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Cette lettre est restée sans réponse; les pièces n'ont point été communiquées ; et, le 15 juillet, la Cour royale a rendu l'arrêt suivant :

« LA COUR, après en avoir délibéré, et statuant sur l'opposition, attendu qu'en matière criminelle, tout est positif, et qu'on ne peut, par analogie, raisonner d'un cas à un autre; que, par l'article 135 du Code d'instruction criminelle, la faculté de former opposition aux ordonnances de la chambre du conseil est accordée au procureur du Roi et à la partie civile, et non aux prévenus, DÉCLARE Comte et Dunoyer non-recevables dans ladite opposition. »

L'effet de cet arrêt était de laisser les prévenus devant le tribunal de police correctionnelle, sans rien préjuger sur aucun de leurs moyens.

Les auteurs du Censeur Européen avaient dénoncé à M. le procureur du Roi, leur arrestation et leur détention comme arbitraires, ainsi qu'on l'a déjà vu. M. le juge d'instruction croyant, sans doute, réparer l'irrégularité du premier mandat par un acte plus régulier, a décerné contre eux un mandat d'arrêt. Cet acte contrevenait aux lois d'une manière plus formelle encore que le premier; car il ne faisait

aucune mention des faits pour lesquels il était décerné, et les articles de la loi qu'il citait, étaient si généraux, qu'ils prévoyaient quarante ou cinquante espèces de délits.

par

Convaincus que les lois n'ont de valeur qu'autant que l'exécution en est rigoureusement exigée les citoyens, et persuadés qu'il importe à tous que les garanties de la liberté individuelle ne soient violées envers aucun les auteurs du Censeur Européen ont demandé à la sixième chambre du tribunal de première instance l'annullation du mandat décerné contre eux, et leur mise en liberté pure et simple.

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Depuis un mois, ont-ils dit dans leur requête, nous sommes détenus à la maison d'arrêt de la Force, en vertu d'un ordre émané de M. Reverdin, chevalier de Saint-Louis, et juge d'instruction; nous nous adressons au tribunal pour obtenir notre mise en liberté.

» Pour qu'une personne puisse être arrêtée et détenue sans arbitraire, il faut deux choses: qu'il lui soit imputé des faits qualifiés crimes ou délits par la loi, et que l'ordre de son

arrestation et de sa détention soit revêtu des formes légales, et donné par un magistrat compétent.

» Nous

croyons avoir déjà prouvé que les faits

pour lesquels nous sommes détenus ne sont point ainsi qualifiés, La justice décidera plus tard si nous avons bien ou mal raisonné.

Mais, en attendant qu'elle rende une décision à cet égard, nous croyons devoir lui demmander notre mise en liberté, à cause de la nullité du mandat en vertu duquel nous sommes détenus.

M,

» Dans un acte signifié à M. le procureur du Roi, le 21 du mois dernier, nous avons déjà réclamé contre notre arrestation et contre notre détention. Nous avons cherché à lui faire voir que l'ouvrage qui avait motivé notre arrestation ne pouvait plus donner lieu à aucune poursuite, faute de notification, dans les vingt-quatre heu¬ res, de l'ordre et des procès-verbaux de saisie et que les volumes saisis devaient même nous être rendus, suivant les dispositions de la loi du 28 février dernier.

en outre,

2

>> Nous avons cherché à lui prouver, en que le mandat de dépôt lancé contre nous, ne pouvait pas être mis à exécution, puisqu'il ne faisait mention ni du fait qui nous était imputé, ni de la loi qui classait ce fait parmi les crimes ou les délits. Nous avons appuyé nos réclamations sur les articles 77 et 78 de la loi constitutionnelle de l'an 8, qui détermine les formes de tout acte

par lequel l'arrestation d'une personne est ordonnée, et sur l'article 615 du Code d'instruction criminelle, qui prescrit l'observation des deux articles précités.

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Cependant, comme il ne s'agissait que d'un simple mandat de dépôt, on aurait pu prétendre que M. le juge avait pu se dispenser de faire mention du fait pour lequel il ordonnait notre arrestation, et de la loi qui mettait ce fait au nombre des délits. A la vérité, cette interprétation aurait été contraire à l'article 615 du Code d'instruction criminelle, qui ordonne implicitement l'exécution des art. 77 et 78 de la loi constitutionnelle de l'an 8; mais du moins elle eût paru autorisée par l'article 95 du même Code, qui semble ne pas exiger, pour les mandats de les mandépôt, les mêmes formalités que pour

dats d'arrêt.

» M. le juge d'instruction a pris soin de lever lui-même la difficulté. Il a converti en mandat d'arrêt le mandat de dépôt qu'il avait précédemment décerné contre nous. C'est donc en vertu d'un mandat d'arrêt que nous nous trouvons détenus; la question est de savoir si ce mandat est revêtu des formalités prescrites par la loi. Nous rappellerons ici les dispositions des deux articles. de la constitution de l'an 8, que nous avons pré

cédemment cités. L'article 77 est conçu en ces

termes :

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« Pour que l'acte qui ordonne l'arrestation. » d'une personne puisse être exécuté, il faut » 1°. qu'il exprime formellement le motif de » l'arrestation, et la loi en exécution de la» quelle elle est ordonnée ; 2°. qu'il émane d'un » fonctionnaire à qui la loi ait donné formelle>>ment ce pouvoir; 3°. qu'il soit notifié à la >> personne arrêtée, et qu'il lui en soit laissé copie

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Un gardien ou geolier, ajoute l'article 78, » ne peut recevoir ou détenir aucune personne » qu'après avoir transcrit sur son registre l'acte >> qui ordonne son arrestation; cet acte doit être » un mandat donné dans les formes prescrites » par l'article précédent, ou une ordonnance >>de prise de corps, ou un décret d'accusation, » ou un jugement, »

» Ces deux articles, nous l'avons déjà dit n'ont point été abrogés. La charte a, au contraire, garanti la liberté individuelle, et on ne peut pas admettre qu'en la garantissant, elle a détruit les seules dispositions qui peuvent nous en faire jouir (1). Le Code d'instruction criminelle ren

(1) « La liberté individuelle est garantie, nul ne pouvant être arrêté que dans les cas prévus par la loi, et dans les formes qu'elle prescrit. » Art. 4.

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