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de rechercher si le nouvel établissement était ou non une dépendance de la congrégation: Cass. (crim.), 26 novembre 1903; Tissier, Lambert, etc. (Gaz. trib., 1er, 2 février 1904). Comp. Cass., 30 octobre 1903 (Rec. Gaz. trib. 1904, 1er sem., 1. 32; Gaz. Pal., 1903. 2. 517). Mis en demeure de statuer sur des chefs d'articulation précis, le juge ne saurait se refuser à statuer sur les points de droit ou de fait relevés par la prévention, à peine d'encourir la cassation.

Ainsi lorsqu'à l'appui de la prévention contre une religieuse laicisée, le ministère public soutient que la persistance de l'affiliation de cette religieuse à la congrégation résulte notamment d'une lettre saisie à la poste et adressée par elle à la supérieure de la congrégation, avec cette circonstance particulière que cette lettre étant renfermée dans une autre lettre adressée à une tierce personne chargée de la remettre à la destinataire, la prévenue a pris des précautions particulières en vue de dissimuler ses relations avec la congrégation, ce qui tendrait à établir qu'elle en faisait encore partie, les juges du fait ne peuvent, après avoir reconnu que la lettre saisie a été écrite au su et à l'instigation de ladite prévenue, se borner à déclarer que l'envoi de cette lettre n'est pas une preuve suffisante à l'appui de la prévention, parce qu'elle ne renferme aucun terme de subordination, aucune demande de conseil : ce motif de l'arrêt ne répond pas suffisamment à la prétention du ministère public, qui invoque, comme preuve de l'affiliation de la prévenue à la congrégation, non seulement les termes de la lettre, mais aussi la voie détournée et secrète qui a été employée pour la faire parvenir: Cass. (crim.), 17 décembre 1903; Séjourné (Gaz. Pal., 12 février 1904). V. encore Cass., 17 septembre 1903 (Gaz. Pal. 1903.2.516).

<< Le motif invoqué ci-dessus, porte l'arrêt de la cour suprême, ne répond pas suffisamment à la prétention du ministère public qui invoquait, comme preuve de l'affiliation de la prévenue à la congrégation, non seulement les termes de la lettre, mais aussi la voie détournée et secrète qui avait été employée pour la faire parvenir; la cour, mise en demeure de s'expliquer sur ce point, a omis de le faire et a ainsi violé l'article 7 de la loi du 20 avril 1810 ».

-

30. Etablissements d'enseignement. Du sens de cette expression: un établissement congréganiste, de quelque nature qu'il soit. Arrêts du Conseil d'Etat des 19 et 20 juin 1903. — Spécialement et quant à l'enseignement, s'agissant toujours de définir cette expression: un établissement congréganiste de quelque nature qu'il soit», on sait que c'est de la personnalité du maître que doit être déduit le caractère de l'œuvre, abstraction faite des circonstances extrinsèques de propriété du local

et d'entretien ou de rémunération du personnel, les lois qui régissent l'enseignement devant se combiner, en la matière, avec les règles qui régissent aujourd'hui les congrégations. C'est ce qu'ont établi, sans que les sanctions de la loi du 4 décembre 1902 pussent être appelées à jouer, plusieurs arrêts rendus par le Conseil d'État dans ses audiences. des 19 et 20 juin 1903, qu'il a paru intéressant de relater et d'analyser tout d'abord, à raison des définitions et précisions qui s'y rencontrent (1).

Il y avait lieu, pour le Conseil d'État statuant au contentieux, d'examiner les pourvois de trois propriétaires d'écoles libres, ouvertes par des laïques dans des locaux leur appartenant et où l'enseignement était donné par des congréganistes, membres de congrégations autorisées, que les propriétaires avaient pris à leur service et qu'ils rétribuaient après s'être réservé, par contrat, la faculté de les congédier. Il s'agissait de savoir si des écoles fonctionnant dans ces conditions avaient une existence légale, en vertu de l'article 2 de la loi de 1886, qui a reconnu le droit des particuliers de fonder des écoles libres, sans distinction entre l'enseignement laïque et l'enseignement congréganiste ; ou si, au contraire, lesdites écoles tombaient sous le coup de l'article 13 § 2 de la loi de 1901, qui ne permet aux congrégations, même autorisées, d'ouvrir un nouvel établissement, en dehors du lieu où ces congrégations ont leur siège, qu'en vertu d'un décret rendu en Conseil d'Etat.

