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Peu importe qu'une ancienne postulante n'ait jamais prononcé de vœux, s'il résulte des faits qu'elle est restée dans un état de subordination vis-à-vis de la supérieure de la congrégation: Trib. corr. Issoire, 5 juin 1903; Salveton, Dlle Grange, etc. (Gaz. Pal., 9 juillet 1903).

En définitive, en ce qui concerne l'application de la loi du 1er juillet 1901, les vœux ne peuvent pas être invoqués comme un élément essentiel de la qualité de congréganiste, et les prescriptions de cette loi sont applicables aussi bien aux novices qu'aux frères profès, s'ils observent les règles de la congrégation dissoute et sont revêtus d'un costume semblable, à quelques différences près, à celui des profès.

L'abandon du costume religieux ne saurait impliquer la rupture de tout lien avec la congrégation, alors même que l'ancien congréganiste se prévaudrait de lettres de sécularisation émanées du supérieur, si d'ailleurs la sécularisation invoquée n'est qu'une manoeuvre concertée avec les membres de la congrégation et la maison mère, pour se soustraire aux prescriptions de la loi.

Et ce caractère doit lui être reconnu, lorsqu'il résulte de lettrescirculaires autographiées saisies dans un autre établissement de la même congrégation que les anciens congréganistes, sur l'ordre du supérieur général, devront garder leur vou de chasteté et rester sous la juridiction du supérieur ou de tout autre frère qui en aura reçu le pouvoir; que les dispenses des voeux de chasteté et d'obéissance ne pourront être données que pour un an, et que les congréganistes porteront, sous leurs vêtements séculiers, une partie de leur costume religieux.

Commettent donc une infraction à la loi du 1er juillet 1901 les congréganistes qui continuent, après la dissolution de leur ordre, à diriger la maison d'école par eux fondée, en se prévalant de sécularisations accordées dans ces conditions: Bourges (ch. corr.), 30 juillet 1903; Cluzel, Ginet et autres (Gaz. trib., 12 septembre 1903).

Mais est à bon droit relaxé des poursuites exercées contre lui, pour avoir fait partie d'une congrégation non autorisée et d'avoir, en cet état, donné l'enseignement, alors qu'il n'est pas établi qu'il soit resté en relations avec la congrégation et sous sa dépendance, celui qui faisant partie, à titre de novice, d'une congrégation à laquelle l'autorisation a été refusée, abandonne l'établissement auquel il appartenait, quitte l'habit religieux, se retire dans sa famille et vient se fixer dans un établissement où il est engagé comme auxiliaire par un directeur d'école en réalité faisant partie d'une congrégation non autorisée, mais qui se donnait et qu'il a pris pour le directeur d'une école laïque, qui, enfin, occupe une habitation distincte

de l'établissement Cass. (crim.), 18 décembre 1903 (Gaz. trib., 24 décembre 1903).

23. Écoles et simples garderies.

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Faits d'enseigne

ment accidentels. Distinctions. - Le mot École, dans son acception la plus générale, suppose l'instruction donnée à plusieurs enfants appartenant à des familles différentes, et réunis dans le même local Trib. corr. Carolles, 27 juin 1903 (Gaz. trib., 18 septembre 1903); Grenoble, 21 février 1903 (Rec. Gaz. Trib. 1903, 1er sem., 2. 462).

:

Jugé pourtant, au point de vue de l'application de la loi de 1901, qu'il peut y avoir école, encore bien que les élèves ne soient reçus qu'individuellement : Trib. corr. Issoire, 10 avril 1903; Danglard (Gaz. Pal., 28 mai 1903).

D'autre part, soit qu'on se réfère à la législation de l'enseignement soit à celle des associations et congrégations, à côté des écoles primaires, de l'école maternelle également, soumise au décret du 28 janvier 1887, il existe des garderies d'enfants, non prévues par la loi et dont l'ouverture n'est soumise à aucune formalité légale : Trib. corr. Gray, 30 décembre 1902; Guyard et Verpy (Gaz. Trib., 26 avril 1903). Dans de telles garderies, le fait d'avoir incité des enfants à copier des lettres écrites sur un tableau peut n'être considéré que comme un fait accidentel de jeu usuel.

S'il résulte des circonstances que les gardiennes n'ont pas eu l'intention de donner l'instruction primaire, elles doivent être relaxées, comme n'ayant pas eu l'intention de commettre un délit : Trib. corr. Gray, précité.

De même l'enseignement du catéchisme doit être considéré, non comme un fait d'instruction, mais comme l'exercice du culte : Amiens (ch. corr.), 21 mars 1903 (Gaz. Trib. du 29 mars 1903); trib. corr. Vannes, 21 mai 1903 (Gaz. Trib., 9 juin 1903).

