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La propriété, d'après le Code civil, c'est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, jus utendi et abutendi. Et ce droit de propriété était mis par lui à la base de l'organisation de la famille et des contrats, comme il était déjà à la base de la constitution politique.

On prétend que ce droit n'est plus à la base de la constitution politique. Sans doute, puisque le suffrage universel est exclusif de toute condition de cens. La majorité des suffrages et par conséquent la direction des affaires publiques appartiennent aujourd'hui aux prolétaires, aux hommes privés de propriété personnelle.

Pourtant le Code civil subsiste et subsistera toujours, parce que, on l'a dit, il domine dans leur ensemble tous les rapports sociaux.

Saluons donc l'idée de M. Lefas et souhaitons-en la prompte réalisation. C'est à cette revue des Lois Nouvelles, où chaque jour est examinée et commentée l'évolution législative dont le Code civil est le principe et la base, qu'il appartenait de vulgariser et de recommander une initiative dont l'honneur ne peut que rejaillir sur le pays tout entier.

La Remise sous enveloppe des significations, citations ou autres actes de la justice de paix.

M. de Beauregard député, vient de déposer une proposition de loi tendant à ce que les significations, citations ou autres actes de la justice de paix, soient déposés au domicile des intéressés sous enveloppe fermée. Nous reproduisons ci-après l'exposé des motifs et les termes de cette proposition.

Exposé des motifs. Les huissiers, les avoués sont tenus de placer sous enveloppe fermée les significations ou autres papiers qu'ils déposent au domicile des intéressés. C'est une sage mesure qui à été prise.

Il n'en est pas de même des juges de paix qui ne sont pas astreints à cette obligation, et dont les avertissements ou autres actes, pliés simplement en deux, n'offrent aucune garantie de discrétion et de sécurité.

L'Etat met ainsi les plaideurs à la merci d'une indiscrétion quelconque, soit qu'elle émane de la personne qui transporte l'avis, soit de celle qui le reçoit, concierge ou autre, avant de le faire parvenir au principal intéressé.

Les inconvénients qui résultent du système actuel sont nombreux. Ils engendrent quelquefois des haines, aggravent souvent les différends, et toujours sont la base d'appréciations malveillantes, sur les personnes, leur solvabilité et leur situation commerciale.

Aussi est-ce pour remédier à cet état de choses fàcheux, et qui cause un réel préjudice à ceux qui en sont les victimes, que j'ai l'honneur de vous soumettre la proposition de loi suivante, en faveur de laquelle je demande l'urgence.

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Proposition de loi. Article unique. Tous les actes, citations, significations ou autres émanant de la justice de paix seront déposés au domicile des intéressés sous enveloppe fermée.

DEUXIÈME PARTIE

REVUE DES TRAVAUX LÉGISLATIFS

I. --La proposition de M. Monis; tendant à modifier l'intitulé d'un chapitre et divers articles du Code d'instruction criminelle. II. Le projet de loi sur la répression des outrages aux bonnes mœurs au Sénat.

I. La proposition Monis, tendant à diverses modifications au Code d'instruction criminelle.

M. Monis, sénateur, a déposé sur le bureau du Sénat, le 22 janvier 1904, une proposition de loi, complétive de la réforme amorcée en 1897, tendant, par les modifications qu'elle introduit dans l'intitulé d'un chapitre et dans de nombreux articles du Code d'instruction criminelle, à assurer, par des garanties plus rigoureuses encore que celles qu'ils tenaient de la loi du 8 décembre 1897, le droit individuel et la liberté de tout citoyen (1).

Cette loi du 8 décembre 1897 ainsi s'exprime l'honorable sénateur dans son exposé des motifs en introduisant le principe de la contradiction dans l'information préalable, a produit au point de vue de la libre défense des résultats dont on ne saurait méconnaître l'importance. Mais si elle a limité, à certains égards, les pouvoirs par trop absolus que le juge d'instruction tenait d'une législation que quelques modifications nouvelles n'avaient pas réussi à suffisamment rajeunir, elle n'a pas touché aux règles anciennes qui régissent le droit d'arrestation préventive.

La circulaire du 10 décembre 1897, qui a accompagné la publication de la loi, exprimait même la crainte que l'application des dispositions nouvelles ne pût avoir quelquefois pour résultat de prolonger la détention préventive, et faisait appel au dévouement et au zèle des magistrats pour éviter qu'il en fût ainsi.

La Chancellerie a renouvelé depuis les mêmes recommandations. Néanmoins, si on se reporte aux constatations du compte rendu de la justice criminelle pour l'année 1899 (pages XXVIII et XXIX du rapport), il semble que la crainte manifestée par l'auteur de la circulaire n'était pas tout à fait chimérique.

Le moment paraît donc venu de compléter sur ce point la réforme

1. Sénat, 22 janvier 1904. annexe n8; proposition tendant à modifier l'intitulé du chapitre VIII du livre I, et les articles 113 à 125, 135, 1.6, 296 et 421 du Code d'instruction criminelle.

