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rattachant à, sont aussi larges et compréhensives que possible. La théorie complète de l'amnistie ayant été donnée aux Lois nouvelles à propos de la loi du 27 décembre 1900, qui contenait une disposition de même nature, nous n'insisterons pas actuellement sur le sens de ces deux expressions (1). C'est, en définitive, comme en 1895, comme en 1900, le bénéfice de l'amnistie accordé à tous les faits sans distin ction, pouvant se relier à une grève, quelle que soit leur qualification pénale.

Toutefois, si compréhensive qu'on l'admette, cette loi aurait-elle pour conséquence, comme on a semblé un moment l'entendre dans les sphères gouvernementales, d'entraîner la relaxe de tous les individus arrêtés, à des titres divers, pendant les troubles consécutifs à la grève ou prétendue grève de l'alimentation à Paris? Une telle interprétation apparaîtrait excessive. Il a été commis pendant cette période, par des individus absolument étrangers à l'alimentation, des infractions: larcins, bris de glaces, etc., qui ne peuvent que constituer, en ce qui les concerne, des délits de droit commun.

Et pour les individus mêmes visés au texte, l'action civile d'abord étant réservée contre eux, n'y a-t-il pas des distinctions et des réserves à faire. Peut-on dire, par exemple, qu'il y ait eu à Paris, au sens exact du mot, véritable grève du personnel de l'alimentation ou des boulangers? Ainsi en a décidé la Chambre dans la séance du 29 décembre 1903, mais le contraire avait été proclamé par le garde des sceaux lui-même : « Il n'y a pas, ainsi s'est-il expliqué, de grève des boulangers.... Il y a eu des tentatives faites pour amener la grève, mais la grève n'existe pas. On a arrêté un certain nombre d'individus: ce sont presque tous des gens sans aveu, des vagabonds et des repris de justice qui brisent les carreaux, pillent les boutiques et s'emparent des victuailles. Une instruction est ouverte en ce moment dans le but de découvrir quels sont les instigateurs de ces provocations et de ces délits. Le gouvernement estime, en tout cas, que l'amnistie ne peut s'appliquer à des faits qui ne sont connexes à aucun mouvement gréviste ». (Ch. des dép., 29 décembre 1903; J. off. du 30 décembre, déb. parl. no 3427).

1. — V. G. Bonnefois, Commentaire de la loi du 27 décembre 1900 sur l'amnistie (Lois nouv., 1901.1.1; v. notamment p. 25, sur la connexité, et 46 (faits de grèves et faits connexes).

REVUE DE LÉGISLATION

Attributions et Pouvoirs des Liquidateurs des Biens

DES CONGREGATIONS RELIGIEUSES

Doctrine et Jurisprudence.

CHAPITRE Ier. Pouvoirs et attributions des liquidateurs.

1.

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Exposé de la question. Avant d'entrer dans aucun des détails que comporte cette étude, il est bon de se replacer en face du texte législatif dont elle sera le développement et l'interprétation. L'article 18 de la loi du 1er juillet 1901 est ainsi conçu dans la partie qui doit nous occuper :

<< La liquidation des biens détenus par elles (par les Congrégations << non autorisées, soit par refus d'autorisation, soit parce qu'elles n'auraient fait aucunes diligences à l'effet de l'obtenir), aura lieu en justice. Le Tribunal, à la requête du Ministère public, nommera < pour y procéder un liquidateur qui aura, pendant toute la durée de < la liquidation, tous les pouvoirs d'un administrateur-séquestre ».

Il résulte de ce texte que le mandataire de justice qui sera désigné comme liquidateur, réunira en outre en sa personne la double qualité de séquestre, qui lui permettra d'opérer une main-mise générale et immédiate sur tous les biens à liquider, et celle d'administrateur qui lui donnera le pouvoir, pendant les opérations de la liquidation, de faire tous actes de gestion qui lui permettront de tirer le meilleur parti de la masse à liquider.

Tels sont ses pouvoirs généraux.

Quels droits spéciaux lui confère chacune des trois qualités dont il est investi?

