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vertu de celle de 1904, aucune des situations possibles même en dehors, s'il s'en trouve encore, de celles que nous avons fait ressortir, ne pouvant échapper à l'exécution radicale voulue par le législateur.

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Section III. Exceptions en faveur de certaines écoles ou classes spéciales. Conditions auxquelles elles sont soumi

ses.

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Des raisons d'humanité sur lesquelles il n'est pas nécessaire d'insister ont décidé le Gouvernement, puis la Commission et le Parlement ensuite, à édicter, sous certaines conditions, quelques exceptions au principe général de fermeture des établissements d'enseignement congréganiste.

Aux termes de l'article 3-2°, ne seront pas soumis à la fermeture les divers << services scolaires... relevant d'une des congrégations visées << par le paragraphe 4 de l'article 1'» (celles qui ont été autorisées à la fois pour d'autres objets et pour l'enseignement), « uniquement des<< tinés à des enfants hospitalisés auxquels il serait impossible, pour des << motifs de santé ou autres, de fréquenter une école publique. »

Il faudra, pour être admis à bénéficier de la dispense, que le service en question relève d'une des congrégations précisées, c'est-à-dire qui, s'occupant d'enseignement et ayant en même temps un autre objet, étaient régulièrement autorisées pour leur double objet statutaire.

11 n'y aura donc pas lieu de faire rentrer dans l'exception prévue les écoles ou classes appartenant à des congrégations plus ou moins irrégulières de la nature de celles que nous avons passées en revue ci-dessus (Voir ci-dessus, titre II du présent chapitre). Ces différentes congrégations, en effet, ont un fonctionnement irrégulier; elles ne sont pas autorisées pour les différents objets auxquels elles se sont abusivement étendues et, en présence du texte formel de l'article que nous étudions, elles ne sauraient exciper d'aucun droit à la faveur qui y est énoncée et qui, nous le répétons, n'a été réservée que pour les situations exemptes de toute irrégularité.

Il faudra en second lieu que les établissements favorisés aient été fondés uniquement et exclusivement pour les services prévus, qu'ils aient strictement conservé leur destination primitive et que l'enseignement n'ait pas été étendu à d'autres enfants que ceux qui sont hospitalisés et infirmes; il ne faudrait pas que, dans ces classes spéciales eussent été reçus, par exemple, des enfants pauvres ou autres de la localité admis dans les classes au même titre que les jeunes malades et recevant le même enseignement dans les mêmes conditions de lieu, de groupement, etc...; des établissements mixtes de ce genre ne

répondent pas à l'idée dont s'est inspiré le législateur, qui a fortement précisé sa pensée en stipulant qu'il entendait ne réserver ses faveurs qu'à ceux seulement qui assureraient l'instruction uniquement aux enfants hospitalisés; tous autres services qui ne rempliraient pas cette condition essentielle subiront donc la loi commune.

Pourrait-on s'imaginer que, sous le couvert et à la faveur de cette disposition restrictive, la loi a entendu autoriser ou a pu faciliter la création d'écoles ou de classes ou d'orphelinats dans les hospices dirigés par les congréganistes, et aurait ainsi manqué plus ou moins le but qu'elle voulait atteindre? Nous ne le pensons aucunement; tous services scolaires annexés à des hospices ne seront pas maintenus à raison seulement de cette annexion; il faudra que la population d'enfants qui occupe uniquement ces services soit composée d'enfants qu'on a jugé nécessaire d'hospitaliser dans des conditions << exceptionnelles, soit pour cause de santé, soit en raison d'infirmités << qui exigent un mode d'éducation spéciale, soit à titre pénitentiaire, << soit en vue d'apprentissages professionnels et techniques », et qui, par conséquent, ne peuvent, suivant le texte même, fréquenter une école publique, soit parce que, à raison de leurs tares ou de leurs infirmités physiques ou morales, ils ne pourraient pas s'y transporter ou même y être transportés dans des conditions ordinaires de commodité et de sécurité, soit parce qu'ils n'y trouveraient pas les ressources qu'exige l'enseignement tout spécial qui s'accorde avec les infirmités qui ont plus ou moins paralysé leurs facultés physiques ou intellectuelles.

<< Dans ces divers cas et dans ceux que pourra déterminer le régle<ment d'administration publique prévu pour l'application de la loi, << les enfants dont il s'agit ne pouvant fréquenter, sans inconvénients, << une école située en dehors de l'établissement où ils sont recueillis, il « est nécessaire que l'établissement lui-même leur donne l'instruction < obligatoire.

