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inexistantes de leur propre aveu au point de vue de cet objet, et s'étant spontanément transformées en congrégations exclusivement enseignantes, elles doivent être a fortiori,puisqu'elles n'étaient même pas autorisées pour enseignement, rangées dans la classe de celles dont nous nous sommes occupé dans la section III qui précède, et pourvues par conséquent d'un liquidateur.

SV.

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Congrégations autorisées pour l'enseignement seulement, et qui ne s'y étaient jamais adonnées, ou avaient cessé de s'en occuper à l'époque de la loi, pour remplir un autre objet non statutaire.

Dans le développement de ces congrégations, c'est une évolution en sens inverse qui s'est produite; abandonnant leur objet primitif, l'enseignement, sortant des limites de l'autorisation qu'elles avaient obtenue et qui devait les contenir sur un champ'd'action strictement déterminé, elles ont employé leur activité autrement et se sont, par exemple, livrées à la vie contemplative ou à l'hospitalisation.

Quelle est leur situation vis-à-vis de la loi de 1904?

Une congrégation vis-à-vis des autorités et de la loi, possède les caractères qui lui sont donnés par le décret d'autorisation grâce auquel elle a pu se former et par ses statuts officiellement connus et approuvés. Ce décret d'autorisation constitue, comme on l'a dit et répété, son acte de naissance; c'est par lui et par lui seul que se détermine et que se caractérise son état-civil et c'est lui qui servira à sa classification dans un groupe ou dans un autre des congrégations reconnues, quelle que soit l'extension qu'elle ait donnée aux facultés qui lui ont été concédées, 'quelqu'abus qu'elle ait fait de l'autorisation obtenue, quelque tolérance qu'on ait témoignée vis-à-vis du développement illicite qu'elle prenait même ouvertement, toutes ces raisons de pur fait ne pouvant prévaloir contre les raisons de droit tirées du texte formel de la loi et de la jurisprudence du Conseil d'État ou de la Cour de Cassation.

Nous nous trouverons donc en face d'une congrégation enseignante autorisée à ce seul titre, et propriétaire d'un patrimoine, constitué par des établissements qui, pour avoir été fondés avec une autre affectation, n'en seront pas moins sa propriété, et représenteront autant de biens devant rentrer dans la masse de ceux qui composeront l'actif à liquider. Ces établissements seront fermés dans un délai quelconque, par application de la loi de 1901, puisque leur fonctionnement est contraire aux dispositions de cette loi, et en attendant, ils devront être immédiatement et directement placés sous la main du liquidateur, puisque la congrégation, n'ayant pas d'établissements d'enseignement

soumis à fermeture, sa dissolution est consommée en même temps que sa suppression, c'est-à-dire par le fait même de la loi et dès le jour de sa promulgation, et que le liquidateur entre en fonctions aussitôt après sa nomination, prêt à exercer sa véritable et complète mission de liquidateur chargé de réaliser.

Cette situation particulière a été très nettement élucidée au cours de la discussion d'un amendement déposé par M. le Député Grousseau au cours de la séance de la Chambre du 17 mars 1904, et que son auteur justifiait sur les considérations suivantes :

<< Il y a en effet des congrégations considérées comme congréga<tions autorisées à titre de congrégations exclusivement enseignantes, << qui ne tiennent aucun Etablissement d'enseignement, qui n'ont pas << une seule Institutrice et pas une seule élève, dont l'existence, le << maintien ou la suppression ne touchent en rien à la question de << l'enseignement congréganiste, et qui cependant, si l'on n'y prenait < garde, se trouveraient supprimées à cause de la rédaction de leurs < statuts. Ce sont des congrégations qui en fait n'ont jamais eu l'ensei« gnement pour objet exclusif ou même pour objet principal, et qui < ont cessé tout enseignement depuis une époque plus ou moins loin<< taine, en tout cas, antérieure au dépôt du projet de loi du Gouverne<< ment.

« L'amendement que j'ai l'honneur de soumettre a pour but de per<< mettre à ces congrégations qui sont nominalement enseignantes « de conserver le bénéfice de leur autorisation en modifiant leurs sta< tuts. >

On le voit, la question était explicitement cantonnée sur le point spécial qui nous occupe présentement. M. le Ministre de l'Instruction Publique n'y a pas moins directement et clairement répondu et ses explications ont sufti, sans plus ample débat, à entraîner le rejet de l'amendement en question.

<< Je n'ai qu'un mot à répondre, a dit M. Chaumié. L'honorable << M. Grousseau nous dit en effet : « Tenons compte de la situation de < droit et de la situation de fait. »

« Quelle est la situation en droit? Ces congrégations autorisées uniquement en vue de l'enseignement, sont des congrégations ensei<< gnantes. Or l'honorable M. Grousseau nous dit: Elles y ont renoncé ; << ne les frappez pas.

« Quelle est la situation de fait ?

<< La situation de fait, c'est que ce sont des congrégations contem<< platives ou hospitalières qui n'ont jamais été autorisées ; car n'ayant « été autorisées que pour l'enseignement et n'ayant pas fait d'ensei<< gnement, elles sont purement et simplement des congrégations se << vouant soit à la vie contemplative, soit à l'assistance, mais n'ayant

<< aucune autorisation comme beaucoup d'autres congrégations simi<< laires auxquelles la loi de 1901 imposait une obligation. Si nous << examinons le droit, ce sont des congrégations enseignantes, si nous << examinons le fait, ce sont des congrégations contemplatives ou hospitalières non autorisées, et elles doivent dans le délai de la loi de « 1901 formuler leur demande.

