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< procédure établies par l'article 18 de la loi du 1er juillet 1901, com< plétée par la loi du 18 juillet 1903. »

L'amendement Rabier, comme nous avons déjà eu l'occasion de le constater dans d'autres circonstances, a eu pour conséquence d'éliminer cette disposition importante, et l'on a eu le tort de ne pas la reprendre sous forme d'amendement au cours de la discussion, en sorte que personne n'ayant songé, soit à la Chambre soit au Sénat, à faire fixer ce point, la loi est finalement restée muette et le cas retombe forcément sous l'application des règles du droit commun. On ne saurait en effet sérieusement soutenir que la règle instituée pour les espèces découlant de l'application de la loi de 1901, puisse se transporter dans le domaine d'application de la loi de 1904 sans que le législateur, comme il en avait du reste compris l'évidente nécessité en élaborant la loi, ait manifesté une volonté nettement formulée d'établir une telle dérogation aux principes généraux.

Le droit de la loi de 1901 est un droit spécial applicable aux congrégations non autorisées; le droit de la loi de 1904 est tout à fait distinct du précédent et tout aussi spécial pour les congrégations autorisées; les situations réglementées par les deux régimes créés par ces deux lois sont au fond totalement dissemblables, et le Code de celle-ci ne peut et ne doit rien emprunter au Code de celle-là de ce qui lui est spécial et notamment des dérogations au droit commun qu'elle contient.

C'est donc l'article 59 du Code de procédure civile qui sera observé chaque fois que s'engagera une instance relative à une action réelle, jusqu'au jour prochain, nous le pensons, où le législateur actuel, à l'exemple de celui de 1901, aura réparé son omission en votant l'application à la loi de 1904 des dispositions de celle du 18 juillet 1903.

Section VII. - Dans quel état seront remis aux intéressés les meubles et les immeubles repris ou revendiqués? Remise en nature. Améliorations. Détérioration. Perte. Restitution des fruits.

Nous examinerons cette question dans deux paragraphes différents. Dans le premier, nous envisagerons l'hypothèse où l'action s'étant exercée contre le liquidateur, c'est lui qui est tenu à restitution envers les intéressés; - dans le second, nous nous placerons dans l'hypothèse où c'est une commune ou un établissement public qui est tenu à cette restitution à la suite d'une action en résolution de donation qui aurait été jugée contre lui.

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Obligations du liquidateur quant à la remise des
biens mobiliers ou immobiliers intéressés.

Nous rappellerons d'un mot les principes que nous avons déjà plusieurs fois formulés : à savoir que la congrégation qui avait été dûment autorisée à accepter, était devenue par le fait propriétaire véritable et régulière erga omnes des objets légués sur lesquels, en vertu des droits primordiaux inhérents à sa qualité de propriétaire, elle a pu exercer tels actes d'administration et de disposition qui lui ont paru conformes à ses intérêts ou qui ont réalisé ses vues à un titre et pour une raison quelconque ; elle n'avait à cet égard à rendre compte de ses opérations à qui que ce fût, au donateur encore moins qu'à tout autre, puisqu'il s'était dépouillé irrévocablement sans arrière-pensée de prétendre jamais reconquérir la moindre parcelle des droits par lui abandonnés. Il est donc certain que la loi, en révoquant les anciennes donations, saisit les objets donnés dans l'état où ils se trouvent au moment de sa promulgation et n'en a permis la remise que dans l'état même où l'inventaire les aurait trouvés, c'est-à-dire avec toutes les détériorations inévitables qu'un usage prolongé a pu leur faire subir, ou avec toutes les charges d'ordres divers dont ils ont pu être grevés par la congrégation.

La loi ne peut pas opérer rétroactivement; elle ne peut pas faire que ces charges n'aient pas été régulièrement consenties, puisque les · actes qui les consacrent sont intervenus entre des contractants également habiles à s'engager et qui ont respecté toutes les formes de la loi alors en vigueur.

Mais ces charges devront-elles étre compensées par le liquidateur au moyen d'une valeur représentative en argent qui serait remise aux intéressés ?

