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séance du 27 décembre dernier (1): c'est la reproduction, par le décret de germinal, de textes beaucoup plus anciens, d'ordonnances royales intervenues de 1681 à 1687, de certains arrêts même de la cour des aides de la même époque, où le fiscalisme était poussé à sa plus extrême rigueur, et où la procédure et l'enquête écrite étaient le fondement unique et la base même du procès. Mais, dès 1816, le législateur, s'occupant de codifier, pour la première fois, les lois en matière de boissons et de contributions indirectes, dans cette grande loi de 1816 qui nous régit encore en partie, ajoutait un article 246 final portant que « une loi spéciale déterminerait le mode de procédure relatif aux instances concernant les contributions indirectes. >>

Cette loi, nous l'attendons encore; par contre, les amendes qui en 1816 étaient de 50 à 200 francs, peuvent aujourd'hui s'élever jusqu'à 20.000 francs, 25.000 avec les décimes.

On comprend les protestations qu'une telle rigueur a depuis longtemps fait naitre, aussi n'entrons-nous pas dans le détail des projets et propositions de toutes sortes déposés pour la modifier. Dès l'année 1888, le Parlement (loi du 30 mars de ladite année), votait article 42, l'admission des circonstances atténuantes en matière de contributions indirectes. Il faisait ensuite promulguer la loi de finances du 26 mars 1897, portant, article 19, que la confiscation pourra aussi être modérée en cas de bonne foi reconnue du contrevenant (V. Lois nouv., 97.1.265), et l'article 34 de la loi de finances du 25 février 1901, étendant la réforme ci-dessus dans le cas de contraventions communes à l'octroi et aux contributions indirectes (V. Lois nouv., 1901.1.321). Le 30 octobre 1903 enfin, le ministre des finances lui-même déposait à la Chambre un projet tendant à modifier la législation existante relative aux procès-verbaux des agents des contributions indirectes, et encore des agents des douanes, des forêts, de la pêche fluviale et des octrois dont les actes font foi jusqu'à inscription de faux.

A la séance de la Chambre du 4 décembre 1903, M. Cunéo d'Ornano avait à son tour déposé, avec plusieurs autres sur la matière, l'amendement devenu l'article 24 (2).

Voté et transmis au Sénat où il a été défendu avec zèle et autorité par M. Monis, à la séance du 27 décembre, la commission sénatoriale, qui en avait d'abord demandé la disjonction, l'avait finalement accepté avec une addition qui forme les trois derniers paragraphes (3). Après une discussion des plus vives, la réforme y a finalement triomphé. La preuve par le prévenu est donc désormais admissible, sauf, dans les termes du droit commun, la preuve contraire réservée à la Régie.

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J. off. du 28; Déb. parl., Sénat, p. 1704 et suiv.
J. off. du 5 décembre. Déb. parl., p. 3177.

- J. off. du 28 décembre. Deb. parl., p. 1704.

Tels sont la jurisprudence et le droit actuels: au cas d'un procèsverbal faisant foi jusqu'à preuve contraire des faits qui y sont énoncés, c'est d'abord au prévenu à le combattre par des témoignages ou autres preuves légales, sauf à la partie poursuivante à combattre ces preuves et à corroborer le procès-verbal par une enquête ultérieure.

L'obligation imposée au prévenu de déposer au greffe la liste des témoins qu'il entend faire entendre est également l'application et la synthèse de dispositions similaires de nos codes.

On a considérablement et peut-être un peu obscurément épilogué au Sénat sur les dispositions des paragraphes 2 et 3 de notre article, et sur la question de savoir lesquels, des articles 153 ou 154 C. instr. crim., devaient être considérés applicables. M. Monis a tout d'abord combattu la rédaction du § 3 « si le prévenu est admis à faire cette preuve », comme vicieuse et semblant impliquer a contrario qu'il pourrait ne pas être admis à la faire (1). Or, la preuve est toujours de droit, soutenait-il. Il a critiqué en second lieu le délai imparti de trois jours à partir du renvoi comme insuffisant pour permettre au prévenu de voir son conseil et de fournir une liste utile de ses témoins, mais on lui a opposé le danger de la fraude et des témoignages de complaisance.

Sur le premier point, on sait que le texte définitif porte : « Si le prévenu demande », modification de pure forme, à proprement parler, puisque, dans le droit commun antérieur auquel on se réfère, les règles de la preuve sont depuis longtemps établies. En fait, donc, la preuve sera presque toujours admise, ce qui ne veut pas dire qu'en droit elle ne puisse être rejetée si elle apparait inutile et si la conscience du juge se trouve suffisamment éclairée. L'admission de la preuve est en effet facultative pour lui (2).

Quant aux dispositions qui font l'objet de la disposition abrogative, ce sont 1° l'article 8, loi du 27 frimaire an VIII, qui accorde aux procès-verbaux des agents la foi jusqu'à inscription de faux ; 2o les articles 25 et 26, décret du 1er germinal an XIII, relatifs à l'affi rmation

1. Le texte proposé au Sénat était ainsi rédigé:

« Si le prévenu est admis à faire cette preuve, le tribunal renverra la cause à quinzaine au moins.

<< Dans les trois jours de l'audience où la preuve contraire a été admise, le prévenu devra déposer au greffe la liste des noms et prénoms, profession et domicile de ses témoins. >>

<< Sont abrogés les article 8 de la loi du 27 frimaire an VIII, 25 et 26 du décret du 1er germinal an XIII et 3 de la loi du 21 juin 1873. » 2. V. Rép. encyclop. du Dr. fr., v Impôts indirects, n° 1030, avec les arrêts de la cour de Cassation du 2 février 1816 (S. chron.), et du 4 février 1825 (S. chron.).

