Page images
PDF
EPUB

Le projet donne aussi à la partie civile le droit de discuter certains actes d'instruction concurremment avec le ministère public et l'inculpé. C'est, en réalité, le germe de la procédure contradictoire qu'il paraît utile d'organiser devant le juge d'instruction, véritable juridiction du premier degré.

Lorsque ces réformes seront entrées dans le domaine législatif, notre procédure criminelle, qui a suivi trop lentement le progrès des idées modernes, aura repris la place qu'elle doit occuper parmi les législations les plus libérales.

Il importe de remarquer, d'ailleurs, que la plupart des dispositions du projet ont été empruntées, quelquefois presque littéralement, au texte voté par le Sénat en 1882 ou voté par la Commission de la Chambre des Députés, et reproduit également dans le projet déposé au Sénat le 28 janvier 1896 au nom du Gouvernement. Toutefois, les nouvelles règles relatives à la détention préventive reposent sur une conception plus large du droit qu'a chaque citoyen au respect de sa liberté.

Nous avons tenu à incorporer les articles du projet au Code d'instruction criminelle, et nous y avons fait rentrer en même temps les articles 10, paragraphe 2, et 11 de la loi du 8 décembre 1897, d'ailleurs modifiés.

Cette méthode évite les controverses que peut faire naître la contradiction entre les textes nouveaux et ceux qui ne sont abrogés qu'implicitement; elle facilite les recherches à tous les intéressés et assure plus efficacement l'application des réformes voulues par le législateur. »

Voici le texte de la proposition nouvelle :

ARTICLE PREMIER.

PROPOSITION DE LOI

L'intitulé du chapitre VIII du livre 1, et les articles 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 135, 136, 296, 421 du Code d'instruction criminelle, sont modifiés ainsi qu'il suit :

CHAPITRE PREMIER. Des ordonnances du juge d'instruction au cours de l'information; de l'appel des ordonnances devant la Chambre du conseil ; de la liberté provisoire et du cautionnement (1).

Art. 113. Toute ordonnance ayant un caractère juridictionnel ou prescrivant une expertise, et rendue au cours de l'information, est immédiatement, à peine de nullité, communiquée par le juge au ministère public et portée, par lettre recommandée du greffier, à la connaissance de l'inculpé et de son conseil et de la partie civile au domicile élu.

L'ordonnance peut être frappée d'appel devant la Chambre du conseil du tribunal par le ministère public, l'inculpé et la partie civile. La Chambre du conseil est composée de trois juges et

Art. 114. d'un greffier.

Le juge qui instruit l'affaire ne peut jamais prendre part à la délibération.

Dans les tribunaux divisés en plusieurs chambres, les attributions

1.- L'intitulé actuel porte: De la liberté provisoire et du cautionnement.

de la Chambre du conseil sont dévolues à une ou plusieurs chambres autres que celles qui statuent correctionnellement.

Art. 115. L'appel résulte d'une déclaration mentionnée au procès-verbal du juge ou au bas de l'ordonnance, ou inscrite sur un registre tenu au greffe à cet effet.

Il doit être formé dans les quarante-huit heures de la date de l'ordonnance.

Il est immédiatement donné connaissance de l'appel par le greffier au procureur de la République qui devra faire comparaître l'inculpé au plus tard dans les quarante-huit heures de l'appel devant la Chambre du conseil, après avoir fait aviser la partie civile et le conseil de l'inculpé de la date et de l'heure de l'audience.

Art. 116. - La Chambre du conseil statue en dernier ressort. Son jugement est rendu le jour de la convocation, même en l'absence des parties régulièrement appelées, sans renvoi et ce à peine de nullité.

Le jugement est immédiatement notifié par le greffier à celles des parties qui n'y ont pas assisté, ainsi qu'au conseil de l'inculpé. La notification a lieu par lettre recommandée et ne contient que le dispositif du jugement. Les parties pourront prendre au greffe connaissance du jugement dont copie sera annexée à la procédure.

-

Art. 117. Les jugements de la Chambre du conseil peuvent être l'objet d'un recours en cassation seulement pour incompétence ou excès de pouvoir.

Le pourvoi est formé par déclaration au greffe dans les vingt-quatre heures du prononcé du jugement ou de la notification.

Art. 118. En toute matière et à toute période de la détention préventive, l'inculpé peut être mis en liberté provisoire à charge par lui d'élire domicile au siège du tribunal ou de la cour, et de prendre l'engagement de se représenter à tous les actes de la procédure, ainsi que pour l'exécution de la sentence, aussitôt qu'il en sera requis.

En cas de comparution devant la cour d'assises, l'accusé doit se constituer la veille du jour de l'audience.

Art. 119. En matière correctionnelle, la mise en liberté est de droit, cinq jours après le premier interrogatoire, en faveur de l'inculpé domicilié qui n'a pas été précédemment condamné à une peine d'emprisonnement de plus de trois mois pour crime ou délit de droit

commun.