Dans l'affaire de l'école de Vingt-Hanaps, M. Saint-Paul avait conclu au rejet du recours, comme non recevable, celui-ci ayant été formé contre un arrêté du préfet de l'Orne, qui n'était qu'une simple mise en demeure, auquel les auteurs du recours (Mlle Lebas et Mme Tourangin) n'étaient pas tenus de se conformer, un décret rendu en Conseil des ministres étant nécessaire pour prononcer la fermeture d'un établissement de congrégation, et ce décret seul étant susceptible de

recours.

Mais dans les deux autres affaires, celle de l'école de Dormans, fondée, dans son immeuble, par M. Le Conte, à ses frais, et tenue par des frères des écoles chrétiennes, et celle de l'école de Saint-Guyomard tenue, dans des conditions à peu près analogues, par les sœurs du Saint-Esprit, M. le commissaire du gouvernement avait conclu à l'admission des recours et à l'annulation des décrets et arrêtés qui ont prescrit la fermeture de ces écoles.

Dans chacune de ces deux dernières espèces, en effet, M. Saint-Paul estimait qu'on était, suivant la formule de M. Waldeck-Rousseau, en

1. V. sur tous ces points Commentaire de la loi du 4 décembre 1902, aux Lois nouv. 1903.1, p. 15 et suiv., avec l'Avis du Conseil d'Etat du 23 janvier 1902.

présence d'un tiers qui a fait appel à des congréganistes pour donner l'enseignement chez lui, et non en présence de congréganistes qui ont fait appel à des tiers pour n'avoir pas à demander l'autorisation.

Par suite, les écoles de Dormans et de Saint-Guyomard ne constituaient pas des établissements congréganistes, et leur fermeture n'avait pu être ordonnée sans excès de pouvoir.

Contrairement à ces conclusions, le Conseil d'État a rejeté indistinctement toutes les requêtes, pour excès de pouvoir, qui lui étaient présentées.

Voici la synthèse des arrêts ainsi rendus :

I. En présence d'un traité passé par le propriétaire d'un immeuble avec le supérieur général d'une congrégation autorisée pour assurer l'ouverture et le fonctionnement d'une école à ouvrir par les soins de membres de ladite congrégation, le caractère de cette école privée doit être déterminé par la personnalité de l'instituteur, qui a fait la déclaration prescrite par l'article 37 de la loi du 30 octobre 1886, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la personnalité des tiers qui mettent leurs immeubles ou leurs deniers à la disposition de ces établissements scolaires.

II. Il ne suffit pas qu'un établissement nouveau fondé par une congrégation autorisée dans le domicile d'un particulier ait un caractère précaire, pour que ledit établissement soit affranchi de la nécessité de demander l'autorisation, et il ne peut avoir d'existence licite qu'en vertu d'un décret rendu en Conseil d'État.

Par suite, ni le décret qui a prescrit la fermeture d'un établissement nouveau, formé en dehors du lieu où la congrégation est autorisée à avoir son siège, ni l'arrêté pris par un préfet pour assurer l'exécution du décret ne sont entachés d'excès de pouvoir.

Cons. d'Etat (contentieux), 19 et 20 juin 1903 (Gaz. trib., 1er juillet 1903).

<< Considérant, porte le premier des deux arrêts de rejet (affaire Le Conte) qui statuent dans des termes à peu près identiques, qu'il résulte de l'instruction que le requérant, après avoir fait construire à Dormans une maison d'école et l'avoir garnie du mobilier nécessaire, a, le 17 octobre 1901, passé, avec le supérieur général des frères des écoles chrétiennes, un traité, dans le but, d'une part, d'assurer l'ouverture et le fonctionnement de la future école par les soins d'un frère directeur et de deux frères adjoints, et, d'autre part, de fixer l'étendue et la durée des obligations contractées par le requérant en faveur du personnel enseignant;

«

<< Considérant que, pour demander l'annulation du décret et de l'arrêté préfectoral attaqués, le requérant soutient que l'article 13 § 2 de

la loi du 1 juillet 1901 n'est pas applicable à l'école primaire fondée et entretenue par lui, en vertu du droit qu'il tient de la loi du 30 octobre 1886, et que cette école n'a pu être fermée, malgré lui, sans excès de pouvoir;

<< Mais considérant qu'aux termes de la loi de 1886, les écoles tant publiques que privées constituent des établissements d'enseignement primaire; que si une école privée peut être soit un établissement laïque, soit un établissement congréganiste, son caractère à cet égard est notamment déterminé par la personnalité de l'instituteur, qui a fait la déclaration prescrite par l'article 37 de la loi précitée, cette loi ne tenant aucun compte de la personnalité des tiers qui mettent leurs immeubles ou leurs deniers à la disposition de ces établissements scolaires ;

