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moins, chaque médecin en examine environ 200 son jour de semaine. Nous connaissons le zèle de MM. les médecins inspecteurs, et nous sommes intimement convaincu qu'ils ne négligent rien pour s'acquitter de leur tâche le plus consciencieusement possible; mais nous soutenons que l'examen d'un si grand nombre de femmes en une séance quelque longue qu'elle soit, ne peut se faire sans une certaine célérité qui risque souvent de le rendre incomplet. Ce n'est pas tout la visite au Dispensaire de Marseille, quoique entourée de nouvelles garanties, est encore, à notre avis, très éloignée de la perfection.

En effet, on se borne, comme au début de l'institution, à l'examen des parties externes : nous voulons bien croire que cet examen soit le plus minutieux possible; mais encore personne n'ignore aujourd'hui que le col de l'utérus, que les parois du vagin, peuvent être le siége de chancres, sans que les parties externes en présentent le moins du monde.

Si nous disons vrai, bon nombre de femmes sorties du Dispensaire avec patente nette doivent semer les chancres à profusion Je jour même de leur visite; car c'est surtout ce jour-là qu'elles sont recherchées par ceux que la crainte de la vérole retient loin des lieux de débauche. Voici du reste ce qu'écrivait en 1841 M. le docteur Pelacy (1):

« L'expérience prouve, et nous appelons toute votre attention » sur ce point, que dans un grand nombre de cas il n'existe >> aucun symptôme de syphilis ni aux grandes, ni aux petites » lèvres, ni à l'entrée du vagin; il n'y a ni écoulement, ni phlogose, »> ni douleurs appréciables, et cependant des ulcères plus ou >> moins nombreux, plus ou moins étendus, siégent au fond du » vagin ou au col de l'utérus. Il n'est plus possible de contester >> ce fait.

» La plupart des femmes qu'on voit chaque semaine subir l'exa» men au speculum uteri, aux cliniques de MM. Cullerier et Ri» cord, offrent soit des ulcérations, soit des érosions, soit de >> simples rougeurs du col, soit enfin des pustules muqueuses, » accompagnant ou non des chancres externes.

>> Les médecins visiteurs ne peuvent donc plus désormais borner >> leurs recherches aux organes externes de la génération, et

(1) Rapport fait au conseil de salubrité de la ville de Marseille sur l'état et les besoins du service au Dispensaire des filles publiques de cette ville, au nom d'une commission (Annales d'hygiène publique, Paris, 1841, t. XXV, p. 306).

» doivent être mis en demeure d'appliquer le spéculum dans >> tous les cas où la nécessité de cette application sera seulement » soupçonnée. Cet instrument est le seul moyen de voir, d'at»teindre et de pouvoir traiter une fo ule d'affections qu'on ne » peut abandonner à elles-mèmes sans péril pour les malades, » et surtout pour la santé publique, la seule garantie sûre pour » le médecin contre les plus fâcheuses erreurs du diagnostic.

» Il y a déjà plusieurs années, du reste, que le spéculum est >> en usage au dispensaire de Paris, et que les faits viennent tous >> les jours déposer en faveur de son emploi. >>

Malgré l'insuffisance du mode d'exploration mis actuellement en pratique, chaque séance au Dispensaire conduit à l'Hôtel-Dieu un nombre assez élevé de filles soumises atteintes de maladies vénériennes. Ces malades sont conduites sous escorte d'un employé du bureau des mœurs au bureau des entrées de l'hospice, où elles reçoivent en échange de leur carte un billet d'entrée pour la salle affectée spécialement aux femmes publiques.

La salle Sainte-Madeleine, qui contenait il y a peu d'années une cinquantaine de lits, a vu ses pensionnaires augmenter en peu de temps dans des proportions énormes. En 1854, le nombre des lits s'élevait déjà à soixante-dix; actuellement, il y a de quatre-vingt-quinze à cent lits, et si le chiffre des entrées se maintient dans les proportions qu'il a atteintes du 1er au 12 janvier 1857, on sera obligé de dépasser ce nombre.

Le nombre des filles entrées dans la salle des vénériennes depuis 1852 a presque constamment augmenté d'une année à l'autre.

En 1852, 601 filles sont entrées, 566 sorties, 3 mortes.