<< Mais il doit être bien entendu qu'il faut une raison particulière qui justifie cet isolement. Orphelins, enfants abandonnés, enfants d'indi< gents ou de parents indignes, ont droit autant que tous les autres à << l'école publique, et ils en ont peut-être encore plus besoin. Le Gou<< vernement a insisté pour que ce principe fût explicitement consacré < par la loi ».

(Rapport Buisson, p. 43 et 44).

Il résulte de ces considérations qui dégagent si nettement la préoccupation charitable et humanitaire du législateur, que désormais l'autorisation de diriger un orphelinat ne devra plus être « accordée à des << congrégations qu'à la condition qu'elles feront, à moins d'empêche<ment par force majeure, fréquenter à leurs pensionnaires l'école < publique. Elles ne seront plus, en aucun cas, autorisées à parquer

<ces groupes d'enfants déshérités dans ces sortes de classes de rebut << qu'on appelle encore en certains endroits « classes des pauvres » ou <<< classes de charité. »

(Rapport Buisson,... id.).

CHAPITRE III.- Des congrégations envisagées au point de vue de leurs biens. Quelles congrégations doivent être pourvues d'un liquidateur.

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TITRE I

Discussion générale. - Nomination d'un liquidateur.

Après avoir résolu la suppression des congrégations enseignantes dans les conditions que nous venons d'examiner, après avoir décidé du sort de leurs établissements, le législateur s'est à bon droit préoccupé de régler le sort de leur patrimoine mobilier et immobilier, d'en faire établir la consistance, d'en assurer la conservation et d'en répartir le produit suivant des affectations déterminées.

Cette question spéciale a donné lieu dans la presse comme au sein de la Commission de la Chambre et au Parlement à des discussions théoriques assez vives.

On a prétendu que l'on ne saurait, sans commettre une véritable spoliation, désigner un liquidateur au moins à celles des congrégations qui représentaient des autorisations régulières, à la faveur desquelles elles avaient vu le jour, avaient fonctionné, s'étaient développées jusqu'à un certain degré de prospérité, avaient reçu légalement à titre gratuit, avaient non moins régulièrement acquis à titre onéreux, avaient en un mot joui d'une personnalité juridique complète les mettant . à l'abri des lois protectrices de la propriété dùment acquise et les empêchant de redouter jamais aucune spoliation; de quelque dénomination que l'on colore le procédé au moyen duquel on prétendait s'immis er dans le partage et l'affectation de leurs biens, on ne pourrait y voir, soutenait-on, qu'une brutale expropriation, aussi odieuse et injuste à leur égard qu'elle pourrait l'être vis-à-vis de tout particulier, en un mot ce serait là une méconnaissance la plus absolue du droit de propriété. Pour accréditer ce système, on argumentait par analogie des droits de deux ou plusieurs associés dont la société prend fin à un moment donné, et qui s'entendent sans contrainte d'aucune sorte ou immixtion de qui que ce soit dans leurs affaires, pour liquider entre eux à l'amiable leur ancienne maison ou faire choix d'un liquidateur qui devient leur mandataire commun; leur liberté demeure complète, leur propriété collective ou privative est exempte de toute atteinte, et, à moins

d'être exposés à la faillite ou à la liquidation judiciaire, aucun tiers, pas plus qu'aucune autorité publique, ne peut s'arroger le pouvoir de se substituer à eux et de leur ravir la plus légère parcelle de leur indépendance ou de leurs biens.

On repoussait également toute assimilation avec les cas régis par la loi de 1901; celle-ci en effet s'était occupée de congrégations non autorisées et partant inexistantes; leur dissolution et la dispersion de leurs membres avaient laissé sans titulaires des universalités mobilières et immobilières sur le sort desquelles il était urgent et indispensable de prendre parti pour en assurer la conservation, pourvoir à leur administration, poursuivre leur réalisation et en répartir le produit; rien ne subsistait alors de l'ancien détenteur, propriétaire uniquement apparent et précaire que la loi, par le fait seul de sa promulgation, avait contraint de reconnaitre en même temps l'illégalité de son existence et l'inanité de ses droits, acquis en vertu d'une sorte de possession d'état abusivement tolérée par la faiblesse ou l'aveuglement des pouvoirs, mais formellement condamnée par la loi.