Lois Nouvelles, 1904. 2 partis. Reva de trava 1x législatifs.

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de 1897. Il s'est créé en ce sens un puissant mouvement d'opinion, soit au Parlement déjà saisi de diverses propositions de loi, soit en dehors parmi les jurisconsultes appartenant au barreau, à l'enseignement, à la magistrature.

Le Sénat sera heureux de profiter de ces circonstances favorables pour voter un projet de loi assurant à la liberté des citoyens les garanties nécessaires. Nous vous proposons, en conséquence, de remanier le chapitre VIII du livre I et divers articles du Code d'instruction criminelle, pour astreindre à une réglementation plus étroite et plus en harmonie avec les principes sur lesquels repose la société moderne le droit d'arrestation, qui devient abusif dès qu'il s'exerce sans que l'intérêt évident de l'ordre public l'exige impérieuse

ment. »

Telle est la pensée maîtresse de la proposition de loi. Elle tend à limiter, dans toute la mesure compatible avec les nécessités de la répression, les cas où la détention préventive peut être autorisée, et à la réduire au temps le plus court possible, lorsqu'elle est inévitable Pour obtenir ce résultat, il convient non seulement de restreindre en lui-même le droit du juge, mais aussi de soumettre l'exercice de ses pouvoirs à un contrôle plus rapide et plus étendu.

L'honorable sénateur examine ensuite et justifie ainsi qu'il suit les diverses modifications par lui proposées.

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I. D'après l'article 118 du projet, la liberté provisoire est de droit, en matière correctionnelle, pour l'inculpé domicilié et qui n'a pas été condamné antérieurement à plus de trois mois d'emprisonnement pour infraction de droit commun. Ce droit ne peut être restreint que dans les cas où la gravité toute particulière de l'infraction ou l'importance des intérêts lésés obligent à maintenir, pendant quelque temps, la détention, sous peine de compromettre d'une façon irrémédiable les résultats de l'information.

Mais encore l'exercice de la faculté laissée au juge est soumis au contrôle de la juridiction de la Chambre du conseil, réorganisée d'après les règles nouvelles que nous exposerons plus loin.

La détention préventive ne peut durer en tout cas que vingt jours en l'absence de tout recours, et seule la Chambre du conseil a le pouvoir de renouveler ce délai (art. 199 et 121).

II. Lorsque la liberté provisoire n'est pas de droit, elle peut être demandée, en tout état de cause, au juge d'instruction avec recours à la Chambre du conseil en cas de refus, et, quand le juge d'instruction est dessaisi, à la juridiction appelée à statuer au fond (art. 118, 120, 296 § 2 nouveau, 421 § 2 nouveau).

Telle est d'ailleurs la règle écrite dans les articles 113 § 1 et 116 du Code d'instruction criminelle. Mais les nouvelles dispositions précisent et complètent les dispositions actuelles.

Dans le nouvel article 120 § 2 est incorporé l'article 11 de la loi du 8 décembre 1897, qui autorise la Cour d'assises à accorder la liberté provisoire lorsqu'elle renvoie l'affaire à une autre session. Cette disposition est complétée pour le cas où la Cour d'assises n'aurait pas statué à cet égard, et la Chambre d'accusation est appelée à se prononcer sur la demande de mise en liberté. Il en est de même pour le condamné

qui veut rendre son pourvoi admissible (art. 421 § 2 nouveau). L'inculpé renvoyé devant la Cour d'assises et laissé en liberté provi-. soire se constituera seulement la veille de l'audience (art. 118, § 2 nouveau).

Enfin, en cas de non-comparution du même inculpé devant le président des assises, le point de départ du délai du pourvoi en cassation contre l'ordonnance de renvoi se place au jour qui avait été fixé pour l'interrogatoire (art. 296 § 2 nouveau).

III. Dans tous les cas où elle n'est pas de droit, la liberté provisoire peut être subordonnée à l'obligation de fournir un cautionnement. Les articles 123, 124, 125, 126 sont la copie textuelle des articles 130, 131, 132, 133, 134, 135 et 136 du projet de réforme voté par le Sénaten 1879 et adopté sans modification sur ce point par la Commission de la Chambre des Députés. Ces dispositions ne sont d'ailleurs que la reproduction des articles 114, 120, 121, 122, 123, 124 C. instr. cr., sauf quelques changements de détail dont le plus important consiste à permettre la constitution du cautionnement non seulement en espèces, mais en titres (art. 124 §§ 1 et 2).

§ II.

De la Chambre du conseil et du recours contre les ordonnances du juge d'instruction.

I. Sous l'empire du Code d'instruction criminelle, les ordonnances relatives à la liberté provisoire peuvent être frappées d'opposition devant la Chambre d'accusation.