<< Il serait véritablement étrange que, par le fait qu'elles ne se sont << pas consacrées à l'objet de leurs statuts et qu'elles ont vécu... en << marge de leurs statuts, cette violation de la loi crée pour elles un privi«<lège et les relève de la déchéance que la loi de 1901 a édictée (voir << l'art. 18 de ladite loi). Je crois que poser ainsi la question, c'est la résou <dre ». Et en effet, la Chambre, se rangeant à l'opinion du Ministre, rejeta aussitôt l'amendement, et ainsi se trouvent en même temps justifiées les explications que nous avons nous-même données sur ce cas spécial.

SVI. Congrégations autorisées pour enseignement et d'autres objets et qui ont complètement abandonné l'enseignement pour se consacrer à l'hospitalisation ou à tous autres objets statutai

res.

Ces congrégations rentrent dans la classe de celles que nous examinerons ci-dessous, même chapitre, 2° section, alinéa I; - leur fonctionnement est parfaitement régulier; leur patrimoine au point de vue de l'enseignement est nul et ne pourra même pas accroître à ce qui est destiné à subsister des autres services statutaires; il n'y a pas plus de liquidateur à nommer que dans le cas auquel nous renvoyons et ce, pour les raisons que nous déduirons et qui nous font tenir cette affirmation pour absolument conforme à la volonté certaine du législateur.

(à suivre)

F. Monier. Conseiller à la Cour d'appel de Paris.

PREMIÈRE PARTIE

REVUE DE LÉGISLATION

COMMENTAIRE THÉORIQUE ET PRATIQUE

De la loi du 7 juillet 1904.

SUR LA

SUPPRESSION DE L'ENSEIGNEMENT CONGRÉGANISTE

CHAPITRE III. - Des congrégations envisagées au point de vue de leurs biens. - Quelles congrégations doivent être pourvues d'un liquidateur (suite) (1).

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Ces congrégations se divisent elles-mêmes en régulières et en irrégulières.

I.

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$1.1 catégorie.
1r

-

Congrégations mixtes régulières.

Congrégations autorisées en même temps pour services hospitaliers ou tout autre objet et l'Enseignement, et qui ont fonctionné pleinement conformément à leurs Statuts.

La jurisprudence qui s'est formée jusqu'alors sur l'application de la loi de 1904 et la désignation d'un liquidateur aux congrégations dont l'unique objet était l'enseignement, ne paraît pas s'être divisée d'une façon appréciable, du moins quand on se trouvait bien en présence d'espèces rentrant franchement dans les prévisions précises du paragraphe 2 de l'article 1er, c'est-à-dire d'une de ces congrégations que

1. — V. Lois nouvelles du 1o novembre 1304, 1° partie, p. 445. Lois nouvelles, 1904, 1r partie. Revue de Législation

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nous avons étudiées ci-dessus, même chapitre, titre deuxième, section 1, paragraphe 2.

Chaque fois un liquidateur a été nommé et les arguments divers qu'on a élevés à l'encontre de la requête du Parquet dans les procédures de tierce-opposition au jugement qui avait nommé ce liquidateur, ont été écartés.

Il n'en a pas été de même quand il s'est agi de cet autre genre de congrégations que, pour éviter les périphrases de la loi, on a, dans les discussions devant le Parlement ou dans les écritures judiciaires, appelées les congrégations mixtes.

Sur ce point, les opinions les plus opposées se sont fait jour, donnant lieu à des décisions judiciaires tout à fait inconciliables. Ici on a refusé de leur désigner un liquidateur en se fondant sur les dispositions combinées de l'article 1er paragraphe 4 et de l'article 5, paragraphe 4; ailleurs les mêmes textes ont conduit les magistrats à une opinion diametralement opposée et un liquidateur a été nommé.

On s'est ému et préoccupé de cette diversité d'interprétation d'un même texte dont la première lecture ne trahit pas les obscurités et, comme tout ce qui impressionne l'opinion se traduit chez nous par une interpellation, M. le député Grousseau a adressé au mois d'août 1904, à M. le Président du Conseil, une lettre où il lui annonce son intention de l'interpeller à la rentrée des Chambres sur ce qu'il appelle « cette interprétation absolument imprévue de la loi du « 7 juillet », en vertu de laquelle « le gouvernement a fait nommer <<< un liquidateur à des congrégations mixtes, dont les statistiques du << ministère des Cultes ont toujours reconnu le double caractère à la << fois hospitalier et enseignant. »

De l'exposé que nous allons faire de la question et des phases diverses par lesquelles est passé ce texte avant d'être incorporé à la loi, se dégagera la solution que nous croyons devoir donner à la controverse et que nous présentons comme la plus pratique, la plus équitable et la plus conforme à la lettre de la loi comme à la pensée de ses auteurs. Et d'abord, que faut-il entendre par congrégation mixte ? On désigne sous cette dénomination toute congrégation qui se propose d'assurer et assure effectivement un double service ou remplit un double objet, et dont les services ou objets multiples en vue desquels elle s'est formée sont assez divers dans leurs buts et distincts dans leur organisation et leur fonctionnement, pour que l'on puisse en supprimer un, sans que l'autre disparaisse nécessairement ou soit même atteint dans ses rouages fondamentaux et essentiels ; qu'un organe d'une telle congrégation vienne à être détruit, qu'une des branches de son activité disparaisse, elle demeure dans le statu quo pour le reste. Supposons par exemple une congrégation vouée à la fois à l'enseigne

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