Page images
PDF
EPUB

remboursement de la dépense qui reste à la charge de l'administration pénitentiaire, en vertu du paragraphe 2 de l'article 5. »

3.- Pupilles vicieux et pupilles seulement indisciplinés ou difficiles. - Considérations générales et définitions. — La loi s'occupe tout d'abord, dans ses articles 1 et 2, du régime des pupilles indisciplinés ou indociles, au regard desquels une éducation séparée et certains moyens spéciaux ont été reconnus nécessaires, et ensuite des pupilles vicieux à proprement parler. Elle introduit tout d'abord entre ces deux catégories d'enfants une distinction de fond qui domine tout le système, mais qui a subi dans son élaboration législative des modifications qu'il importe de signaler et de bien préciser avant tout.

Aux termes de l'article 27 du projet de loi de 1892 (1) « est réputé difficile le pupille qui, à raison de ses défauts de caractère, ne peut être confié à une famille ». Il s'agit, écrit M. Th. Roussel dans son rapport du 8 juillet 1898 (p. 159), de cette première catégorie de pupilles qui, à raison de leur paresse et de leur indiscipline, se font renvoyer par les nourriciers ou par les patrons, qu'on ne sait aujourd'hui comment réformer, qu'on ne sait même où placer...des pupilles encore à la compagnie habituelle desquels il serait difficile d'exposer des camarades, parce que sans être pervertis au fond, ils portent encore une trop forte empreinte des milieux mauvais dont ils ont été tirés. Ces derniers peuvent être encore assez facilement réformables, sans être encore plaçables dans des conditions normales. Aussi, pour cette première catégorie, le projet de loi de 1892 et le rapport de la commission du Sénat de 1898 avaient-ils institué, sans difficulté, les établissements d'observation et d'éducation tels que les entend aujourd'hui l'article 1er de la loi (2).

1. — Il a été dit que cet article 27, ainsi que l'article 26, ont été disjoints pour former le texte séparé de la loi actuelle.

2. Article 27 du projet de 1892. - << Dans un délai de dix années, à partir de la promulgation de la présente loi, des établissements d'observation et de préservation seront créés par les départements en faveur des pupilles difficiles. Deux ou plusieurs départements peuvent s'unir, conformément aux articles 89 ét 90 de la loi du 10 août 1871, pour fonder et entretenir en commun un semblable établissement.

Les règlements de ces maisons seront approuvés par le Ministre de l'Intérieur, après avis du Conseil supérieur de l'Assistance publique. Les placements seront effectués par le tuteur, après avis conforme du conseil de famille.

Jusqu'à la création de l'établissement départemental, le pupille difficile ne pourra être placé que dans les Etablissements dont la liste sera arrêtée chaque année par le Ministre de l'Intérieur. »

Mais en ce qui concerne les pupilles vicieux à proprement parler, les divergences ont été plus vives et plus remarquables, les modifi cations introduites au texte primitif au cours de l'élaboration de la loi.

--

Est réputé vicieux, article 26 du projet de 1892 << le pupille qui, par des actes d'immoralité, d'improbité ou de cruauté, donne des sujets de mécontentement graves. »

Après avoir défini cette deuxième catégorie de pupilles, le projet instituait, pour leur redressement, un régime analogue à celui de la correction paternelle telle que la règlent les articles 375 et suivants du Code civil, dont on a montré précédemment (suprà, § 2) les incon-, vénients et les lacunes en notre hypothèse spéciale (1).

Aussi la commission sénatoriale, dans son rapport du 8 juillet 1898, condamne-t-elle formellement ce recours au régime de la détention,, soit dans les maisons d'arrêt, soit dans les établissements de jeunes détenus, avec la promiscuité et les autres dangers qu'elle implique. « Il est reconnu depuis longtemps par les magistrats, dit-elle, que l'application défectueuse des mesures de correction du titre IX du, Code civil et la défaveur causée par leur insuffisance ont une influence considérable sur le développement du délaissement, du vagabondageet de la perdition' morale des enfants des classes malheureuses. (Rapport, p. 156).