Il nous paraît nécessaire que la juridiction chargée de statuer sur le recours puisse être immédiatement saisie et soit en mesure de rendre sa décision dans le plus bref délai.

Cette tâche ne peut être confiée qu'au tribunal siégeant au lieu même où se fait l'instruction. Aussi avons-nous cru devoir réorganiser, mais sur d'autres bases, l'ancienne institution de la Chambre du conseil qui avait été supprimée en 1856 comme un rouage presque inutile.

La Chambre du conseil, telle que la conçoit le projet, n'a pas à apprécier le fond de l'affaire, et on ne peut pas dire que sa décision constitue un préjugé comme le jugement qu'elle rendait autrefois et par lequel elle statuait sur la prévention elle-mème. Elle ne prête donc plus aux critiques qui avaient, à juste titre, amené sa suppression.

Nous maintenons, en effet, à la Chambre d'accusation la connaissance des recours qui peuvent être exercés contre les ordonnances qui clôturent la procédure d'information préalable,

Appliquant le principe déjà consacré par l'article premier de la loi du 8 décembre 1897, le projet de loi ne permet pas au juge d'instruction de siéger à la Chambre du conseil, il décide même, où cela est possible, c'est-à-dire dans les tribunaux composés de plusieurs chambres, que les juges appelés à constituer la Chambre du conseil ne seront pas les mêmes que ceux qui auront à juger ultérieurement l'inculpé renvoyé devant le tribunal correctionnel (art. 114).

II. Le rôle principal de la Chambre du conseil est de statuer sur les recours exercés contre les ordonnances rendues en matière de liberté provisoire.

Mais il nous a semblé que ses attributions ne devaient pas être limitées à cette unique fonction.

La loi de 1897 (art. 1er § 2) n'a, en effet, réalisé qu'une réforme incomplète en prescrivant de donner immédiatement connaissance au Conseil de toute ordonnance rendue par le juge. Elle n'a institué aucun recours en dehors de celui prévu par l'article 135, C. Instr. crim., et qui ne s'applique guère, en ce qui concerne l'inculpé et la partie civile, qu'aux décisions du juge relatives à la liberté provisoire.

Nous vous proposons d'aller plus loin et de dire que toute ordonnance ayant un caractère juridictionnel ou prescrivant une expertise (1), c'est-à-dire pouvant, par elle-même, porter atteinte aux droits des parties intéressées, dès lors, à la discuter, sera susceptible de recours par la voie de l'appel devant la Chambre du conseil (art. 113). La communication immédiate devra être faite non seulement au conseil de l'inculpé. mais à l'inculpé lui-même, à la partie civile et au ministère public, qui nous ont paru devoir être investis du même droit d'appel.

Les délais et formalités de l'appel, la procédure devant la Chambre du conseil sont réglementés par les articles 113, 114, 115, 116 du projet.

La Chambre du conseil constitue une juridiction d'appel. Elle statue donc en dernier ressort (art. 116 § 1er). Ses décisions peuvent faire seulement l'objet d'un recours en cassation pour incompétence ou excès de pouvoir (art. 117).

III. La compétence attribuée à la Chambre du conseil restreint considérablement celle que l'article 135 C. instr. cr. donne à la Chambre d'accusation au point de vue spécial qui nous occupe.

La Chambre d'accusation ne peut plus nécessairement être appelée qu'à statuer sur les recours dirigés contre les ordonnances qui clôturent l'information.

en

C'est en ce sens que le projet modifie l'article 135 C. instr. cr., étendant d'ailleurs les droits des parties intéressées. L'ordonnance de clôture devra être immédiatement notifiée à l'inculpé, à son conseil et à la partie civile, dans les mêmes conditions que les ordonnances rendues au cours de la procédure. Les formes et délais de l'appel sont aussi les mêmes. Le recours appartient au procureur de la République et à la partie civile dans tous les cas, et l'inculpé, qui en est privé par l'article 135 actuel, pourra aussi l'exercer dans quatre hypothèses déterminées pour faire valoir des moyens d'ordre public qui sont, en quelque scrte, préjudiciels au jugement sur le fond. Le droit du procureur général ne s'applique plus qu'aux ordonnances de clôture; le délai de son recours n'est pas modifié.

Nous avons ainsi indiqué les lignes principales du projet, sans entrer dans le détail de toutes les modifications apportées à la législation actuelle. La lecture du texte les fait suffisamment apparaître. »

L'exposé qui précède, conclut l'auteur de la proposition de loi, permet d'apprécier l'importance des dispositions qu'il a pris l'initiative l'honneur de soumettre au sénat.

Son adoption fortifierait singulièrement les droits de la défense et les garanties dues à la liberté individuelle.

1. - La Cour de cassation ayant décidé par deux arrêts des 11 mai 1900 (Bulletin criminel no 177) et 5 janvier 1901 (Bulletin criminel n° 8) que les ordonnances désignant des experts n'ont pas un caractère juridictionnel, le projet a cru devoir les viser expressément.

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