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ARTICLE IV.

ÉTABLISSEMENTS ACTUELLEMENT CONSACRÉS AU TRAITEMENT DES MALADIES VÉNÉRIENNES. SAINT-LAZARE, LOURCINE, MIDI, ETC.

[La nécessité de séparer les femmes atteintes d'affections syphilitiques, des filles publiques envoyées dans les hôpitaux pour le traitement de cette maladie, était comprise par l'administration de la police tout aussi bien que par celle des hospices, et le vou exprimé par Parent a été réalisé en 1835.

Le traitement des maladies vénériennes est centralisé aujourd'hui dans des hôpitaux spéciaux qui sont : 1° Saint-Lazare pour les prostituées;

2° L'hôpital de Lourcine pour les femmes dites du civil ;

3° L'hôpital du Midi pour les hommes;

4o Les maisons de santé et quelques autres établis

sements.

§ 1.- Maison de Saint-Lazare.

La maison de Saint-Lazare, située faubourg SaintDenis, est placée sous l'administration de la Préfecture de police. Elle renferme une population générale de mille trois cents détenues environ, divisée en trois sections principales.

La première contient les prévenues et condamnées; La seconde est à la fois un lieu de punition et un hôpital pour les prostituées;

La troisième est affectée aux jeunes filles renfermées soit par application des articles 66 et 67 du Code pénal, soit par voie de correction paternelle.

Moyenne des malades.

3o ÉDIT., T. II.

Nous ne nous occuperons

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ici que des infirmeries de la seconde section (1). Elles sont placées dans un grand corps de bâtiment auprès de la chapelle, et renferment, en moyenne, trois cents. malades dans seize salles de vingt lits chacune, savoir:

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En 1850, alors que la maladie vénérienne avait éprouvé une recrudescence par suite des désordres qui suivirent la Révolution de février, le nombre des malades s'était élevé à cinq cents. Le tiers de ces malades était obligé de coucher sur des matelas étendus dans les couloirs.

Médecins. Le personnel médical des infirmeries. est composé de deux médecins qui visitent les malades deux fois par jour; de deux aides internes chargés de recueillir et d'exécuter les prescriptions des médecins ; et enfin, d'un pharmacien.

Contrôle de service. Le service du contrôle et d'inspection des infirmeries est fait par le médecin en chef du dispensaire.

Direction des infirmeries. -Sous le rapport médical, les infirmeries sont dirigées comme celles des autres hôpitaux, mais la nature de l'établissement dans lequel elles se trouvent placées, a permis d'y introduire les

(1) Voyez, pour ce qui concerne les première et troisième sections le chapitre PRISON.

mêmes moyens de surveillance et de répression que ceux auxquels on a recours à l'égard des femmes détenues par voie judiciaire et dont la conduite est un objet de trouble et de scandale. Inutile de dire, par consé quent, que les refus de traitement n'y existent pas et que les actes d'insubordination y sont immédiatement et efficacement réprimés.

Huit religieuses de l'ordre de Marie-Joseph ont la direction et la surveillance des salles.

Les malades sont

Classement des malades. classées par catégories; les jeunes filles non inscrites forment une division à part et ne sont pas en contact avec les vieilles prostituées qui ne pourraient qu'achever de les corrompre. Celles qui ont manifesté l'intention de rentrer dans leur famille sont même traitées séparément.

Durée du traitement. La durée du traitement est en moyenne de quarante-cinq jours pour les filles publiques inscrites; elle est de trois mois pour les insou

mises.

Cette différence provient, d'une part, de ce que la maladie est prise à son début chez les filles publiques inscrites, tandis que chez les insoumises, au contraire, l'infection remonte généralement à une époque déjà ancienne quand commence le traitement, et d'autre part, de ce que les infections sont communément plus graves chez les insoumises que chez les filles publiques.

Sortie des infirmeries. Les filles traitées à SaintLazare sont ramenées à la Préfecture après guérison et subissent une contre-visite au Bureau médical du Dispensaire avant d'être mises en liberté.

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On ne saurait attribuer la totalité de ces décès à la maladie vénérienne; ils proviennent, pour la plupart, d'autres maladies dont les femmes portaient le germe en entrant dans les infirmeries.

Car, ainsi que l'a remarqué M. le docteur S. Rossignol, ancien interne de la maison de Saint-Lazare (1), « chez les filles qui vivent dans l'oisiveté la plus absolue, dont les deux moitiés de la vie se passent, comme disait la Fontaine, l'une à boire, l'autre à ne rien faire, les fonctions assimilatrices présentent presque constamment des perturbations, un état morbide. Rien de plus fréquent que d'observer chez ces filles tous les degrés de la dyspepsie, de la gastralgie, l'anémie, la chloroanémie, et ces mille accidents que l'on appelle aujourd'hui, avec MM. Cerise, Trousseau et autres, la névropathie protéiforme, ce que Whytt et Louyer-Villermay

(1) Aperçu médical sur la maison de Saint-Lazare. Thèse, pag. 33. Paris, 1856.

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désignent sous le nom d'hystéricisme, c'est-à-dire une mobilité extrême, une susceptibilité outrée du système nerveux, avec une singulière aptitude à provoquer une excitation convulsive (P. Dubois), accompagnant surtout les troubles menstruels. Cela entraînerait trop loin. de rechercher toutes les causes qui peuvent ainsi jeter le trouble dans les fonctions de l'appareil nerveux et de l'appareil de la nutrition, car il faudrait produire la liste tout entière des influences qui peuvent donner naissance, prochainement ou à la longue, aux affections que j'ai mentionnées ci-dessus. Je dirai quelques mots seulement d'une des causes les plus fréquentes chez ces filles, des excès alcooliques.

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Si, dans le monde, les femmes se font, par coquetterie, par de faux préjugés, une habitude de peu manger et de boire peu, de se condamner à une alimentation insuffisante, en revanche la malheureuse fille qui se livre à la prostitution a besoin, pour exercer son abominable métier, de s'étourdir; elle ne peut de sangfroid contempler ses œuvres et s'y livrer: il lui faut un voile qui l'empêche de distinguer toute l'horreur de ses actes, et ce voile c'est à l'ivresse qu'elle le demande. Elles préludent toute la journée par quelques libations excitantes, et la nuit, l'orgie est à son comble. On comprend qu'avec un pareil régime les fonctions digestives sont altérées, dépravées, l'appétit se perd de plus en plus; elles offrent tous les degrés de la dyspepsie, de la gastralgie, etc., et elles ne tardent pas à tomber dans l'atonie, la chloro-anémie, faciles à expliquer par le défaut de réparation, d'alimentation; et ces états morbides sont encore accrus par les déperditions que ces filles font par des ménorrhagies ou une leucorrhée

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