Toutefois, le juge d'instruction peut, par une ordonnance motivée, maintenir la détention pour une durée de vingt jours au plus.

A l'expiration de ce délai, la Chambre du conseil peut, sur la demande du juge et les conclusions du ministère public, et après avoir entendu l'inculpé et son conseil, prolonger la détention préventive pour une nouvelle période de vingt jours. Ce délai peut être renouvelé plusieurs fois dans les mêmes formes.

Art. 120. — La mise en liberté peut être demandée en tout état de cause. Après l'ordonnance qui clót l'information, elle est accordée par la juridiction saisie.

Si la cour d'assises, après renvoi d'une affaire à une autre session, n'a pas statué sur la mise en liberté provisoire, la demande peut être portée devant la Chambre d'accusation.

Art. 121. La mise en liberté a lieu sans préjudice du droit que conserve le juge d'instruction de décerner, sur les conclusions du ministère public, un nouveau mandat d'amener, d'arrêt ou de dépôt si

des circonstances nouvelles et graves rendent cette mesure nécessaire ou si l'inculpé ne comparaît pas.

Toutefois, s'il s'agit d'un délit, la détention cessera de plein droit cinq jours après l'écrou de l'inculpé dans la maison d'arrêt ou de justice du lieu où se poursuit l'information, à moins que le juge d'instruction n'ait, dans ce délai et conformément au paragraphe 2 de l'article 119, rendu une ordonnance prescrivant, pour une durée de vingt jours au plus, le maintien de la détention. Cette période de vingt jours peut être renouvelée dans les conditions prévues par le paragraphe 3 de l'article 119.

Art. 122. Après le dessaississement du juge d'instruction, la juridiction compétentes aux termes de l'article 120, peut, s'il y a lieu, sur les réquisitions du ministère public, retirer au prévenu le bénéfice de la liberté provisoire, ou si le prévenu ne comparaît pas ou est en fuite, décerner contre lui un mandat d'arrêt ou de dépôt, ou une ordonnance de prise de corps.

[ocr errors]

Art. 123. La mise en liberté provisoire peut, dans tous les cas où elle n'est pas de droit, être subordonnée par la juridiction compétente à l'obligation de fournir un cautionnement dans les conditions prévues par les articles 124 et suivants.

Ce cautionnement garantit :

1° La représentation de l'inculpé à tous les actes pour lesquels sa présence est requise et pour l'exécution du jugement;

2o Le paiement dans l'ordre suivant :

1o Des frais faits par la partie publique ;

2o De ceux avancés par la partie civile;

3o Des amendes.

L'ordonnance de mise en liberté détermine la somme affectée à chacune des deux parties du cautionnement.

[ocr errors]

Toute tierce personne solvable peut être également admise à prendre l'engagement de faire représenter le prévenu elargi à toute réquisition de justice ou, à défaut, de verser au Trésor la somme déterminée. Art. 124. Dans le cas où la liberté provisoire est subordonnée au cautionnement, il est fourni en espèces, billets de banque, titres de l'Etat ou garantis par l'Etat, appartenant soit à un tiers, soit à l'inculpé.

Néanmoins, le juge peut admettre la consignation de tout autre titre, si le ministère public et la partie civile déclarent en reconnaître la valeur.

La partie qui dépose les espèces ou titres souscrit l'engagement prévu par l'article précédent.

Si le cautionnement consiste en espèces ou en titres, ils sont déposés entre les mains du receveur de l'enregistrement et le ministère public, sur le vu du récépissé, fait mettre le détenu en liberté.

S'il résulte de l'engagement d'un tiers, la mise en liberté est ordonnée sur le vu de l'acte de soumission reçu au greffe.

Préalablement à la mise en liberté, avec ou sans cautionnement, le détenu doit, par acte au greffe, élire domicile: s'il est inculpé, dans le lieu où siège le juge d'instruction; s'il est prévenu ou accusé, dans celui où siège la juridiction saisie du fond de l'affaire.

Art. 125. Les obligations résultant de la première partie du cautionnement cessent si l'inculpé se présente à tous les actes pour lesquels sa présence est requise.

1

La première partie du cautionnement est acquise à l'État du moment que l'inculpé, sans motif légitime, est constitué en défaut de se présenter à tous les actes de la procédure ou pour l'exécution du jugement.

Néanmoins, en cas de renvoi des poursuites, d'absolution ou d'acquittement, l'ordonnance de non-lieu, le jugement ou l'arrêt peut ordonner la restitution de cette partie du cautionnement.

La seconde partie du cautionnement est toujours restituée en cas d'acquittement, d'absolution ou de renvoi des poursuites.

En cas de condamnation, elle est affectée aux frais et à l'amende dans l'ordre énoncé dans l'article 123; le surplus, s'il y en a, est restitué. Art. 126. Le ministère public, soit d'office, soit sur la provocation de la partie civile, est chargé de produire à l'Administration de l'enregistrement, soit un certificat du greffe constatant, d'après les pièces de la procédure, la responsabilité encourue dans le cas de l'article 125, paragraphe 2, soit l'extrait du jugement dans le cas prévu par l'article 125, paragraphe dernier.