Statuant sur l'article 26 du projet, le Sénat a donc substitué, au système de la détention correctionnelle, le système infiniment mieux approprié et plus flexible de la remise à l'Administration pénitentiaire. Quelques critiques qu'elle ait pu encourir au début, c'est encore cette administration qui, par ses moyens d'action, par le nombre et la diversité des types d'établissements de préservation, publics ou privés, qu'elle a successivement créés ou mis en œuvre, offre les garan

ރ

1. Article 26 du projet de 1892. « Lorsque l'application à un pupille vicieux de l'article 468 du Code civil a lieu pour la seconde fois, le président du tribunal civil de la résidence de l'enfant peut, à la requête du tuteur, présentée après avis conforme du conseil de famille, décider que l'enfant sera maintenu dans l'établissement correctionnel pendant une période qui ne pourra excéder six mois.

A l'expiration du délai, le Président du tribunal peut ordonner la maintenue pendant une période de six mois; la décision intervient à la ' requêté du tuteur, après avis conforme du conseil de famille, sur le vu d'un rapport du directeur de l'établissement, et, si elle est jugée utile, après la comparution de l'enfant.

En vertu de décisions semestrielles prises dans les mêmes formes, la maintenue peut être prolongée jusqu'à la majorité du pupille.

Le pupille détenu peut toujours réclamer contre son internement. dans les conditions du deuxième paragraphe de l'article 382 du Code civil. »

ties les plus sûres pour le redressement des pupilles. S'agissant des plus réfractaires, l'administration des Enfants assistés de la Seine, en dehors de ses propres établissements, a pris depuis longtemps l'habitude de recourir à cet auxiliaire. La loi nouvelle généralise heureusement cette pratique en l'étendant à tous les services départementaux et en en réglant comme il sera dit ci-après l'application et le fonction

nement.

[ocr errors]

4. Première catégorie. Régime préventif. Le placement des pupilles de la première catégorie, la plus nombreuse de beaucoup, de ceux, dit l'article 1er « qui, à raison de leur indiscipline ou de leurs défauts de caractère, ne peuvent être confiés à des familles », sera ordonné, qu'il soit provisoire ou définitif, au rapport de l'inspecteur départemental, sur la seule décision du préfet les exigences formulées dans l'article 2, en effet, seraient ici sans objet. Quant aux conditions et délais d'exécution de la loi sur ce point et à la question financière, on se reportera aux articles 3 et 4.

Les écoles sont départementales ou privées : dans la première classe, citons les écoles d'Aumale (Seine-Inférieure), l'asile de l'Epine (Marne)

Mettray et Sainte-Foy, dans la seconde. Contrairement aux vues du projet primitif, l'action de l'État ne se manifeste plus que pécuniairement et administrativement parlant.

Pour les associations de bienfaisance et les établissements privés, c'est avec raison qu'on exige l'approbation par le ministre de l'Intérieur de leurs statuts, règlements et locaux il s'agit d'éliminer les entreprises philanthropiques seulement en apparence, qui pourraient être tentées de spéculer sur le travail ou sur l'entretien de leurs pensionnaires. La confection d'une liste annuelle toujours modifiable des établissements admis répond à la même préoccupation.

L'enseignement sera soit agricole, soit industriel, formule large qui laisse une marge suffisante à l'utilisation des aptitudes individuelles. Quant au régime intérieur, sous la réserve des questions d'ordre général de placement, de surveillance et d'éducation morale ou professionnelle qui seront réglées par décret d'administration publique, la loi n'impose aucune réglementation: il importe de laisser aux éducateurs le libre choix de leurs expériences et de leurs méthodes (1).

1. - On peut citer comme type la colonie de Melleville d'abord et ensuite l'école de réforme d'Aumale. Cette école a été aménagée pour recevoir 150 à 200 élèves; les pupilles y sont divisés par catégories. A son entrée dans l'établissement, l'indiscipliné est placé dans un quartier séparé, il n'a aucun contact avec les autres élèves; une fois amendé, il est admis dans une autre catégorie où son sort est meilleur, où il jouit d'une liberté plus grande. Le troisième stade est

En thèse générale, l'outillage ainsi compris apparaît, dans sa variété, comporter deux principaux types ou degrés d'établissements: l'école professionnelle au premier degré (industrial school des Anglais), simple établissement scolaire et professionnel au régime plus ou moins spécial; l'école de préservation (reformatory school), pour les indisciplinés dont le caractère est plus malaisé. Le régime et la discipline, dans tous les cas, seront toujours préventifs; il ne s'agit ici ni d'une prison, ni de l'antichambre d'une prison, ni même d'une colonie agricole dans le sens de l'article 2.

