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» 9° Item, après le dit cry mis à exécution soient ordonnez gens par les dits prevosts et eschevins, lesquels se tiendront aux portes de cette ville de Paris pour garder et deffendre que aucuns malades de cette ditte maladie me entrent apparamment ou segrettement en cette ditte ville de Paris.

>> Item, soit pourveu par ceux qui sont deputez à recevoir l'argent donné et aumosné aux dits malades à ce que à iceux retirés ès dittes maisons soit pourveu de vivres et autres choses nécessaires soigneusement et en diligence, car autrement ils ne pourraient obeyr aux dittes ordonnances. »>]

[Le règlement ci-dessus étant, sous certains rapports, tombé en désuétude, il y fut rappelé par une ordonnance du prévost de Paris, non moins sévère dans ses dispositions; elle porte la date du 25 juin 1498. En Foici le texte :

« Combien que par cy devant ait été publié et ordonné à son de trompe et cry public par les carrefours de Paris, à ce qu'aucun n'en peut pretendre cause d'ignorance, que tous malades de la grosse verole vuidassent incontinent hors la ville, et s'en allassent, les etrangers ès lieux dont ils sont natifs, et les autres vuidassent hors de la ditte ville sur peine de la hart; néantmoins les dits malades en contemnant les dits cris sont retournés de toutes parts et conversent parmi la ville avec les personnes saines, qui est chose dangereuse pour le peuple et la seigneurie qui, à present, est à Paris. L'on deffend de rechef, de par le Roy et monsieur le prevost de Paris, à tous les dits malades de la ditte maladie, tant hommes que femmes, que, incontinent après ce présent cry, ils yuident et se départent de la

ditte ville et fors bourgs de Paris, et s'envoisent sçavoir les forains faire leur residence ès pays et lieux dont ils sont natifs, et les autres, hors la ditte ville et forsbourgs sur peine d'estre jettez à la rivière, s'ils y sont prins ce jourd'huy passé. Enjoint à tous commissaires carteniers et sergens, prendre ou faire prendre ceux qui y seront trouvés pour en faire exécution. »>

Il est certain qu'à partir de cette époque, les règlements qui ne traitaient de la prostitution que sous le rapport du scandale et des troubles qui pouvaient en résulter pour l'ordre public, eurent à s'en occuper encore au point de vue de l'hygiène publique, qui exigeait l'emploi de mesures sanitaires.]

En 1560, on en revint aux lois entièrement prohibitives un édit rendu à Orléans, dans le mois de janvier de cette année, ayant ordonné que les lieux de prostitution seraient supprimés dans toute l'étendue de la France, on tâcha de l'exécuter à Paris, et c'est dans ce but que le prévôt des marchands rendit son ordonnance de 1565. Cette date est curieuse cinq années écoulées entre le moment où l'on rend une loi et celui où l'on s'occupe de la mettre à exécution, montrent ce qu'était à cette époque la machine sociale. Ce qui achèvera de nous en donner une idée, c'est qu'il fallut des années pour assainir, si l'on peut se servir de cette expression, certaines rues de Paris. Les trois rues du Hurleux furent presque les dernières, les habitants résistèrent pendant cinq ans ; ils s'adressèrent à la justice pour être maintenus dans le droit de loger et de recevoir chez eux des prostituées, mais ils perdirent au tribunal du Châtelet; ils en appelèrent au roi, qui confirma la sentence des premiers juges. Cette sentence

ayant été lue aux deux extrémités de chacune de ces rues, les mauvais lieux qu'elles contenaient furent enfin fermés après trois siècles d'existence.

Suivant les commissaires de police de La Marre et Desessards, dans les ouvrages desquels j'ai puisé tous les détails de législation que je viens de rapporter, et beaucoup de ceux que je citerai encore, on parvint par ces voies rigoureuses à détruire dans Paris beaucoup de mauvais lieux; mais ces auteurs conviennent qu'à leur place il s'en forma une multitude de secrets, plus pernicieux que tous les autres. Ainsi le mal inhérent à la prostitution est toujours resté le même; sa force irrésistible a de tout temps fatigué ceux qui ont voulu employer la violence pour le comprimer; il n'a cédé qu'aux esprits sages qui se sont contentés de le diriger, et d'opposer des digues à ses envahissements et à ses excès les plus révoltants.

