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il est permis également à d'autres médecins de traiter des gens du peuple aux frais de ces derniers (rescrit du 20 mars 1779, décret de la chancellerie du 8 décembre 1832). Dans ce cas les médecins sont tenus, comme les fonctionnaires de l'État, de donner à l'autorité les renseignements qu'on peut leur demander concernant la maladie. Les physici ou les chirurgiens du plat-pays sont obligés, en vertu de leurs instructions du 4 mars 1818, pour le Danemark, et du 25 février 1824, pour l'Islande, nonseulement de donner les conseils nécessaires en cas de maladies épidémiques, de gale, de scorbut, de syphilis, mais aussi de chercher à prévenir ces maladies, d'examiner le genre de vie du peuple, la qualité de l'eau, les aliments ordinaires, les vêtements, les soins de propreté. Cel examen peut leur faciliter la découverte des causes de ces sortes de maladies et les mettre à même de donner aux intéressés les conseils nécessaires. Lorsque l'efficacité d'une mesure prise est prouvée dans un cas donné, les médecins sont obligés d'en faire un rapport à l'autorité la plus rapprochée, et les chirurgiens du plat-pays en instruisent leurs supérieurs immédiats.

Lorsque l'intérêt du traitement l'exige, on réunit les malades de plusieurs endroits dans un seul (rescrit du 14 mars 1798 et du 2 juillet 1790). Le cas échéant, on organise également des infirmeries spéciales à cette fin, lorsqu'il n'en existe pas encore. (Voir Petersen Sygehaus for veneriske, etc.)

Tous les frais de traitement ou autres provenant des mesures prises contre la maladie vénérienne, y compris les honoraires des médecins officiellement employés (ordinairement 2 rixdalers pour chaque cas de guérison, d'après la taxe du 4 octobre 1825, 5), sont à la charge de l'autorité, comme il a été dit plus haut, et les malades ont le droit de réclamer le traitement gratuit, s'ils ne préfèrent se faire traiter par un médecin de leur choix et payer eux-mêmes. Ces dépenses ne tombent pas à la charge des communes, comme celles causées par d'autres maladies; elles sont réparties sur tout le district, et dans certains cas elles sont supportées par les hospices.

Il n'y a aucune partie du pays, en dehors de la capitale, où la maladie vénérienne règne avec intensité. Dans certains districts, comme à Fuhnen (rescrit du 20 octobre 1773), dans quelques districts de Jutland (rescrit du 19 avril 1782, 14 mars 1788, etc.), et de Laaland (rescrit de la chancellerie du 29 avril

1797, et rescrit du 2 février 1798), on a rencontré depuis les temps fort reculés des cas de maladies syphilitiques, épidémiques et en quelques sorte endémiques. On en trouve encore des traces dans quelques districts de Jutland, mais on peut les considérer partout ailleurs comme éteintes.

Sous le rapport de l'hygiène publique, les maladies qui le plus squyent sont le résultat du contact et de la vie en commun, et qui se propagent quelquefois même sans contact sexuel, sont placées sur le même rang que la syphilis.

Cependant (rescrit de la chancellerie du 16 janvier 1844), les peines concernant le défaut de déclaration ne doivent être infligées, dans ce cas, que lorsque leur existence a été cachée avec intention.

DE LA PROSTITUTION EN ESPAGNE,

Par le docteur J. M. GUARDIA,

Sévèrement interdite sous les Visigoths, tolérée de fait au moyen âge, organisée et réglementée dès la seconde moitié du Xe siècle, puis définitivement abolie au commencement du XVII, et souvent réprimée dans la suite par des ordonnances sans effet, la prostitution a éprouvé en Espagne des vicissitudes diverses avant de tomber dans l'état d'abandon et de désordre où elle est encore aujourd'hui. Rien n'est plus curieux ni plus utile en même temps pour la connaissance des mœurs de la société espagnole, que l'étude critique de ces alternatives de rigueur et de tolérance, de prévoyance et d'incurie. L'histoire yaudrait la peine d'en être retracée. Nous n'avons pu qu'essayer une légère et rapide esquisse. La nature de ce travail forcément resserré dans d'étroites limites nous interdisait les détails minutieux, les longs développements, les digressions et les commentaires. On ne trouvera donc ici qu'un petit nombre de faits extraits des documents imprimés ou manuscrits que nous avons eus entre les mains. Nous les avons recueillis avec choix, rangés avec soin, disposés avec méthode, coordonnés en un mot de notre mieux, afin de relier entre elles ces indications incomplètes, et leur donner ainsi une suite régulière et une certaine unité d'ensemble. Nous voudrions que ce mémoire fût substantiel, et qu'il ne renfermât rien d'inutile; aussi avons-nous visé à la brièveté.

