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7. Dans l'application des deux principes posés plus haut (nos 12, 13, 14 de la présente section) trois cas peuvent se présenter: 1° le père et l'enfant sont de même nationalité ; 2o ils sont de nationalités différentes, le père est étranger, le fils est français ou inversement; 3o le père et l'enfant sont de nationalité différente, mais tous deux étrangers. << Le premier cas n'offre aucune difficulté ; l'examen du statut -commun suffira à résoudre toute question. Dans le troisième cas, on pense généralement qu'il y a lieu d'appliquer la loi qui se rapproche le plus de la nôtre. Dans le second cas, nous nous heurtons à un conflit de lois. Quel statut doit-on observer? celui du père ou celui de l'enfant ?

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8. Le cas qui se présentera le plus fréquemment sera celui d'un enfant français et d'un père ou d'une mère étrangers. En effet, tout enfant non reconnu né en France est Français en vertu de l'article 8 § 2. Postérieurement, si son père ou sa mère désire souscrire pour lui une déclaration de nationalité, ils ne le pourront que s'ils ont reconnu leur enfant ; ce sera donc une reconnaissance d'un Français par un étranger.

« Si le statut de cet étranger est semblable au nôtre et lui impose pour cet acte des conditions de forme et de capacité analogues aux conditions imposées par la loi française, ou du moins, si parmi les modes adoptés par son statut personnel, l'étranger a choisi un mode également adopté par la loi française, aucune difficulté. Mais si ces conditions sont différentes, quel statut appliquer ?

9.« La question est vivement controversée. Les uns se reportent à la loi nationale de l'auteur de la reconnaissance.

<< D'autres, comme Laurent, se reportent à la loi de l'enfant.

<< Pour nous, les raisons de décider en faveur de la loi du père et de l'enfant sont de même valeur; l'un et l'autre sont parties à cette reconnaissance tous deux ont intérêt à sa validité. Aussi l'opinion de M. Weiss qui se réclame des deux systèmes nous semble, en pratique du moins, la meilleure, car elle est la plus prudente. « La reconnais<<sance met en présence deux personnes, le père et l'enfant ; elle << attribuera à ce dernier la nationalité qui appartenait à son père << au jour de sa naissance, et leur donnera ainsi le plus souvent une << nationalité commune. On pourrait donc essayer de soutenir, en << s'appuyant sur la rétroactivité de la reconnaissance, que la seule loi << personnelle à consulter ici est la loi du père, qui va devenir celle de << l'enfant, qu'il suffit que le père soit capable de reconnaitre, et que << l'enfant soit capable d'être reconnu. Ce point de vue serait inexact. « L'unité de nationalité résulte, il est vrai, même dans le passé, de la << reconnaissance, mais, pour que cet effet soit produit, il faut que la << reconnaissance elle-même ait été valablement opérée; et elle ne l'a << été que si les deux parties, le père d'une part et l'enfant de l'autre, sont respectivement capables d'après leur loi personnelle, l'un de << reconnaître, l'autre d'être reconnu. Il faut donc tenir compte à la <<< fois de la Loi française, qui est encore celle de l'enfant, et de la Loi << étrangère, à laquelle ressortit le père : lorsque ces deux Lois auront << été obéies, mais alors seulement, la reconnaissance sera parfaite ».

10. - Cette opinion paraît absolument inattaquable lorsque l'enfant naturel, Français en vertu de l'article 8, §2 principium, du Code

Lois nouvelles, 1904. 2. partie. Revue des travaux législatifs

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civil, est reconnu par un étranger né en France; dans ce cas, en effet, l'enfant, même après la reconnaissance, ne partage pas la nationalité de son parent; il reste Français, non plus en vertu de l'article 8, § 2, mais en vertu de l'article 8, §3. Cette opinion paraît encore excellente, quand le parent est né à l'étranger, bien que par suite de la rétroactivité de la reconnaissance, l'enfant doive être considéré comme étranger dès sa naissance en vertu de l'article 8, §4; car pour qu'il y ait rétroactivité, il faut une reconnaissance valable, et la validité de la reconnaissance est subordonnée à l'observation du statut français, puisque à ce moment l'enfant est Français.

11. En résumé quand le parent et l'enfant seront de même nationalité, la reconnaissance sera faite suivant les formes prescrites par leur statut et emportera les conséquences prévues par ce statut. Quand ils seront étrangers, de nationalités différentes, la Loi qui se rapproche le plus de la nôtre sera appliquée.