Malgré les progrès immenses que fit la civilisation dans le xvie et le xvu siècle, et les améliorations notables qui s'introduisirent alors dans l'ordre social, cet esprit d'intolérance contre tout ce qui regarde la prostitution, et que renouvela l'ordonnance de 1560, n'en resta pas moins en vigueur, et ce qui doit étonner, c'est qu'il se prolongea jusqu'à la fin du xviu siècle. L'ordonnance du prévôt de Paris, publiée en 1565, fut renouvelée en 1619; on y enjoignait aux filles de débauche de se mettre en condition sous vingt-quatre heures, ou de vider la ville et les faubourgs, comme s'il était possible à une malheureuse, manquant de tout, et signalée à l'indignation et au mépris publics, de trouver une place de domestique, ou même du travail, à sa première volonté !

$ 2. État de cette police et de cette législation depuis Louis XIV jusqu'à l'époque de la révolution.

Mesures prises en 1684 pour la répression des désordres inhérents à la prostitution. Institution des lieutenants de police chargés particulièrement de la surveillance des mœurs. - - Règlement de 1713. Combien il est remarquable sous le rapport de tout ce qui tient à la conservation de la liberté individuelle. Distinction qu'il établit entre la débauche et la prostitution publique. - Tout prouve qu'il n'a fait aucun bien. - Analyse des sentences prononcées par le lieutenant de police contre les prostituées, de 1724 à 1788. Ordonnance célèbre de 1778, rendue par le heutenant de police Lenoir. Elle prescrit des choses impraticables.

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Elle n'est cependant pas abrogée, et peut, d'après les lois actuelles, être remise en vigueur, Elle fait ressortir et met en évidence la profonde sagesse de saint Louis. - Elle n'améliore pas les mœurs et ne dimi nue pas le scandale. Elle simplifie la marche de l'administration. Appareil judiciaire mis en usage dans les jugements du lieutenant de police. — Tableau d'une séance tenue par ce magistrat.

En 1684, le lieutenant de police avait remplacé le prévôt dans celles de ses attributions qui concernaient la police des femmes de mauvaise vie. La déclaration du roi du 20 août de cette année lui maintient toute autorité à cet égard.

C'est en 1684 que commence la période des règlements dont se rapprochent le plus les formes qui s'observent aujourd'hui administrativement en matière de prostitution. A cette époque très remarquable, la capitale s'était déjà beaucoup agrandie, et la population était devenue bien plus considérable. En un siècle et plus, un des fléaux les plus funestes à l'humanité avait eu le temps de prendre un grand développement, et c'étaient les prostituées qui contribuaient le plus puissamment à sa propagation; la prévoyance même de Louis XIV confirma cette vérité, ainsi que nous l'avons fait remarquer ailleurs : ce ne fut plus dans une prison

ordinaire que durent être envoyées les prostituées, ce fut dans un hôpital. Trois ordonnances du roi parurent le même jour 20 avril 1684: l'une pour la punition et le traitement des filles d'une débauche publique et scandaleuse; l'autre pour la correction des enfants mineurs appartenant à des familles pauvres ; la dernière pour la correction des enfants appartenant à des parents aisés; les enfants pauvres devant être placés, les filles à la Salpêtrière, les garçons à Bicêtre; quant aux autres, la maison du Refuge leur fut particulièrement affectée, et il y eut pour eux un règlement spécial. Ainsi, pour la première fois, on fait une distinction très sensible entre le scandale de la prostitution publique et le scandale des mœurs dans les familles.

[On voit successivement se modifier les moyens d'administration, et succéder les mesures préventives les plus sages aux mesures arbitraires et barbares qui les avaient précédées; et, il faut le reconnaître, l'ordonnance du 16 mars 1687, qui voulait que toutes les femmes publiques trouvées dans Versailles et dans les deux lieues de rayon eussent les oreilles coupées, contraste avec les voies judicieuses, mesurées, à l'aide desquelles on pourvoyait, bien avant cette dernière époque, à ce double but d'ordre et d'hygiène publique. ]

Pour la répression comme pour la correction, il était procédé publiquement. Le lieutenant de police, nouvelle magistrature créée par Louis XIV, exerçait une juridiction toute spéciale en matière de mœurs; il poursuivait, il prononçait des sentences, et veillait à leur exécution; il graduait les punitions selon la gravité des cas. A cet égard, les attributions furent particulièrement réglées par la déclaration du 26 juillet 1713.

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