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la vérité même, en pervertissant la plus noble faculté de l'homme, ̈

» Délibère-t-on en public? Le mal du sophisme ne se borne pas à son action sur l'assemblée : il en résulte de plus un mal extrême, celui qui se répand dans la nation selon le degré d'influence que le sophisme exerce (1).

» Le résultat s'offre de lui-même. A proportion de ce qu'on fait pour détruire ou affaiblir ces moyens d'erreur, on donne à l'intelligence publique un plus haut degré de force, et à la morale publique une plus grande pureté. On place toutes les institutions utiles sous la sauvegarde de la raison, et l'on prépare pour le gouvernement le succès de toutes les bonnes me

sures. >>

L'auteur range les sophismes politiques en trois grandes divisions :

(1) Le mal qu'a fait Bonaparte, par exemple, sous ce rapport, pendant un règne de quatorze années, où lui et ses agens ont eu seuls la parole, est incalculable. Il est parvenu à rendre problématiques les principes les plus incontestables, à poser comme principes, soit de vieux préjugés rafraîchis, soit des adages tirés de la morale des camps; et il s'est servi à discrétion d'un moyen de publicité énorme et nouveau (les journaux) pour humilier perpétuellement la raison et le bon droit.

Les sophismes de préjugé ou d'autorité;
Les sophismes dilatoires;

Les sophismes de confusion.

Les premiers tendent à mettre le préjugé à la place du raisonnement, et à regarder l'autorité, ou le jugement d'autrui, comme étant décisifs le point controversé, sans aucun appel au bon

sens.

sur

L'auteur examine, dans autant de chapitres différens, les diverses manières dont on fait usage de ce genre de sophismes.

Il rencontre d'abord ce qu'il appelle le culte des ancêtres, argument chinois, qui consiste à rejeter une mesure proposée comme étant contraire à l'opinion des hommes qui antérieurement ont habité le même pays. Il cite les mots sacramentels de cette espèce d'argument: Nos sages ancêtres,... La sagesse de nos pères.... Le bon vieux temps.... La vénérable antiquité.... L'expérience est la mère de la sagesse (comme si l'expérience ne se trouvait pas du côté des plus modernes et l'inexpérience du côté des anciens) etc.

La peur de l'innovation donne naissance à des sophismes analogues aux précédens. Il n'y a pas d'exemple de ce qu'on propose; donc il faut le rejeter. Le mot changement ne préjuge rien; le

mot innovation préjuge le danger, le bouleversement. Ce mot tout seul est un sophisme.

Vient ensuite l'empire des lois irrévocables, des contrats qui enchaînent les descendans, des vœux inconsidérés ; puis l'autorité du nombre qui s'appuie de ce qu'on appelle l'opinion de la nation, de la saine partie de la nation, le vœu public, etc., puis l'autorité qu'on se donne à soi-même, en s'appuyant d'une réputation méritée ou usurpée, d'un emploi éminent qu'on exerce bien ou mal.

« On voit souvent, dit l'auteur, dans les assemblées politiques, des hommes élevés en dignités, qui veulent entraîner les opinions par la confiance qu'ils réclament. Leur probité, l'absence de tout intérêt personnel, leur dévouement connu pour le bien public, voilà ce qu'ils font valoir avec plus ou moins de dextérité contre des mesures de réforme ou contre des lois de précaution qu'ils veulent faire rejeter comme injurieuses à leur caractère. »

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De telles considérations sont des sophismes, non-seulement parce qu'elles sont étrangères au mérite de la question, mais parce qu'elles renferment des assertions qui sont fausses, sans qu'on puisse le prouver. Vous vous dites désintéressé dans la question; et peut-être la faveur dont

vous jouissez dépend de l'opinion que vous soutenez. Vous vous dites désintéressé dans la question; et votre vanité, le plus fort des sentimens de l'homme, celui qui marche devant son intérêt même, est compromise si vous ne réussissez pas !

Quand les antagonistes d'une proposition évidemment utile, ne peuvent la faire rejeter par des motifs d'autorité, ils se contentent de la renvoyer à d'autres temps qui n'arrivent jamais. De là les sophismes que l'auteur appelle dilatoires. Voici comment il les classe :

1o. La mesure n'est pas nécessaire; elle n'est pas réclamée; il n'y a point de vœu manifeste point de murmures; on peut donc rester tranquille. Sophisme du quiétisme.

2o. La mesure peut être bonne, mais le moment n'est pas venu. Il se présentera des circonstances plus favorables. On peut y penser à loisir. Sophisme du délai de pure chicane.

3o. Si l'on adopte la mesure proposée, il faut du moins ne l'exécuter que par degrés. Sophisme de la marche graduelle.

4°. On ne peut réunir tous les avantages à la fois; le mal des uns est compensé par le bien des autres prétexte pour ne pas soulager des maux réels. Sophisme des fausses consolations.

5o. Cette mesure est un premier pas qui mène

plus loin qu'on ne pense. Ceux qui la proposent ne disent pas tout: ils ont des arrière-pensées. Sophisme de défiance.

6o. Ce sont des hommes dangereux; il ne peut rien venir de bon de leur part. Exemples: Tandis que l'infortuné Louis XVI était en jugement, on publia un pamphlet, intitulé: Les Crimes des Rois. Pendant qu'on discutait en Angleterre l'émancipation des catholiques d'Irlande, on publia les Cruautés des catholiques. Ces pamphlets n'étaient que des sophismes, car ils ne pronvaient pas que Louis et les catholiques actuels d'Irlande fussent coupables.

Quelquefois on fait usage du sophisme contraire. Quels hommes sont plus recommandables que ceux qui s'opposent à cette mesure! Elle est repoussée par tout ce qu'il y a d'amis de l'ordre, ou bien du Roi, ou bien de la religion. Tels sont les sophismes dilatoires de la septième classe.

7°. On peut rejeter cette proposition, car il entre dans notre plan de proposer quelque chose de mieux. Sophisme des diversions artificieuses.

Dans la troisième partie de son livre, l'auteur signale les sophismes qu'il appelle de confusion, et qui tendent à brouiller les idées pour qu'on

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