Dans les cas envisagés par la loi de 1904 au contraire, aucune de ces considérations, ajoutait-on, ne trouvait sa place; le propriétaire avait vécu jusqu'alors. avait possédé sa chose en maître incontestable, l'avait fait fructifier et avait assuré le fonctionnement de ses établissements avec le secours et à l'abri des lois; il plaisait, à un moment donné, au législateur de lui enlever la vie en lui retirant l'autorisation qu'il lui avait autrefois accordée, il n'était pas possible qu'on le considérât dans le passé comme une personnalité illégale dépourvue de tout droit; il y aurait non sens à raisonner de la sorte et, de la part du législateur, cela constituerait une violation manifeste de la parole donnée; la loi nouvelle, concluait-on, ne peut, suivant le principe général, disposer que pour l'avenir et les biens des congrégations dûment autorisées, ayant été légitimement acquis par une personnalité qui avait toute capacité pour posséder, doivent se liquider, en cas de disparition de cette congrégation, comme ceux d'un particulier qui décède ou ceux d'un associé quand la société a pris fin, sans qu'on puisse organiser pour des cas aussi normaux un régime d'exception réprouvé à la fois par le bon sens et par l'équité, suivant toutes les déductions ci-dessus analysées.

Ces polémiques qui tendaient à faire échouer le principe proposé par la Commission, ont encore survécu au vote de la loi, et se sont même reproduites devant la justice en différentes circonstances, notamment devant le tribunal de Clermont-Ferrand qui a résumé dans l'attendu suivant l'argumentation formulée à cet égard au nom de la congrégation du Bon Pasteur:

<< Attendu que l'on objecte du côté de la tierce opposante que lors

<< de l'application de la loi de 1901, il s'agissait de congrégations non << autorisées dissoutes, donc inexistantes, tandis qu'au cas actuel visé << par la loi de 1904, les personnes intéressées sont des congrégations << autorisées, ayant une existence connue, une existence légale, la personnalité civile. »

(V. jugement dudit tribuna! du 10 août 1904. Recueil Ménage, 3° vol. 2° partie).

L'argumentation que nous venons de reproduire avait au début séduit de bons esprits; elle est forte en apparence et semble, à son simple exposé, dominée par d'irréfutables et pressantes considérations d'équité. Au second examen cependant on se rend aisément compte qu'elle est vaine et spécieuse et que les analogies, séduisantes dès l'abord, sur lesquelles on se plaisait à l'étayer, n'avaient à aucun titre leur place dans les situations réglées par la loi de 1904.

Quand en effet deux ou plusieurs personnes, se plaçant sous les dispositions du Code civil ou du Code de Commerce, s'associent dans un but déterminé, soit pour la réalisation d'une entreprise, soit pour l'exploitation d'une industrie ou d'un commerce ou pour tout autre objet déterminé, elles ont en vue un partage de bénéfices et elles doivent commencer, pour donner la vie à la société, par constituer une masse active qui sera composée par l'apport industriel, intellectuel ou pécuniaire que chacun des associés aura dû prélever sur son patrimoine particulier ou emprunter à sa personnalité et aura fait entrer dans le patrimoine de la société ; celle-ci remplira donc les fins en vue desquelles elle a été créée avec un avoir social mobilier et immobilier qui est devenu la propriété indivise de chacun de ses membres dans des proportions déterminées par leurs apports respectifs: si l'un des associés se retire et cède sa part, il en est indemnisé par ceux qui restent ou par tout autre qui prend sa place; la société se ruine ou fructifie au détriment ou au profit des associés; si elle disparaît, ceux-ci, souverains maîtres de son patrimoine initial comme de celui qui lui est advenu par bénéfices et réserves, acquisitions. etc..., sont libres d'en disposer à leur guise, sans contrôle, sans contrainte et sans qu'il puisse venir l'idée à qui que ce soit de limiter leurs droits par des actes quelconques de conservation, d'administration ou de disposition.

Une congrégation, même autorisée, qui disparaît, peut-elle se réclamer de ces principes d'équité?

On doit sans hésitation répondre négativement.

Prenons une congrégation quelconque, celle du Bon Pasteur, par exemple, et supposons la, à une époque antérieure au retrait d'autorisation, pourvue de richesses considérables qu'elle posséde de temps. immémorial. Quand les congréganistes qui en font aujourd'hui partie.

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