Quand ils seront l'un Français, l'autre étranger, le statut étranger, le statut français, devront recevoir leur application. Voilà pour la validité de la reconnaissance.

Protection du travail industriel.

Modifications pro

posées à la loi de 1892 et à celle de 1848. Projet voté par le Sénat le 24 mars 1904.

Le 29 décembre 1903, plusieurs sénateurs (MM. Waddington, Fortier, Maxime Lecomte, G. Denis, Méline, Prevet, Barbey, Pradal, de Montfort, Fougeirol et Thorel) ont présenté au Sénat une proposition de loi tendant à modifier plusieurs points de la loi du 2 novembre 1892, et un article de la loi du 9 septembre 1848. L'urgence a été déclarée le même jour. Le 8 mars 1904, M. Waddington a déposé son rapport. Le 18 mars, M. Fontaine, directeur du travail, a été désigné en qualité de commissaire du gouvernement; la discussion a commencé à la même date; elle s'est continuée le 22, et terminée le 24 mars par l'adoption du projet, qui est actuellement soumis à la Chambre. Cette réforme a été proposée par quelques-uns des auteurs les plus autorisés de la loi de 1892; le ministre du commerce a combattu certains points de la proposition, mais a adhéré en principe à quelques autres. Nous reproduisons ci-après les principaux textes cités.

Modifications à la durée de travail..

« § 1, 2 de l'art. 3 de la loi de 1892 :

<< Les jeunes ouvriers et ouvrières jusqu'à l'âge de 18 ans et les < femmes ne peuvent être employés à un travail effectif de plus de << dix heures par jour ou de soixante heures par semaine. Dans le cas << de l'adoption du régime hebdomadaire, la totalité des soixante heures << peut être répartie sur les jours ouvrables de la semaine, dans la << limite maximum de onze heures par jour.

<< Si le travail effectif est prolongé pour le personnel au-delà de dix < heures, les enfants àgés d'au moins quinze ans jouiront de repos sup< plémentaires, de manière à ce que leur travail effectif ne soit jamais < supérieur à dix heures.

<< Le régime hebdomadaire devra être notifié à l'inspection huit jours <<< avant son application et ne pourra être mis en vigueur que pour une <<< période d'un mois au moins. La durée prévue du travail journalier « devra être la même pour le personnel femmes et enfants àgés d'au <<< moins quinze ans. La date de la demi-journée sera obligatoirement << la veille du jour du repos hebdomadaire. »

Ce système a pour but de permettre aux ouvriers de ne pas travailler pendant l'après-midi du jour qui précède le jour de repos obligatoire, c'est-à-dire dans la pratique, l'après-midi du samedi. Cette coutume est en usage dans diverses industries du Nord et de la Loire. Ce repos d'une demi-journée est compensé par un supplément de travail les autres jours.

Le choix entre les deux systèmes est d'ailleurs laissé à l'industrie. M. Trouillot, ministre du commerce, n'a pas fait d'objection au principe de cette nouvelle réglementation, mais il avait indiqué sa préférence pour la limitation du travail à un maximum de dix heures et demie, laissant au travail du samedi une durée de sept heures et demie, en cas d'adoption, dans l'usine ou l'atelier, du système de la limitation hebdomadaire.

§ 4 de l'article 3, L. 1892 :

La journée de travail doit être coupée par un ou plusieurs repos, < dont la durée totale ne peut être inférieure à une heure et pendant << lesquels le travail est interdit. Ces repos devront être fixés de façon <que le personnel protégé ne puisse être employé à un travail effectif << de plus de six heures consécutives, sans une interruption dont la <durée sera au moins d'une demi-heure. >>

(Le § 3 de l'ancien article 3, loi 30 mars 1900, devient le § 5).

Le § 4 du nouvel article 3 projeté a pour but de remédier à un abus résultant de l'article 3 actuel, tel que la Cour de cassation l'interprète; suivant cette cour, en effet, la loi ne fixe pas le moment du repos; d'où l'on conclut que le repos peut se placer à un moment quelconque de la durée légale du travail, et par conséquent au commencement ou à la fin de ce travail; il suit de là qu'il peut n'y avoir aucun repos si le travail n'atteint pas la limite légale, déduction faite de la durée légale du repos. Le texte projeté, sans fixer d'une manière absolue le temps et la durée des repos, met cependant un terme aux abus possibles en déterminant le temps maximum de travail après lequel un repos est obligatoire.