Sous le régime de la loi de 1901, nous n'hésiterions pas à répondre négativement, parce que, entre les biens détenus ou possédés par les congrégations religieuses non autorisées, n'ont jamais pu se former la fusion et la cohésion constitutives d'une universalité indivisible, ni s'établir par suite le lien patrimonial qui fait un bloc des biens appartenant à un même particulier, et qui produit cet effet caractéristique et important que ces biens se suppléent les uns aux autres et constituent les uns pour les autres des garanties réciproques. Chaque donation à des congrégations non autorisées a constitué à elle seule un état de fait spécial et isolé, qui doit se solutionner et se liquider sans référence aux nombreuses situations similaires qui peuvent exister à côté, et surtout sans exercer sur elles et sans subir de leur fait de répercussion d'aucune sorte.

Dans les cas prévus par la loi de 1904, le raisonnement sera bien différent; le patrimoine de la congrégation a été régulièrement constitué; il a acquis tous les caractères d'homogénéité et d'indivisibilité que la loi attribue au patrimoine en général, et notamment il répond par tous les biens qui le composent, des engagements divers pris par son propriétaire à l'occasion de l'administration générale desdits biens ou de l'un quelconque d'entre eux.

Si donc ce propriétaire a grevé un immeuble d'une charge, servitude, hypothèque ou de tout autre droit réel, nous pensons que la remise de ce bien devra être accompagnée de la somme représentative du rachat de cette charge, où destinée à compenser la diminution de valeur qui en sera résultée pour l'immeuble grevé.

D'autre part, on peut prévoir que beaucoup des meubles ou immeubles provenant souvent de libéralités fort anciennes ne se retrouveront pas dans l'inventaire; ils auront disparu par vente, ou de toute autre manière.

Il y aura lieu, dans ce cas, de faire rechercher si la disparition incombe à la congrégation comme conséquence d'un fait ou d'une négligence dont elle est responsable ou dont elle a profité, et dans l'affirmative le liquidateur devra pour la même raison indemniser l'intéressé de la valeur des biens disparus, toutes ces appréciations devant se faire suivant nous, à la date de la demande, c'est-à-dire que le donateur ou ses héritiers devront obtenir ce qu'ils auraient eu si l'aliénation ou la perte ne s'étaient pas produites.

En ce qui concerne les améliorations comme les détériorations du reste, aucune disposition de notre loi pas plus qu'aucune règle des textes du droit commun, n'en a organisé le règlement.

Si ces améliorations provenant du fait du donataire à la suite des impenses utiles qu'il y a consacrées, ont contribué à une plus-value appréciable de l'immeuble, l'équité exige qu'il en soit tenu compte à ce dernier qui, s'il est obligé de restituer, ne saurait se voir contraint de rendre plus qu'il n'a reçu et d'enrichir ainsi autrui à ses dépens en violation de la règle observée dans tous les cas analogues: Nemo aere alieno locupletari potest.

Quant à la question des fruits, c'est le droit civil ordinaire qu'il conviendra d'appliquer; i's seront dus à compter du jour de la demande (Art. 548 et suiv. du C. civil.)

Ajoutons enfin qu'à notre avis les donateurs devront être admis à reprendre les biens acquis en remploi de ceux par eux donnés, si la justification de ce remploi est rapportée dans les conditions ordinaires, et notamment par une mention spéciale dans l'acte d'acquisition.

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Obligations des communes ou des établissements publics concernant la remise des mêmes biens.

L'action qui sera dirigée contre les communes ou les établissements publics sera, nous l'avons vu, une véritable action révocatoire basée sur les dispositions de l'article 954 du Code Civil.

Les conséquences de cette action au point de vue de la remise de l'immeuble, des fruits, du règlement des impenses utiles et de la question des charges, seront les mêmes que celles qui se sont produites dans les divers cas d'application de la loi du 30 octobre 1886, dont notre paragraphe, nous l'avons fait remarquer, reproduit littéralement la disposition qui règle le méme point.