Si les sommes dues ne sont pas déposées, l'Administration de l'enregistrement en poursuit le recouvrement par voie de contrainte.

La Caisse des dépôts et consignations est chargée de faire sans délai, aux ayants droit, la distribution des sommes déposées ou recouvrées. Toute contestation sur ces divers points est vidée sur requête, en Chambre de conseil, comme incident de l'exécution du jugement. L'ordonnance par laquelle le juge d'instruction clôt l'information doit être immédiatement, à peine de nullité, portée par lettre recommandée du greffier à la connaissance de l'inculpé et de son conseil et de la partie civile au domicile élu.

Art. 135.

Le procureur de la République et la partie civile peuvent interjeter appel de l'ordonnance de clôture.

L'inculpé peut interjeter appel seulement :

1° Pour cause d'incompétence;

2o Si le fait n'est pas prévu et puni par la loi ;

3o Si l'action publique est éteinte ou non recevable;

4o Si une nullité a été commise au cours de l'instruction.

L'appel résulte d'une déclaration inscrite sur un registre tenu au greffe à cet effet.

Il doit être formé dans le délai de quarante-huit heures de la date de l'ordonnance.

L'appel est porté devant la Chambre des mises en accusation qui doit statuer toute affaire cessante.

Les pièces seront transmises ainsi qu'il est dit en l'article 133. Néanmoins la disposition de l'ordonnance de clôture qui prononce la mise en liberté du prévenu sera provisoirement exécutée.

Le Procureur général peut également faire appel de l'ordonnance de clôture.

Il doit notifier son recours dans les dix jours de l'ordonnance. Art. 136. La partie civile qui succombera dans son appel contre l'ordonnance de cloture sera condamnée, s'il y a lieu, aux dommagesintérêts envers le prévenu.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Art. 296. § 1er. (Texte du Code d'instruction criminelle). § 2. (Nouveau). Lorsque l'accusé en liberté provisoire n'aura pas comparu, après sommation de se présenter pour être interrogé, le délai courra à partir du jour fixé pour la comparution.

[blocks in formation]

Art. 421.

§ 1o.- (Texte du Code d'instruction criminelle). § 2. (Nouveau). La demande de liberté provisoire sera portée devant la juridiction qui a prononcé la peine, ou devant la Chambre des mises en accusation, si la peine a été prononcée par la Cour d'assises.

§3. (Ancien § 2 de l'article 421).

§ 4.

ART. 2.

(Ancien § 3 de l'article 421).

Sont abrogés le § 2 de l'article 10 et l'article 11 de la loi du 8 décembre 1897.

[ocr errors]

ART. 3. La présente loi est applicable à l'Algérie et aux colonies de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion.

II. Le projet de loi sur la répression des outrages aux bonnes mœurs au Sénat.

Le Sénat a adopté en deuxième lecture, avec modifications, dans sa séance du 25 mars dernier (1904), après d'intéressantes et graves observations de M. le rapporteur Guillier et de M. Bérenger, le projet d'initiative gouvernementale, déjà adopté à la Chambre, tendant à la répression plus efficace des outrages aux bonnes mœurs. C'est depuis l'adoption en première lecture, ainsi que l'a indiqué au seuil de la discussion l'honorable rapporteur, qu'après nouvel examen ont dû être apportées au projet primitif, soit sur l'initiative du gouvernement, soit sur celle de plusieurs sénateurs, un certain nombre de modifications de détail à l'ensemble primitif du projet, que le Sénat a sanctionnées après quelques explications échangées.

Ces modifications sont relatées et justifiées par la Commission dans un rapport supplémentaire en date du 17 mars précédent (1), rapport qu'il a paru intéressant d'analyser, s'agissant principalement, après les révélations de M. Bérenger sur une situation malheureusement trop réelle, de donner au gouvernement les armes les plus efficaces pour mettre fin à une exploitation pornographique et à un système d'exhibitions scandaleuses dont se préoccupent à juste titre tous ceux qui ont le juste souci de la morale publique et de la protection de l'enfance.

Voici, analysée aussi brièvement que possible, la revue des articles nouveaux et des modifications dont s'agit :

ARTICLE PREMIER.

[ocr errors]

La Commission supprime comme inutile le préambule qui modifiait les lois de 1882 et de 1898. Par l'article 7 elle les abroge.

L'article premier punit la contravention résultant de la vente ou de l'exposition publique d'un certain nombre d'objets ou images obscè

nes.

Il visait le fait d'exposer publiquement des livres dont les titres ou les dessins extérieurs seraient jugés obscènes ou contraires aux bonnes mœurs.

On a remplacé cette formule par celle-ci : « des livres dont les couvertures exposées publiquement porteraient des titres ou des dessins extérieurs, jugés obscènes ou contraires aux bonnes

[blocks in formation]

Lois nouvelles, 1904. 2. partic. Revue de travaux législatifs.

13

« PreviousContinue »