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La diminution du chiffre des entrées en 1854 tient à la présence du choléra à Marseille pendant trois à quatre mois, et à l'éloignement d'un grand nombre de filles publiques.

Le nombre des entrées en 1856 a dépassé celui des filles inscrites en janvier 1857, que nous avons dit être de 816. Pour expliquer cette particularité, il faut être averti que bon nombre de femmes ne se bornent pas à entrer une fois par an à l'hôpital, et savoir qu'il en est que l'on trouve en défaut jusqu'à huit à dix

fois dans l'année; de telle sorte qu'une femme compte quelquefois pour huit ou dix dans le chiffre des entrées? On peut interpréter ce chiffre élevé de deux manières: en l'attribuant soit à un surcroît de femmes infectées cette année, soit à la sévérité et à l'attention qu'apportent MM. les médecins inspecteurs dans l'examen des malades.

S'il y a quelque chose de vrai dans la première interprétation, nous aimons à croire que la vérité réside surtout dans la dernière. Que serait-ce alors si nos confrères se servaient du spéculum?

V

LA PROSTITUTION DANS LA VILLE DE NANTES,

Par le docteur BARÉ,
Médecin des pri ons.

PREMIÈRE PARTIE.

La surveillance et le service médical des filles publiques, organisés par M. Louis de Saint-Aignan, maire de Nantes, furent suspendus par suite d'influences déplorables, puis rétablis en 1830 par ce même et digne magistrat.

Devenu préfet du département de la Loire-Inférieure, il parvint à maintenir définitivement cette sage mesure d'hygiène publique, et à faire comprendre aux incrédules que fût-elle une juste punition pour le plus grand nombre, la syphilis n'en devait pas moins être combattue énergiquement, et dans un esprit de charité, et dans l'intérêt d'une longue suite de générations que menaceraient de cruelles maladies, si le virus syphilitique était abandonné à toute sa force d'expansion.

Il fut décidé que les filles notoirement prostituées seraient visitées une fois par mois à l'infirmerie des prisons.

120 à 130 subirent, quoique avec beaucoup de résistance, cette mesure sanitaire. Les infectées étaient nombreuses, et toutes étaient séquestrées, séance tenante, dans des salles spéciales également situées à l'infirmerie des prisons.

Les premiers résultats furent nécessairement très satisfaisants pour la santé générale de la ville. La surveillance devint plus sévère; 160 à 170 femmes durent accepter sa rigueur à dater de 1833, et en 1838 leur nombre s'élevait à 200.

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En jetant un coup d'œil sur ce tableau, on s'effraie du danger que faisaient courir ces malheureuses à tous ceux qui les fréquentaient, et l'on se demande comment aujourd'hui il existe encore des gens qui contestent la sage prévoyance d'un service médical aussi important, et qui parfois en marchandent les bienfaits.

L'autorité ne tarda pas à reconnaître qu'une seule visite par mois était insuffisante. Dans le long intervalle qui s'écoulait entre chacune d'elles, les symptômes primitifs prenaient un grand développement; les traitements étaient plus longs, plus dispendieux, et les infections dans la ville étaient encore nombreuses.

Ces considérations motivèrent l'arrêté du 31 décembre 1838; de nouvelles dispositions de surveillance y furent consignées, et la visite devint obligatoire tous les quinze jours.

Le double examen mensuel, beaucoup de zèle de la part de M. le commissaire central Delarralde et de quelques agents, se traduisirent bientôt par d'heureux résultats. Les symptômes primitifs, constatés presque à leur début, ne se montrèrent plus aussi graves, et le chiffre des formes secondaire et tertiaire de la syphilis s'abaissa considérablement.

Le nombre des infections continua aussi à décroître ainsi :

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C'est une moyenne de 16 malades par mois durant ces cinq années. En 1833, elle fut de 29, et la visite ne s'exerçait que sur 170 femmes.

M. Ferdinand Favre, maire de Nantes, toujours préoccupé de cette importante question d'hygiène publique, crut avec raison qu'il y avait encore un progrès à réaliser au point de vue de la répression de la syphilis et de la surveillance de la prostitution; alors parut l'arrêté du 14 février 1844, dont la principale disposition consistait à centraliser à la mairie tout le service au moyen d'un contrôle confié à un seul commissaire.

Quatre ans plus tard, sur l'invitation du Conseil municipal, la visite fut pratiquée toutes les semaines.

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