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l'œuvre des donneurs de lois; quand on est revenu à cette première question, que nous fautil? on a fait une expérience.; on a reçu un avertissement. Mais de quel profit sera l'expérience seule ? A quoi servira d'avoir appris que le bien n'est pas où on l'a cherché, si l'on ne se met point à réfléchir sur soi-même pour apprendre où il est ? Au sortir d'un sentier d'erreur, on se laissera engager dans un autre ; et c'est ce qui arrive dans les révolutions. Après de longs efforts perdus, l'homme faible accuse la nécessité et s'endort dans l'attente; l'homme

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» pouvait produire sans le concours des mœurs et des dispositions du siècle.

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» On ne peut contester la réalité de certains établisse» mens faits à Rome et à Sparte; mais il est probable que la constitution de ces deux états dut sa naissance à » la situation et à l'esprit du peuple, et nullement à des » systèmes imaginés par des particuliers. Ceux qu'on re» garde comme les fondateurs de ces nations, jouèrent » seulement le premier rôle parmi la multitude disposée à > embrasser les mêmes institutions. Plusieurs pratiques`, dont on les fait inventeurs, étaient peut-être depuis long-temps en usage, et avaient servi à former leurs » manières et leurs idées comme celles de leurs compa

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p triotes. »

Essai sur l'histoire de la société civile, liv. 3, ch. 2.

généreux s'en prend à lui-même, et se relève, indigné de n'avoir pas assez fait. Il jure de périr dans le travail ; mais qu'il prenne garde; si ce travail où il s'obstine est le même qui déjà l'a trompé, il périra inutilement.

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Vers la fin du dernier siècle, nous éprouvions une sorte de malaise dans notre état so→ cial; en nous observant avec attention, en interrogeant nos besoins, nous eussions découvert d'où venait le mal et d'où viendrait le remède. Mais nous ne nous avisâmes point, de cet examen. Nous étions, à ce qu'on disait, dans une monarchie; nous nous attaquâmes à ce mot; et alors, au lieu de nous promettre que nos besoins seraient satisfaits, et que nos facultés auraient leur liberté, nous résolûmes, pour unique dessein, de sortir de la monarchie. Alors nous fimes ce raisonnement : « Puisque la monarchie nous » est très-mauvaise, le contraire de la monar» chie nous sera très-bon; or, il est certain que » la démocratie est, en tout, l'opposé de la mo»narchie; donc, il nous faut une démocratie. »

A peine arrangés en démocratie, nous fumes tout étonnés d'être plus mal; un second raison« nement venait à propos, nous ne manquâmes pas de le faire : « Si le bien ne peut nous venir » ni de la monarchie, ni de la démocratie qui

» sont deux extrêmes, il faut nécessairement » que nous le trouvions dans un terme moyen,

dans un système composé par moitié de chacun » de ces deux systèmes.» Pleins de confiance dans ce syllogisme, nous organisàmes en hâte un sys-. tème mixte de démocratie et de monarchie. Nous en avons bientôt senti l'effet.....

Ainsi, tout l'effort de notre révolution se faisait pour de vaines formules, et presque pour des jeux de mots; l'intérêt sensible, l'intérêt réel restait oublié. Vainement aurait-on essayé de nous représenter le vide des objets que nous poursuivions; par malheur l'histoire était là, et nous pouvions la charger de parler pour nous, et de confondre la raison. Nous pouvions démontrer que, par le système démocratique, des peuples s'étaient trouvés heureux, et que d'autres peuples l'étaient par le système mixte. Mais il y avait deux questions préalables sur lesquels nous passions à tort. Étions-nous de la même nature que ces peuples? Et quand même, était-ce réellement. de cet appareil systématique bâti sur eux, de cette machine sociale où ils étaient employés comme matériaux, que résultait leur bien être ?

Un cri s'élève de toute l'antiquité ; « La dé» mocratie est la vie de la société, hors de la » démocratie, l'homme civil végète et meurt, »

Ce consentement unanime le de figure

peu

qu'ont fait dans ces temps ceux qui ne pouvaient pas dire: Nous sommes membres du souverain ; tout cela nous a porté à regarder la discipline des Romains et des Spartiates, comme une sorte de loi de la nature humaine à la violation de laquelle s'attachait un malheur infaillible. Tout ce que nous desirions, tout ce qui nous manquait, nous l'attendions de cette discipline. Nous en ressuscitâmes toutes les règles, toutes les formes; nous nous les imposâmes, nous les déclarâmes notre propriété imprescriptible. Pour dompter notre naturel déchu qui s'assujétissait mal à ces pratiques étranges, nous décrétâmes contre nous-mêmes la plus terrible des sentences la démocratie ou la mort.

Mais ce qui passionnait les hommes de l'antiquité, c'était le plein et libre exercice de leurs facultés actives; s'ils aimaient tant leur démocratie, c'est qu'elle les favorisait dans cet exercice. Or, les facultés et les penchans de ces hom-mes étaient loin d'avoir rien de commun avec les nôtres. Dans les circonstances où leur naturel les excitait à l'action, le nôtre nous commande le repos ; où ils n'aimaient pas à agir, l'activité nous est nécessaire. Ainsi, nous avons besoin d'être libres dans les actes où ils pouvaient supporter la

gêne, et nous souffririons d'être contenus où ils ne voulaient aucun frein. Ainsi, leur règle de bien et de mal, de droits et de devoirs, leurs lois de commandement et de défense, pour nous être applicables, auraient dû être tournées en sens contraire. La paix et l'industrie leur étaient interdites, et ils le souffraient volontiers; nous souffririons, nous, qu'on nous interdît la guerre. La défense d'émigrer ne leur pesait point, ils voulaient être attachés à la terre natale; et il faut que nos pas soient libres: car pour eux l'indépendance n'existait que dans les limites de la patrie: au dehors, c'était l'esclavage, au dehors, c'étaient des ennemis; tandis que l'oppression peut nous venir de nos voisins, et la liberté d'ailleurs ; tandis que par-tout il y a pour nous des amis, comme aussi des ennemis.

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Que la cité s'empare de tous les individus et en fasse des fractions d'elle-même; qu'elle réduise un homme qui peut agir personnellement, à l'état de membre passif d'un corps qui le meuve, l'anime, le détruise à son gré; cette presqué-nullité d'existence, si elle n'est pas le seul état où il puisse vivre, sera l'état où il vivra le moins. Qu'on veuille disposer de mes possessions, en régler la quantité et l'usage; si ce n'est pas le seul moyen que je les conserve, c'est un attentat à ma

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