Or au sujet des effets produits par cette loi à ces divers points de vue, s'est formée depuis 1886 une jurisprudence aussi abondante que variée dont nous allons indiquer les plus curieux et les plus importants monuments, ce qui nous dispensera d'entrer dans des détails qui ne pourraient que refléter purement et simplement les opinions consacrées d'une façon si autorisée par ces diverses décisions. Cass. Req. 9 wril 1887. D. P. 88-1-301. id. Civ. 22 juin 1887. D. P. 87-1-305. Besançon 27 février 1889. D. P. 90-2-25. Cass. Req. 29 juillet 1889. D. P. 90-1-396.

id. Civ. 26 mai 1894. D. P. 95-1-217 et la note de M. Planiol. Cass. Civ. 5 juin 1894. D. P. 95-1-67.

id. Civ. 20 février 1895. D. P. 95-1-476. id. Req. 29 janvier 1896. D. P. 96-1-573. Toulouse 28 mars 1895. D. P. 97-5-209. Cass. Req. 29 mai 1896. D. P. 96-1-573. 1. Civ. 19 octobre 1896. D. P. 97-1-604. id. Req. 13 octobre 1897. D. P. 98-1-24.

Section VIII. - Cas particulier dans lequel la remise incombant au liquidateur devra être suspendue.

Le dernier alinéa de l'article 7 de la loi de 1825 porte que, dans le cas de révocation d'autorisation, « les membres de la Congrégation « ou maison religieuse de femmes (ajoutons « et d'hommes » d'après -notre loi), auront droit à une pension alimentaire qui sera prélevée : « 1° sur les biens acquis à titre onéreux; 2° subsidiairement sur << les biens acquis à titre gratuit, lesquels, dans ce cas, ne feront

<< retour aux familles des donateurs ou testateurs qu'après l'extinc<tion desdites pensions.>

Nous parlerons dans le chapitre suivant du partage des biens, de leur destination et de la constitution des retraites aux congréganistes.

Ce qui résulte de la disposition ci-dessus au point de vue qui nous occupe, c'est que, dans les cas où la masse active de la liquidation qui sera constituée après les prélèvements en nature ou en argent nécessaires aux restitutions, ne serait pas suffisante pour assurer le service des retraites, celles-ci seraient gagées par les biens destinés à faire retour, lesquels ne rentreraient dans le patrimoine des intéressés que lorsque ces pensions seraient éteintes par le fait de la disparition ou de la renonciation de tous les bénéficiaires, en sorte que les dits intéressés ne pourraient recouvrer pour le moment que la nue propriété de ces biens.

En attendant les dits biens seraient donc retenus par le liquidateur qui les administrerait et les ferait fructifier, et en percevrait les revenus sur lesquels il opérerait les prélèvements nécessaires à la constitution des pensions dont il a la charge, prélèvements qui pour être équitables, devraient pour chaque immeuble, être proportionnels à sa valeur et subir des réductions progressives au fur et à mesure des extinctions des bénéficiaires. Ce qui excéderait le chiffre total des pensions serait réparti ensuite entre tous les propriétaires des immeubles, suivant la proportion qui aurait servi de base aux prélèvements opérés sur les revenus de chacun d'eux.

Mais, on le voit, ce règlement d'intérêts est des plus compliqués et il contient le germe de procès nombreux et délicats à solutionner entre le liquidateur et les propriétaires des biens sujets à reprise. De plus la liquidation est exposée à se prolonger pendant cinq, dix, quinze, vingt ans, peut-être plus, puisque les biens ne doivent rentrer dans le patrimoine des intéressés qu'après l'extinction des pensions ; d'autre part et en toute hypothèse, les retours ne pourraient jamais avoir lieu qu'après la fermeture du dernier établissement, c'est-à-dire dans dix ans peut-être, puisque ce n'est qu'à cette époque que le liquidateur pourra, la plupart du temps, être fixé sur les forces et charges de sa liquidation et saura si les biens acquis à titre onéreux lui suffisent pour le paiement des retraites et peuvent le dispenser de faire des emprunts aux biens provenant de libéralités. Il faudra bien que quelque mandataire administre tous ces biens en attendant, les conserve comme gage des pensions et les fasse fructifier afin d'en tirer les ressources indispensables au paiement des dettes dont ils répondent; le liquidateur seul pourra demeurer chargé de cette mission.

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