<< Considérant, il est vrai, que le requérant prétend, en outre, que bien que l'école de Dormans soit, ainsi qu'il le reconnaît, une école congréganiste, elle ne constitue pas un nouvel établissement de la congrégation des frères, au sens de l'article 13 précité, parce qu'à raison de son défaut de permanence et de sa précarité, cet établissement ne serait soumis à aucune autorisation;

<< Mais, considérant que, si le séjour d'un membre d'une congrégation enseignante au domicile d'un particulier ne peut donner à ce domicile le caractère d'un établissement congréganiste, il serait non moins contraire à la lettre qu'à l'esprit de la loi de décider que les établissements nouveaux, au sens propre du mot, fondés dans des conditions qui ne leur permettraient pas d'espérer l'autorisation, se trouvent affranchis de la nécessité de la demander, parce qu'ils sont précaires ;

<< Considérant, en effet, que l'article 13 n'a fait aucune distinction entre le caractère permanent ou temporaire des nouveaux établissements formés en dehors du lieu où la congrégation est autorisée à avoir son siège, et qu'en conséquence l'application dudit article est justifiée alors que, comme dans l'espèce, les membres de la congrégation entreprennent et accomplissent l'œuvre d'enseignement, qui est le but de leur institution, ailleurs qu'au siège même de cette congrégation; qu'il suit de là que l'établissement d'enseignement primaire fondé et fonctionnant à Dormans, dans les conditions ci-dessus rappelées, constituait, dans le sens de l'article 13 § 2 de la loi du 1er juillet 1901, un nouvel établissement de la congrégation des frères des écoles chrétiennes, et ne pouvait avoir d'existence licite qu'en vertu d'un décret rendu en Conseil d'Etat ; qu'ainsi ni le décret attaqué, ni l'arrêté pris par le préfet pour en assurer l'exécution, ne sont entachés d'excès de pouvoir;

« Décide:

<< Article premier.

La requête du sieur Le Conte est rejetée ».

31. Questions préjudicielles.

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- Conditions d'application de la loi du 4 décembre 1902. Décrets de tutelle. La loi du 4 décembre 1902, on l'a dit, n'a eu pour objet que d'attacher des sanctions pénales aux prescriptions et prohibitions de la loi organique de 1901, dans celles de ses parties qui en étaient primitivement dépourvues.

L'application de l'ensemble a donné lieu à un certain nombre de difficultés ou de controverses, déjà examinées pour la plupart aux précédents commentaires, mais sur lesquelles il faut s'apesantir encore. Quelle est, notamment et en premier lieu, au regard d'une poursuite basée sur le paragraphe 1" de la loi de 1902 (ouverture, par une congrégation autorisée, d'un établissement non autorisé), la valeur d'un de ces actes émanés des précédents gouvernements, dits décrets de tutelle, dont il a été antérieurement traité aux commentaires ? (1). L'existence d'un de ces décrets, autrement dit, peut-elle soustraire les prévenus qui en excipent aux obligations et sanctions légales, ou du moins faire la preuve de leur bonne foi, exclusive de toute intention délictueuse et de toute répression pénale?

Telle est la question qui s'est posée devant la Cour de Poitiers et que celle-ci a résolue, conformément aux solutions données au commentaire de la loi organique, dans les termes ci-après reproduits :

1o Le décret par lequel, dans la période de 1861 à 1880, le Gouvernement a autorisé la supérieure générale d'une congrégation autorisée à accepter la donation d'un immeuble faite à cette congrégation, à la charge, notamment, d'entretenir dans le local donné une école. tenue par les religieuses de l'ordre, n'est pas le décret d'autorisation spéciale de l'établissement créé, prévu par les art. 3 et 4 de la loi du 24 mai 1825.

Par suite, cet établissement n'est pas légalement autorisé par ce décret, dit de tutelle, et le paragraphe 1er de l'article unique de la loi du 4 décembre 1902 est applicable à ses membres.

Et il n'y a lieu ni à sursis pour l'interprétation du décret ni à relaxe des prévenus :

Poitiers (ch. corr.), 5 février 1904 (2 arrêts); min. pub. c. dames Ritté et Chartier; min. pub. c. dames Riffé et autres (Gaz. Pal. 18 février 1904). Comp. Cass., 10 juillet 1903 (Gaz. Pal. 1903, 2.157); 14 novembre 1903 (Gaz. Pal. 1903. 2.555).

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1. V. MM. Trouillot et Chapsal dans leur Commentaire, chapitre XIII, no 6, aux Lois nouvelles 1902-1, p. 78 et suiv. Comp. Commentaire de la loi du 4 décembre 1902 aux Lois nouvelles 1903, 1, p. 22 et suiv.

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