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pourrait-elle se vanter d'être un art salutaire et de contribuer au bonheur des peuples, ainsi qu'à la force des États? A mon gré, la Convention était plus sage et moins immorale en votant une récompense aux fillesmères.

Le médecin, auquel rien n'est caché, qui connaît les défauts et les habitudes les plus secrètes de ceux qui réclament son assistance, saura toujours compatir aux faiblesses humaines et soulager les maux qui résultent de l'inconduite; il pourra gémir lui-même sur ses propres fautes et sur les écarts de sa jeunesse, mais il n'osera jamais donner des conseils aussi pernicieux que ceux dont je viens de parler.

En résumant ce chapitre, je dirai à l'administration: Poursuivez sans relâche les maladies que propagent les prostituées, proposez-vous pour but de les faire disparaître du cadre des infirmités humaines; vos efforts, n'en doutez pas, seront couronnés de succès, mais ce sera l'œuvre de plusieurs générations; il faut pour cela vous armer d'une persévérance que devront avoir aussi vos successeurs, et dont les générations futures recueilleront les fruits. Puisque vous ne pouvez empêcher l'existence des prostituées, diminuez le mal que font ces femmes; gémissez sur cette fatale nécessité de tolérer un état de choses que vous regardez à juste titre comme contraire à l'ordre social; mais n'allez pas l'aggraver par d'imprudentes insinuations. Souvenez-vous que, si vous êtes constitués les gardiens de la santé publique, vous l'êtes également de la morale publique, et que, sous ce rapport, notre nation, malgré la légèreté qu'on veut bien lui attribuer, est plus exigeante qu'on 3e ÉDIT., T. II.

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ne l'imagine. Marchez dans la voie que vous ont tracée tous les administrateurs qui, depuis trente ans, se sont succédé à la Préfecture de police; souvenez-vous qu'ils ont flétri de leur réprobation tous les moyens préservaleurs qu'on leur a proposés, et qu'en 1828 l'un d'enx, M. Debelleyme, a mis au rang des outrages faits aux mœurs, non la confection et la vente secrète d'un de ces moyens, mais le débit trop patent qu'en faisait dans un des jardins de Paris certain industriel très connu qui s'était adonné d'une manière particulière à sa prépara

tion.

[Divers moyens préservatifs de la syphilis ont continué à être présentés à l'administration avec prière d'en provoquer l'usage (1). M. Ducoux, préfet de police, avait cru utile, pareillement à ce qui se fait en Belgique, d'obliger les maîtresses de maisons à avoir constamment à la disposition des filles et des visiteurs une préparation d'oxyde de sodium étendue dans vingt-six parties d'eau, avec une instruction pour s'en servir; mais c'est là une exception à la règle que s'est imposée l'administration de ne jamais imposer, ni même recommander tel moyen préservatif ou curatif, laissant à la science le soin d'en reconnaître l'efficacité et d'en prescrire l'emploi.

De toutes ces découvertes celle qui a eu le plus de retentissement dans ces derniers temps, est le procédé employé par le docteur Auzias Turenne et les docteurs Sperino (de Turin), Boeck (de Christiania), et connu

(1) Voyez un bon travail publié récemment, intitulé: Mémoire sur les mesures hygiéniques propres à prévenir la propagation des maladies vénériennes, par M. Lagneau fils (Annales d'hygiène publique, Paris, 1855, 1856, t. IV, p. 298; t. V, p. 21, 241).

sous le nom de SYPHILISATION, présenté en même temps comme moyen préservatif et curatif.

L'Académie impériale de médecine, saisie de cette question, l'a condamnée comme dangereuse (20 juillet 1852). Voici comment M. le docteur Bégin, organe de la commission, termine son remarquable rapport:

1o La doctrine de la syphilisation n'est justifiée dans son application à l'homme sain ou malade, ni par le raisonnement, ni par l'analogie, ni par les expériences sur les animaux, ni par l'observation de prétendus syphilisés naturellement.

2o Leur emploi, à titre de prophylaxie contre la syphilis, est une monstruosité qui expose gratuitement aux plus grands périls la santé des personnes qui ont la folie de s'y soumettre.