Quels sont les devoirs ou les obligations corrélatives à ces droits? Quels sont les biens sur lesquels pourra s'exercer la main-mise légale que le texte ci-dessus a consacrée au profit du liquidateur?

Lois nouvelles 1904. 1r partie. Revue de Législation

3

2. - Pouvoirs du liquidateur en tant que séquestre. Comme séquestre d'abord, le liquidateur devient un véritable dépositaire de tout l'actif mobilier et immobilier des Congrégations; sa situation est régie par les articles 1961 et suivants du Code civil; l'universalité de leur patrimoine passe entre ses mains avec l'obligation de veiller à sa conservation et de faire tous les actes d'administration courante que comporte cette conservation à laquelle il doit donner, aux termes de l'article 1962 du Code civil, « tous les soins d'un bon père de famille ». C'est la règle précise dont il doit s'inspirer; la jurisprudence de la Cour de cassation, malgré les libertés que la pratique a des tendances à prendre avec la loi, ne lui reconnaît pas de pouvoirs plus étendus (Cass. 14 nov. 1883. Sir. 85-1-123).

Dans certains cas exceptionnels où tel état de choses exigerait des dépenses urgentes et importantes, des actes d'aliénation par exemple pour les matières sujettes à dépérissement ou pour des valeurs exposées au discrédit,il lui faut le consentement des parties pour demeurer dans la stricte légalité; s'il se heurte à un refus, il devra s'adresser par voie de référé au Président du Tribunal, qui, en présence du péril et de l'urgence, pourra l'habiliter à passer certains actes limitativement déterminés; et encore ce magistrat ne devra-t-il user de cette faculté qu'avec la plus grande circonspection et pour éviter un danger qui lui apparaîtrait comme imminent ou un préjudice qui se révélerait comme certain et irréparable.

« Le juge est lui-même limité par la nature du mandat qu'il donne << au dépositaire : c'est à titre de mesure conservatoire qu'il (ici c'est << la loi elle-même) met les biens sous séquestre, et cette mesure doit << concilier les divers intérêts des parties en litige.

<< D'un autre côté, les droits des tiers sur les biens séquestrés res<< tent entiers. Le juge ne peut pas y porter atteinte: tel est le prin<< cipe. L'application dépend des circonstances de la cause. » (Laurent. T. XXVII, p. 201).

3.

Pouvoirs du liquidateur en tant qu'administrateur. — C'est en sa seconde qualité, c'est comme administrateur, que le liquidateur a le droit de faire toutes les diligences et de passer tous les actes dont le sens, le caractère et le résultat rentrent dans la notion de l'administration; on ne peut qu'en donner une énumération purement énonciative, ces actes pouvant varier indéfiniment suivant les exigences mêmes de la chose à gérer: banque, exploitation industrielle ou agricole, établissement charitable ou d'enseignement, etc.. ; on peut citer l'encaissement des revenus, le paiement des dettes, la gérance des immeubles avec les réparations d'entretien qu'ils peuvent exiger, ou les dépenses d'exploitation nécessitées par leur fonc

tionnement et répondant à leur destination et à leurs fins, la passation des baux, la perception des loyers, le paiement des charges, le recouvrement des créances, les poursuites en justice, la défense aux actions des tiers, etc.. etc...

A de tels actes s'arrêteraient les pouvoirs de l'administrateur, s'il ne joignait que ce seul titre à celui de séquestre ; car la décision judiciaire qui le nomme, ne précisant pas sa mission par le détail des pouvoirs qui lui sont attribués, il se trouverait, quant à l'étendue de ces pouvoirs, circonscrit dans les limites de l'article 1988 du Code Civil qui dispose que « le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration ».

C'est ainsi qu'il ne pourrait, par exemple, consentir que des baux de courte durée, en se conformant à l'usage des lieux et en tenant compte de la nature et de la destination des immeubles; il ne pourrait en aucun cas passer aucun bail d'une durée supérieure à neuf années, la lui se refusant invariablement à considérer des baux de ce genre comme des actes d'administration (art. 595, 1429, 1430, 1718 du Code civil).