§ 6, art. 3, L. 1892 :

«En dehors des heures fixées au § 1er pour le travail effectif, il ◄ pourra être procédé, après arrêt des moteurs autres que ceux de < l'éclairage, au nettoyage des métiers et machines productrices, sans << que le temps réservé à ces opérations puisse dépasser deux heures par semaine et sans que le total de la journée, nettoyages compris, < puisse excéder onze heures. Dans l'horaire prévu par l'article 11 de <la présente loi, le temps et les jours affectés au nettoyage seront < indiqués. »

Le but de cette partie du projet est de permettre aux enfants et aux femmes de procéder au nettoyage de leurs machines en dehors de la durée légale du travail directement productif, ainsi que peuvent le faire les hommes adultes.

Le gouvernement s'est opposé à l'adoption de ce paragraphe 6, qui lui a paru aboutir en réalité à une augmentation de la durée de travail sans compensation (1). Le paragraphe a donné lieu à un scrutin, et a été voté par 148 voix contre 123.

Article 4, §§ 2, 3 et 4.

<< Tout travail entre neuf heures du soir et cinq heures du matin est << considéré comme travail de nuit; toutefois, pour les travaux sou<< terrains des mines, minières et carrières, le travail sera autorisé de << quatre heures du matin à dix heures du soir, quand il sera réparti << entre deux postes d'ouvriers ne travaillant pas plus de neuf heures << chacun.

«Le travail de chaque équipe sera coupé par un repos d'une heure << au moins.

<< Il sera accordé, pour les femmes et les filles de plus de dix-huit << ans, à certaines industries qui seront déterminées par un règlement << d'administration publique et dans les conditions d'application qui << seront précisées dans ledit règlement, la faculté de prolonger le travail jusqu'à dix heures du soir, à certaines époques de l'année, pen<< dant une durée totale qui ne dépassera pas soixante jours. En aucun << cas, la journée de travail effectif ne pourra être prolongée au-delà << de douze heures. »

Ces dispositions qui ont été proposées par la Commission d'accord avec le gouvernement, ont pour but de limiter la durée du travail de nuit exceptionnellement toléré.

(à suivre).

1. V.les discours et explications de M. Trouillot, ministre du commerce, J. off., Sénat, p. 364, séance du 24 mars 1904.

REVUE DES TRAVAUX LÉGISLATIFS

LA NOUVELLE ORGANISATION DE LA
PROPRIÉTÉ FONCIÈRE

Examen des projets de loi relatifs à l'impôt sur le revenu des propriétés et créances hypothécaires, à la réforme hypothécaire et à la réfection du cadastre.

I

On sait que plusieurs commissions s'occupent actuellement de préparer une nouvelle organisation de la propriété foncière.

Une commission du Sénat a terminé l'examen du projet de loi relatif à la réforme hypothécaire présentée par le Gouvernement le 24 novembre 1896 et préparée par une commission que présidait M. Falcimaigne, conseiller à la Cour de cassation.

Cette commission du Sénat, dont le rapporteur est M. Thézard, paraît s'être lassée d'attendre une solution pratique de la commission du cadastre.

Celle-ci, nommée par un décret du 31 mai 1891, est à la veille de terminer ses travaux, dont son rapporteur résume ainsi l'objet et le but :

1° Rendre plus facile la transmission de la propriété en augmentant << la sécurité de la possession; 2o accroître le crédit immobilier, en le << rendant plus sûr ; 3° augmenter ce crédit, en lui facilitant le con<<cours de nombreux capitaux qui sont trop longtemps restés éloignés de la terre, c'est-à-dire de la valeur la plus féconde quand elle est <<< bien administrée; 4° entourer enfin la propriété des plus solides << garanties et la relever de son discrédit par le régime des livres << fonciers. »

Pour atteindre ce but, la commission du cadastre considère comme indispensable avant l'exécution de la réforme dans une commune quelconque, de dresser un nouveau plan et son rapporteur général avait proposé, sur ce point, les résolutions de principe suivantes:

<< L'Etat ne doit pas supporter seul les dépenses de réfection du << cadastre et d'établissement des livres fonciers ;

<< Participeront obligatoirement à la dépense: l'Etat, les départe<<ments, les communes ;

<< Les dépenses prévues par les différentes opérations cadastrales <<< se répartiront de la façon suivante entre les diverses catégories <<< d'intéressés : État 60 0/0; départements 20 0/0; communes 20 0/0 ; << Les 20 0/0 mis à la charge des communes et des départements << constitueront pour ces circonscriptions un maximum qui ne pourra ◄ être dépassé dans aucun cas ; tandis qu'au contraire, la part de Lois nouvelles, 1901. . 2. partie. Revue des travaux législatifs.

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