De même encore, donner des répétitions à deux enfants et les surveiller est permis et ne saurait constituer des actes continuant l'œuvre de la congrégation.

Le fait d'examiner des devoirs sans les corriger et celui de se livrer à des entretiens sur l'histoire et la littérature, avec des jeunes filles ayant terminé leurs études et munies de leur certificat d'études, ne constituent pas des actes d'enseignement tombant sous le coup de la loi, pas plus que celui de garder et de conduire à la promenade le jeudi quelques fillettes: Amiens (ch. corr.), 4 décembre 1903; Belin et Tissier (Gaz. Trib., 16 janvier 1904).

Dans le même ordre d'idées que l'arrêt rapporté, il a été jugé que, quel que soit le nombre des enfants par elle reçus, ne tient pas une

école, la personne qui se borne à enseigner à des petites filles le catéchisme, l'histoire sainte, ou des travaux d'aiguille; à de jeunes garçons, la gymnastique ou les exercices militaires Lyon, 2 juin 1903 (Rec. Gas. des Tribunaux, 1903, 2° sem., 2.469, avec note).

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Prévenu.- Bonne foi. Erreur de fait.

24. Erreur de droit. Dans les principes généraux du droit, l'ignorance de la loi n'est jamais un motif qui puisse servir de base à l'absolution de l'auteur d'un fait incriminé par un texte pénal; elle ne peut être prise en considération par le juge que pour apprécier le degré de culpabilité de l'agent, pour déterminer la quotité de la peine entre le maximum et le minimum. Il en est ainsi sans qu'il y ait à s'arrêter à la nature du délit, que celui-ci constitue un acte méchant par lui-même, ou qu'il ne soit qu'un délit de convention (1).

Il en est de même de l'erreur de droit, c'est-à-dire de celui qui, connaissant la loi, en fait, par suite d'une fausse conception de ses prescriptions, une application inexacte.

<< Chacun, dit Haus (Principes généraux du droit pénal Belge. << p. 411, no 557), est présumé comprendre la portée de la loi pénale << dont il a connaissance : c'est à l'ac usé ou au prévenu qui prétend << l'avoir enfreinte de bonne foi à détruire cette présomption légale. << Pour la détruire, il ne lui suffit pas de dire qu'il s'est trompé lui« même; il ne lui suffit même pas de soutenir qu'il a été trompé par << ceux qu'il a consultés et dont il prétend s'être approprié l'opinion « erronée ; car il reste toujours incertain s'il a partagé cet avis ou s'il << n'a pas intentionnellement enfreint la loi. »

Ce sont ces principes que la cour suprême, dans plusieurs arrêts, vient de rappeler et de maintenir, sans aller toutefois jusqu'à faire des infractions à la loi de 1901 des délits contraventionnels, c'est-à-dire existant en dehors de toute intention délictueuse du prévenu.

Dajà dans l'affaire de Mile Trividec, par cassation d'un arrêt de la Cour de Rennes du 27 mai 1903, la chambre criminelle avait décidé que l'erreur de droit commise par le congréganiste qui pensait à tort qu'une demande d'autorisation ayant été tardivement déposée, il n'encourait pas les pénalités légales jusqu'au jour où un refus d'autorisation lui aurait été régulièrement notifié, ne peut, quelle qu'en soit la cause, faire disparaître la culpabilité d'actes volontairement com

1.

Conclusions de M. le Procureur général Beaudoin avec Cass., 10 juillet 1903; Trividec (Gaz. Pal., du 24 juillet 1903). — Comp. Garraud, no 236; Blanche, tome Il, no 268; Ortolan, Eléments de droit pénal, no 738; Haus, tome 1er, p. 704; Villey, p. 117; Garçon, Code pénal annoté, art. 1er, no 85 et s.

mis Cass. (crim.), 10 juillet 1903 (Gaz. Pal., 24 juillet 1903); Comp. Cass. 27 novembre 1903 (Gaz. trib., 3 décembre 1903).