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des procès-verbaux'; et 3° l'article 3 de la loi du 21 juin 1873, qui a repris le texte du décret du 1er germinal.

Ce qui a été dit des agents des contributions indirectes s'applique aux procès-verbaux des agents des octrois.

Quant à la rétroactivité, nulle difficulté: la loi nouvelle, texte pénal plus favorable que l'ancien, devra s'appliquer, dès sa promulgation, aux procès-verbaux non jugés et à l'ensemble des procédures en cours. Animaux tuberculeux. - Abatage.

8. (art. 26).

Enfin, l'article 26 statue ainsi :

Indemnités

Art. 26. L'article 82 de la loi du 30 mars 1902 est remplacé par les dispositions suivantes :

< Les indemnités prévues par la loi de finances du 30 mai 1899, dans le cas de saisie de viande et d'abatage d'animaux pour cause de tuberculose, seront allouées:

« 1° Aux propriétaires qui se sont conformés aux lois et règlements sur la police sanitaire;

< 2° Aux propriétaires qui ont, soit directement, soit par l'entremise d'intermédiaires, envoyé leurs animaux dans un abattoir public ou dans un abattoir privé placé sous la surveillance permanente d'un vétérinaire agréé par le préfet du département et qui ont à supporter le préjudice résultant de la saisie.

<3° Aux propriétaires qui ont envoyé leurs animaux dans une tuerie quelconque, s'ils ont requis avant l'abatage, la visite du vétérinaire qui a opéré la saisie en qualité de vétérinaire agréé par le préfet du département.

Il n'est pas un seul éleveur, a dit sur ce point M. Vigouroux, l'auteur de l'article additionnel passé dans la loi, à la 2o séance de la Chambre du 4 décembre 1993 (1), « Il n'y a pas un seul éleveur qui ne soit exposé aux inconvénients qui résultent du fonctionnement de la loi sur la police sanitaire des animaux. Les indemnités prévues par la loi en faveur des propriétaires de bestiaux dont la viande a été l'objet d'une saisie totale ou partielle, pour cause de tuberculose, leur sont très rarement accordées, parce qu'ils ignorent, la plupart du temps, les formalités légales. »

Il faut donc, d'accord avec le ministre, remédier à cette situation. L'article 82 de la loi de finances du 30 mars 1902 est ainsi conçu :

<< Les indemnités prévues par la loi de finances du 30 mai 1899 seront allouées au propriétaire de tout animal sacrifié dans un abattoir public,

1. — J. off. du 5 décembre; Déb. parl., p. 3184.

Lois nouvelles, 1904, 1r partie.

Revuc de législation

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dont la viande aurait été l'objet d'une saisie totale ou partielle, pour cause de tuberculose, de la part du vétérinaire chargé de l'inspection de l'abattoir ».

Pourquoi, a dit à son tour, M. Castillard, pourquoi refuser le bénéfice de cette disposition aux éleveurs et aux agriculteurs qui n'ont pas envoyé directement » leurs bestiaux dans un abattoir public?

L'exigence de cet envoi direct est injustifiable. Les agriculteurs, pour la plupart, sont éloignés des gares de chemins de fer et des grandes villes; ils n'ont pas de relations avec les bouchers de ces villes; de plus, ils n'ont pas l'habitude des expéditions de bestiaux par voie ferrée; ils sont pour ainsi dire dans l'impossibilité de faire des envois isolés et directs qui, d'ailleurs, entraîneraient des frais trop élevés.

Aussi, est-il d'usage, dans nos campagnes, de recourir à l'entremise de commissionnaires qui passent périodiquement dans les villages et qui expédient les animaux par groupes, c'est-à dire avec des frais moindres, à des correspondants qu'ils ont dans les villes où l'abatage doit avoir lieu.

En conséquence, j'ai déposé un article additionnel à la loi de finances pour modifier l'article 82 et pour spécifier expressément que l'indemnité est due, soit que l'envoi ait été direct, soit qu'il ait eu lieu par l'entremise d'intermédiaires.

D'autre part, si, dans le but d'enrayer le développement inquiétant de la tuberculose, la Chambre actuelle veut, comme la précédente, inciter les propriétaires à soumettre la viande de leurs bestiaux à une inspection avant qu'elle soit livrée à la consommation, il lui apparaitra clairement qu'il ne suffit pas d'accorder une indemnité aux propriétaires qui font abattre leurs animaux dans un abattoir « public », car les abattoirs publics sont relativement peu nombreux, mais qu'il faut, en outre, assurer une indemnité aux propriétaires qui envoient leurs animaux dans les abattoirs « privés » placés sous la surveillance permanente d'un vétérinaire agréé par le préfet du département, ainsi qu'aux propriétaires qui font abattre leurs bestiaux dans une << tuerie quelconque », quand ils ont requis, avant l'abatage, la visite du vétérinaire sanitaire agréé par le préfet du département.

En effet, dans ces deux cas, on a une garantie égale à celle qu'offre l'abattoir public.

C'est pourquoi, dans l'article additionnel à la loi de finances que j'ai déposé, j'ai encore modifié en ce sens l'article 82 de la loi de finances du 30 mars 1902 qui était incomplet et insuffisant.

L'article additionnel a été immédiatement adopté.

H. Chevresson.

Avocat à la Cour d'appel de Paris

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La Loi d'amnistie du 30 décembre 1903.

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V. Sénat, 8 décembre; J. off. du 9 décembre 1903, p. 1477.

Ch. des dép., 1re séance du 29 décembre: J. off. du 30 décembre. Déb.
parl., p. 3423 et s.

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