Il lui serait également et a fortiori interdit d'aliéner, d'emprunter, d'hypothéquer et de transiger; nous ne voulons point parler, bien entendu, des aliénations courantes qui conservent le caractère d'actes d'administration, mais bien des aliénations importantes qui font sortir du patrimoine des valeurs mobilières ou immobilières représentant des sommes élevées, telles qu'un fonds de commerce, un immeuble, des valeurs de bourse, des titres industriels, etc., etc.

4.- Pouvoirs du liquidateur en tant que liquidateur judiciaire. Mais tous ces actes qui seraient interdits au mandataire de justice s'il n'était qu'administrateur,lui sont permis, parce qu'il est en même temps liquidateur avec les pouvoirs étendus que comporte essentiellement cette qualité, qu'elle soit conférée par des parties, par décision de justice ou par la loi. Le liquidateur se trouve, soit par l'investiture qu'il tient de la loi, soit par substitution aux parties, posséder toute la capacité dont celles-ci ont été dépouillées soit spontanément, soit par contrainte et peut faire, sans obligation de recourir à aucune autorisation, dont les parties ou la loi l'ont implicitement dispensé, tous les actes d'aliénation nécessaires pour conduire à fin sa liquidation, apurer ses comptes et opérer entre tous les ayants droit la répartition des droits ou des charges.

Ainsi donc, détenir, administrer et aliéner en vue d'une liquidation finale, tel est le rôle assigné par l'article 18 pré-rappelé au mandataire légal, désigné à chaque congrégation qui ne se trouve pas en règle avec la loi.

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C'est le cas maintenant d'examiner une question d'un intérêt capital au point de vue de l'application de la loi de 1901, question toute d'actualité, que l'initiative éclairée des liquidateurs a déjà soumise à l'appréciation de la justice et qui a été diversement solutionnée par les différentes juridictions qui ont été appelées à en connaître. Sur quels biens peut s'étendre la main-mise du liquidateur? Sur quel critérium devra-t-il se fonder pour reconnaître le patrimoine sur lequel devra porter son entrée en possession? que va comprendre son séquestre et à quoi s'appliquera son administration ?

CHAPITRE II. — Des biens auxquels s'étend la liquidation.

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1. Des biens détenus. Esprit de la loi. — La législation, dans le texte pré-rappelé, réservant toutes les questions de propriété pour être tranchées ultérieurement par les voies ordinaires et par les juges compétents, a établi une présomption aux termes de laquelle le détenteur apparent,c'est-à-dire la congrégation,quand elle détiendrait par l'intermédiaire de ses membres, serait provisoirement réputée propriétaire, et les biens ainsi« détenus » seraient soumis à la liquidation, sauf les droits de tous intéressés, qui pourraient être exercés par la suite contre le liquidateur dans un délai déterminé sous forme d'action en revendication ou par tout autre mode de recours.

Ainsi donc c'est la « détention » qui constituera le signe unique au moyen duquel le liquidateur reconnaîtra les biens à faire d'ores et déjà rentrer dans la masse, sous réserve des actions qui pourront un jour les en faire distraire. En s'arrêtant à ce terme à signification bien déterminée, le législateur a eu pour but de conjurer toutes les difficultés qui dès le début auraient été soulevées à l'encontre du liquidateur, s'il avait dû ne s'emparer que des biens sur lesquels la congrégation exerçait un droit manifeste de « possession » juridique ou de propriété ; la liquidation se serait en effet, on peut presque dire dans tous les cas, trouvée en présence du néant, à raison de tous les actes et des procédés artificieux et compliqués que, depuis plus de vingt ans, les congrégations, avec l'aide de leurs conseils éclairés, ont imaginés pour masquer, sous des apparences juridiques, irréprochables en la forme, leur situation irrégulière et dissimuler, au moyen de prêtenoms ou de sociétés qui sont autant de fictions, leur véritable qualité de propriétaire. La loi a décidé que partout où se trouveraient les congréganistes avec un rôle et une situation qui les feraient considérer comme détenteurs, il y aurait lieu, sans avoir à se préoccuper au début de rechercher pour le compte de qui ils possèdent et même s'ils pos

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