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» Il est incendiaire aussi l'Evangile.

» Le libérateur du genre humain voulait étendre à toute la terre le feu sacré de la fraternité universelle; il avait en horreur les despotes, il fut leur victime, il aimait les peuples, il est leur sauveur; il l'est, citoyens, dans le sens le plus étendu, dans un ordre de destins qui embrasse le temps et

l'éternité. »>

L'orateur concluait que la France était sauvée par la liberté et le monde avec elle.

« Il n'y a plus, s'écriait-il, d'armées pour les despotes; il n'y en a plus que pour les nations. »

Ce magnifique discours de Fauchet se terminait par une oraison dont la sévère grandeur n'a de comparable que la

solennité de la cérémonie.

Par sa sincérité, par sa mâle éloquence, l'abbé Fauchet, émule de Grégoire, éleva au même niveau la Religion et la Révolution. Il n'en fut pas moins en butte aux attaques de la municipalité républicaine de Caen, qui défendit aux curés de lire en chaire une lettre pastorale dudit évêque. Celui-ci fit afficher, dans toutes les rues de la ville, une réponse virulente, dans laquelle on lisait des déclarations comme celles-ci :

« Quoi donc! vous n'oseriez pas défendre la publication du Journal de Marat, qui provoque l'assassinat de 200,000 citoyens et qui annonce un chef à l'Etat comme une manière inévitable; vous permettez au contraire la libre circulation de ces horreurs, et il vous plait d'attenter, en la personne de votre évêque, à la liberté de la presse et à la communication des pensées en matière de religion!... »

Plus tard, alors que le parti de la Gironde prenait les armes dans la ville de Caen, une jeune fille, revenant de la revue de la troupe, s'adossait, fatiguée, à l'établi d'un menuisier, 148, rue Saint-Jean, et prononçait tout haut ces paroles, en a parte:

<«< Non, il ne sera pas dit qu'un Marat règnera sur la France! >>

C'était Charlotte Corday.

Celle-ci partait de Caen le 9 juillet pour Paris, et l'évêque Fauchet, membre de l'Assemblée, la conduisit dans une des tribunes de la Convention.

On conçoit que, le 13 juillet, jour de l'assassinat de Marat par Charlotte, Fauchet fût soupçonné d'avoir connu son dessein, surtout lorsqu'on rapprocha ses paroles de l'acte de la jeune fille.

Il n'en était certes rien. Mais l'évêque, depuis longtemps dénoncé pour son opposition au mariage des prêtres, et défenseur intrépide des dogmes, comme de la liberté, bravait avec éclat les terroristes, s'étonnant de n'être pas plus tôt leur victime.

« Que faut-il donc faire,» s'écriait-il, lui secrétaire de la Convention, » pour tomber aussi sous les coups de ces

monstres? >>

Il comprit qu'il fallait donner sa démission, ce qu'il fit, en se mettant sous la sauvegarde du peuple. Il fut condamné le 31 octobre 1793 et périt, comme fédéraliste, avec les vingt et un députés de la Gironde.

L'ABBÉ DE MONTESQUIOU quitta la France pendant la Terreur, et, au retour, sous le Consulat, fut interné à Nimes, pour avoir refusé l'épiscopat dans la nouvelle église gallicane. Louis XVIII le nomma ministre de l'Intérieur, où l'on prétend que Guizot, l'un de ses secrétaires, répondant aux voeux de son chef, qui voulait que l'on fit la prière en entrant dans les bureaux, rima en son honneur cette oraison :

Opérez un miracle et faites, ô mon Dieu !

Que l'abbé Montesquiou devienne un Montesquieu.

L'ABBÉ GOUTTES. - Nommé évêque constitutionnel de Saône-et-Loire, il resta attaché à la monarchie constitutionnelle et au catholicisme, dont il combattit l'abolition. Devenu suspect aux Jacobins, il fut arrêté en février 1794, raduit le 28 mars suivant devant le tribunal révolutionnaire, et condamné à mort.

RoYou (Thomas-Maurice), né à Quimper, en 1741, d'abord chapelain de l'ordre de Saint-Lazare, puis professeur de philosophie au collège Louis-le-Grand, rédigea, à Paris, le Journal de Monsieur, puis collabora à l'Année littéraire, avec Fréron, son beau-frère. Royou, critique royaliste redouté, se vit repousser par le clergé, lors de l'élection aux Etats Généraux, bien qu'il fût secrétaire de l'assemblée électorale de ce corps. Il déploya dans l'Ami du Roi toute sa verve haineuse contre les partis et les personnes, et fut obligé de se soustraire aux passions ardentes qu'il déchaînait. L'abbé journaliste mourut dans sa cachette, le 21 juin 1793. Son œuvre fut continuée par un frère (Jacques Corentin), avocat, aussi de Quimper, dont les opinions réactionnaires et le style furent tellement les mêmes, que le public ne s'aperçut pas du changement de rédacteur.

Où vont tous ces prêtres ? demandions-nous au commencement de cet ouvrage? Pour répondre à cette question, il faudrait un autre livre, distinct de celui-ci. Nous avons, au cours de cette étude, et dans ces dernières pages, montré la destinée des principaux acteurs ecclésiastiques de ce grand drame, qui a transformé si profondément la société française et l'Eglise elle-même. Les recueils biographiques feront le reste.

FIN DU SECOND VOLUME ET DE L'OUVRAGE

TABLE DES MATIÈRES

Contenues dans le 2o Volume

CHAPITRE Ier

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Le serment. Sa prestation ou son refus par les ecclé-
siastiques membres de l'Assemblée. — Fastueuses paroles
des évêques-gentilshommes. Effets du serment sur
l'ensemble du clergé qu'il relève, sur la contre-révolution
qu'il rapproche de l'Eglise, sur les curés qu'il détache
de la Révolution. Il n'y a plus ni haut ni bas clergé.
Cause de la nouvelle conduite des curés, mal appré-
ciée par Thiers et Michelet. - Conséquences générales

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et inévitables du serment

I

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