3o A titre de traitement des accidents syphilitiques sous toutes les formes, elle ne repose sur aucun fait positif détaillé, authentique, sur aucune statistique comparative, et ce qu'on en connaît d'exact et de constaté, ne témoigne que de son incertitude, de ses difficultés, surtout de ses dangers et des stigmates honteux qu'elle laisse à sa suite.

Dans la séance du 22 août, l'Académie a adopté la conclusion suivante :

« L'Académie déclare par un vote, qu'elle approuve les principes exposés dans le Rapport de la commission en ce qui concerne la pratique de la syphilisation, comme moyen prophylactique et comme méthode curative de la syphilis.

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« Le rapport et les documents fournis par la discus

sion sur la syphilisation seront adressés à M. le ministre de l'intérieur (1). »

La commission nommée par le préfet de police l'a également condamnée comme dangereuse, le 2 décembre de la même année (2). ]

- La

(1) Bulletin de l'Académie de médecine, t. XVII, p. 1094. longue discussion à laquelle cette question a donné lieu a été réunie dans l'ouvrage ayant pour titre; De la syphilisation et de la contagion des accidents secondaires de la syphilis, communications à l'Académie de médecin, par MM. Ricord, Bégin, Malgaigne, Velpeau, Depaul, Gibert, Lagneau, Larrey, Michel Lévy, Gerdy, Roux, avec les commu. nications de MM. Auzias-Turenne et C. Sperino, à l'Académie des sciences de Paris et à l'Académie de médecine de Turin. Paris, 1853, in-8 de 384 pages.

(2) Rapport à M. le préfet de police sur la question de savoir si M. le docteur Auzias-Turenne peut être autorisé à appliquer ou à expérimenter la syphilisation à l'infirmerie de la prison de Saint-Lazare, par MM. MÊLIER, président; Philippe RICORD, DENIS, CONNEAU, et MARCHAL (de Calvi), rapporteur. Paris, 1853, in-8.

CHAPITRE XXV.

DES MAISONS DE REFUGE OUVERTES AUX FILLES PUBLIQUES QUI, TOUCHÉES DE REPENTIR, RENONCENT A LA PROSTITUTION.

la Bretonne.

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La première de ces maisons a été fondée au XIIIe siècle. Autres fondation s semblables dans les siècles suivants. Le zèle pour ces sortes d'établissements est porté à l'excès dans le xvIIe siècle. Création de SaintePélagie et du Bon-Pasteur. Projet singulier et extravagant de Restif de Destruction de ces établissements en 1793. Ce que fait l'abbé Legris-Duval pour les rétablir. — Origine de la maison actuelle. - Protection que lui accorde le préfet Anglès. Quelle est la classe des prostituées dans laquelle on rencontre ordinairement celles qui reviennent à des sentiments et à des mœurs honnêtes. Tableaux statistiques de toutes celles qui ont été admises pendant douze ans dans la maison de refuge actuelle. Mortalité ef frayante de cette maison. Causes Gravité et importance de ces recher

qui peuvent la déterminer.

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ches. Services que rend cette maisou aux filles qui s'y retirent. -Elle est non-seulement utile, mais nécessaire.

Améliorations qu'on peut

apporter dans quelques parties de son régime intérieur.

Les femmes mariées sont bien plus capables que les religieuses de faire le bien moral des prostituées. Considérations importantes sur les instructions et pratiques religieuses sur les travaux manuels et la division de la journée. - Détails sur une maison-modèle qui existe dans une ville de France.

-

- Nécessité où est l'administration de suivre toujours ce qui se passe dans ces maisons.

En parlant du sort définitif des prostituées, j'ai dit que plusieurs de ces femmes, touchées de repentir et mues par des sentiments religieux, entraient dans des maisons de retraite, et s'y livraient, pour le reste de leur vie, au travail et aux exercices d'une vie pénitente. Je vais dire quelques mots sur ces maisons, dignes sous bien des rapports du plus haut intérêt.

Le premier établissement qui, à ma connaissance,

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