De même, un arrêt de la cour de Toulouse ayant décidé que nul ne devant facilement être réputé avoir renoncé à son droit; que pour qu'une telle renonciation soit valable, il faut non seulement qu'elle soit établie par des preuves irrécusables, mais encore qu'elle ait été faite par une personne pleinement éclairée sur l'étendue de son droit, et qu'on ne saurait l'induire de déclarations plus ou moins réfléchies, et dénotant l'inexpérience de la personne de qui elles émanent;

Que d'autre part, si une renonciation est entachée d'erreur, elle n'est pas plus valable dans le domaine du droit pénal que dans celui du droit civil;

Que par suite et spécialement, lorsqu'une institutrice congréganiste a fermé l'école primaire libre qu'elle dirigeait, dans la pensée erronée que cette fermeture était la conséquence nécessaire et forcée de la suppression de l'établissement congréganiste dont elle faisait partie. le consentement qu'elle a donné à cette fermeture doit être considéré comme nul et non avenu, et que cette institutrice ne saurait être poursuivie pour n'avoir pas fait, lors de la réouverture de son é ole, la déclaration prescrite par les art. 37 et 38 de la loi du 30 octobre 1886 : Toulouse (ch. corr.), 26 juin 1903; Coste (Gas. Pal., 6 juillet 1903), sur le pourvoi du procureur général, la chambre criminelle a, en sens contraire encore, maintenu sa jurisprudence en décidant qu'en ce qui concerne l'appréciation de l'intention des parties, l'appréciation des cours d'appel n'est souveraine qu'autant qu'elle n'est pas en contradiction avec le caractère légal qui appartient aux circonstances appréciées par ces arrits.

Et spécialement que la bonne foi du prévenu ne peut être admise en l'état des faits constatés, dès lors qu'elle constitue une erreur de droit et, par suite, une violation de la loi : Cass. (crim.), 4 décembre 1903 (Gaz. Pal. du 29 décembre 1903; Gaz. trib., 1-2 février 1904).

Toutefois il doit exister un tempérament à cette rigueur, et les auteurs admettent généralement certains tempéraments à cette règle rigoureuse, notamment quand il s'agit de délits de droit positif. Tel paraît bien être le cas des diverses dispositions de la loi de 1901 sur les associations. L'ignorance ou l'erreur excluent toute imputabilité, si l'ignorance ou l'erreur était invincible, car alors il n'y a ni dol, nj faute Haus (Principes généraux de droit pénal belge, no 659-666); Lainé (Traité élém. de droit criminel, no 205).

En tous cas, lorsque les prévenus, poursuivis par application d'une loi, déclarent qu'ils ont le droit et le devoir de ne tenir aucun compte de cette loi, le juge peut déclarer qu'il y a lieu de

prononcer, et prononcer une peine sévère par application du droit. d'après les circonstances de la cause et l'attitude des prévenus, la gravité de l'infraction, sans qu'il y ait lieu de prétendre que le juge a en ce faisant tenu compte d'un délit d'opinion: Cass. (crim.), 26 novembre 1903; Lahoudès; (Gaz. trib. des 1er et 2 février 1904).

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25. Complicité. Conseils donnés de ne pas se soumettre à la loi. — Distinction. Tout d'abord et rationnellement, décidé que ne peuvent être considérés comme affiliés à la congrégation des domestiques payés par les membres de la Compagnie Trib. corr. Rouen, 16 juin 1903; de Caussans (Gaz. trib., 25 juin 1903).

Quant à la responsabilité des tiers à raison des conseils par eux donnés pour éluder ou violer la loi de 1901, une distinction a été proposée :

Le tiers qui a conseillé à une congrégation religieuse non autorisée de ne pas se soumettre à la loi du 1er juillet 1901 ne peut être regardé comme complice du délit commis par cette congrégation.

Il ne peut, non plus, être retenu à raison des instructions qu'il est prétendu avoir données, lorsqu'il est impossible de relever des indications ou des renseignements sciemment donnés et utilisés par l'auteur principal.

Au contraire, s'il est le directeur canonique de la congrégation, et s'il a usé de son autorité pour déterminer les membres de la congrégation à ne pas se soumettre à la loi, et s'il a assuré à la congrégation des moyens matériels de subsistance, de sorte que, sans son concours, son existence eût été impossible, il s'est rendu complice par aide et assistance, et non auteur principal: Trib. corr. Pontoise, 20 mai 1903 (Gaz. trib., 5 septembre 1903).

26. Propriétaire. Éléments du délit de complicité prévu aux textes. - Ainsi qu'il a été expliqué au précédent commentaire (1), et par application des articles 8 § 3, loi du 1er juillet 1901. et du paragraphe 3 de l'article unique de la loi du 4 décembre 1902, il a été jugé :

1° Que le propriétaire d'un immeuble loué aux membres d'une congrégation supposés sécularisés ne saurait être considéré comme complice, alors que de sa part l'élément intentionnel fait défaut, et que, d'ailleurs, dans son bail, il avait inséré une clause de résiliation pour le cas de reconstitution de la Compagnie dissoute: Trib. corr. Rouen, 16 juin 1903; de Caussans (Gaz. trib., 25 juin 1903).

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1. Le régime des congrégations; Lois nouv.. 1903.1, pages 11 et suiv., 19 et suiv.

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