[ocr errors]

Art. 2. « Lorsqu'un pupille de l'Assistance, par des actes d'immoralité, de violence ou de cruauté, donne des sujets de mécontentement très graves, le Tribunal civil peut, sur le rapport de l'inspecteur des enfants assistés, et sur la demande du Préfet dans les départements ou du Directeur de l'Assistance publique de Paris dans la Seine, décider sans frais qu'il sera confié à l'administration pénitentiaire.

L'administration pénitentiaire le recevra dans un de ses établissements ou quartiers d'observation et l'y maintiendra jusqu'à ce que les renseignements recueillis et le résultat de l'observation permettent de décider s'il doit être placé dans une colonie ou maison pénitentiaire ou dans une colonie correctionnelle.

représenté par un séjour plus cu moins prolongé à la ferme. Un quatrième quartier est offert aux pupilles infirmes utilisés dans l'établissement en même temps qu'aux élèves en instance de placement. Une forge, un atelier de maréchalerie, de charronnage ont été annexés à la ferme devenue un véritable établissement modèle.

En dehors de ces travaux professionnels, les élèves sont instruits par l'instituteur; des lectures, des conférences leur sont faites au moins deux fois la semaine. Des exercices de gymnastique occupent une partie des récréations; de longues promenades sont faites en dehors de l'établissement. Les récompenses accordées sont: l'éloge, les bons points, l'inscription au tableau d'honneur, les gratifications en argent ou en nature, l'attribution des grades. Les seules punitions autorisées sont les suivantes: le blâme, les mauvais points, les corvées hors tour, la privation des récréations, l'exclusion de la promenade, la perte des grades, la suppression des gratifications, l'isolement en chambre individuelle avec travail obligatoire. Toutes les punitions sont prononcées par l'instituteur sur le rapport des surveillants, à l'exception toutefois de la privation de promenade, de la perte des grades, de la suppression des gratifications et de la mise en cellule, qui ne peuvent l'être que par le directeur. (Rapport du 2o Congrès national d'assistance de Rouen 1897, tome 11, p. 142 et suiv.)

Le Préfet peut, d'après les résultats obtenus et sur la proposition de l'inspecteur des enfants assistés, mettre fin au placement et opérer le retrait du pupille.

Les dépenses occasionnées par le pupille et les frais de son entretien dans le service pénitentiaire sont imputés, pour chaque pupille, sur le crédit des enfants assistés du département auquel il appartient. Ces dépenses sont obligatoires pour ce département. »

5.

Deuxième catégorie.

Régime répressif. L'envoi en correction d'un pupille, même vicieux, ne saurait être entouré de trop de garanties. Aussi au lieu d'être abandonné, comme le placement professionnel des enfants de la première catégorie, à la seule initiative et à l'arbitraire du préfet, l'article 2, remanié pour mieux indiquer la différence existant entre ces deux hypothèses (1), commence par stipuler que cette mesure extrême ne pourra être prise, sur le rapport de l'Inspecteur des Enfants assistés et sur la demande du préfet, que par le tribunal, dont la décision sera rendue sans frais. Encore la Chancellerie a-t-elle pris soin de recommander aux tribunaux la plus grande prudence dans l'application de cette disposition de la loi, l'envoi à l'Administration pénitentiaire ne devant être autorisé que dans les cas absolument exceptionnels, une fois épuisés les moyens ordinaires et extraordinaires de traitement moral des indisciplinés et des réfractaires. D'autre part le Préfet, seul cette fois, conserve toujours le droit de mettre fin à ce placement en opérant le retrait du pupille (§ 3).

Le directeur de l'Assistance publique de Paris aura les mêmes pouvoirs que le Préfet dans les départements : c'est une application de la loi organique, précédemment commentée, du 27 juin 1904.

L'enfant sera placé et maintenu par l'Administration pénitentiaire dans un de ses établissements ou quartiers spéciaux, jusqu'à ce que les renseignements recueillis et cette observation même aient permis de décider s'il devra être placé dans une colonie pénitentiaire ou dans une colonie correctionnelle. Les deux types de colonies dont s'agit sont une création de la loi du 5 août 1850, laquelle n'avait pas laissé, à l'origine, de donner lieu à certains mécomptes. Mais des améliorations considérables ont été réalisées par l'Administration, depuis cette loi, dans l'outillage et dans le régime de ces établissements spéciaux,

1. Le projet primitif portait : « Le Préfet peut, sur le rapport de l'Inspecteur des Enfants assistés et avec l'autorisation du tribunal civil, décider.... etc. >

« PreviousContinue »