorsque dans de certaines occasions, accompagné de son étatmajor, il allait inspecter les quartiers (1). Il fallait que lui et sa suite trouvassent de quoi suffire à leurs besoins dans tous les lieux où ils passaient ; et les pourvoyeurs s'acquittaient si exactement de leur office, que souvent, à l'approche du général, les habitans se retiraient à la hâte, avec tout ce qu'ils pouvaient sauver, au fond des forêts ou dans des lieux écartés (2).

(1) Les agens principaux de la Cour du roi (aula regis) étaient au nombre de huit, savoir un pourvoyeur des hommes qu'on appelait seneschal ou dapifer; un pourvoyeur des chevaux, mareschall; un préposé aux logemens des hommes, chamberlain, chambellan; un préposé aux logemens des chevaux, connestable; un agent chargé de protéger les autres dans l'exercice de leurs fonctions, en faisant des jugemens et en prêtant main-forte, justicier; un secrétaire enregistrant les prises, chancelier, et enfin un trésorier, gardien du butin.

(Millar's historical view of the english government, V. III.) ..(2) Whenever the king removed from one seat to anosher, his retinue assumed a right to pillage the lands, under a pretence of providing for him. Horses, carts,

Et lorsque les aides-de-camp du général voyageaient à sa place ou portaient ses ordres, ils exigeaint les mêmes provisions et faisaient le même pillage (1). Ces coutumes, autorisées par les fonctions du chef qui devait avoir l'œil à tout, étaient onéreuses à ses lieutenans qui avaient d'autant moins à retirer de leurs dépendans, que le général leur avait pris davantage pour son compte car ceux qui pouvaient suffire à une seule contribution, ne pouvaient suffire à deux à la fois. Les officiers étaient donc intéressés à modérer les exactions du général et de ses agens; et le général de son côté pour son intérêt, pour l'intérêt commun de toute l'armée, à la conservation de laquelle il devait veiller, était porté à empêcher que chaque officier ne dévorât trop dans sa province, pour que le pays ne se trouvât

victuals, and every thing that could be of the least use were seized by his officers. The best remedy which the people could apply against this evil was, upon notice of the king's progress, to retire, with their effects into the woods, or unto places at a distance from his route. (Remarks upon the history of England, vol. 1er., p. 225.) (1) His domestics too, when sent upon business into distant parts of the kingdom, clamed the same privilege, and demanded a supply of provisions, in every town through which they travelled. (Id.) .

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