Après la chute de l'empire romain, les barbares qui s'en étaient partagé les dépouilles se laissèrent amollir aux attraits du vice, et se plongèrent avec fureur dans les plaisirs faciles d'une société corrompue. L'influence d'un nouveau climat, la fougue du tempérament, la violence et l'impétuosité de leur nature, les entraîuèrent bientôt après la conquête dans tous les désordres de mœurs d'une civilisation en décadence. Les lois romaines, dont l'esprit avait survécu à la ruine de l'empire, furent impuissantes malgré leur sévérité, et n'offrirent qu'une digue trop faible

au torrent des passions déchaînées. Un décret de Récarède le Catholique, roi des Visigoths d'Espagne (586-601), interdit la prostitution d'une manière absolue et sous les peines les plus rigoureuses. La fille et la femme nées de parents libres, convaincues de se livrer à la prostitution et de provoquer à la débauche, recevaient pour la première fois trois cents coups de fouet et étaient ignominieusement chassées de la ville. La réci dive était punie du même châtiment corporel, après lequel la coupable était livrée à un pauvre qui devait l'employer à des travaux serviles et pénibles, sans lui laisser la liberté de se montrer dans la ville. Les parents complices des désordres de leurs filles, et convaincus de retirer un profit de leurs débauches, recevaient chacun cent coups de fouet. L'esclave qui se livrait publiquement au libertinage recevait trois cents coups de fouet, et on la renvoyait à son maître, la tête rasée, pour être éloignée de la ville ou vendue en un lieu qu'elle ne pouvait plus quitter. Le maître qui refusait de se soumettre à ces dispositions de la loi recevait en public cinquante coups de fouet, et l'esclave devenait la propriété d'un pauvre désigné par le roi, le comte ou le juge, avec défense expresse de reparaître jamais dans la ville. Si le maître avait consenti aux désordres de son esclave et en avait retiré le profit, il recevait le même châtiment que la coupable, trois cents coups de fouet. Ce décret, fait spécialement pour réprimer la prostitution dans les villes, atteint également les femmes de mauvaise vie qui infestaient les bourgs, les villages et les campagnes. Les juges coupables d'incurie ou de vénalité recevaient cent coups de fouet et payaient une amende de 30 sous. La sévérité exagérée de la loi révèle toute la grandeur du mal. Le bannissement perpétuel, et en cas de récidive la perte de la liberté, suivaient la peine corporelle, et le châtiment le plus ignominieux n'était pas réputé assez fort contre le vice enraciné. Remarquons que le maître qui autorisait le libertinage de son esclave était plus rudement traité que les parents qui trafiquaient de leur fille. Ce n'est plus l'esprit de la législation romaine dans cette disposition de la loi, l'influence chrétienne des conciles est manifeste. Pour les parents, la honte devait être le plus grand châtiment du crime, tandis qu'une peine infamante pouvait seule protéger l'honneur de l'esclave, livrée en proie aux volontés absolues et aux caprices despotiques de son maître.

Telle était la législation qui régissait les mœurs publiques au commencement du vir siècle, sous la domination des rois visigoths. L'empire des barbares s'écroula un siècle après sous l'invasion des Arabes. Les mœurs de l'Orient pénétrèrent en Espagne et s'y établirent avec les conquérants. Les documents nous manquent pour retracer l'histoire de la prostitution au temps des Maures. Nous ne pouvons que former des conjectures sur l'état où elle se trouvait à cette époque, en étudiant les institutions établies dans l'Espagne musulmane, et qui furent en vigueur longtemps après l'expulsion des Arabes. Nous ne savons pas davantage quelles furent les mœurs publiques des vaincus réfugiés dans les montagnes des Asturies. Nous savons seulement que les mœurs de cette époque étaient grossières; elles devaient être aussi très libres. Les guerres continuelles, la prise et le pillage des villes, la licence de la soldatesque, les habitudes, en un mot, des hommes d'alors, étaient des conditions peu favorables à la chasteté et à la pudeur. Les chrétiens et les musulmans menaient en captivité les femmes prises à l'ennemi, et les traitaient en esclaves.

Lorsque les vaincus eurent reconquis sur les Maures une partie de leur ancien territoire, et que la lutte fut moins acharnée, les deux peuples se trouvèrent en contact et exercèrent l'un sur l'autre une mutuelle influence. Seulement, l'influence des Arabes fut plus directe: les mœurs relâchées de l'Orient, les habitudes fastueuses de luxe et de mollesse s'introduisirent insensiblement parmi les peuples chrétiens. La chevalerie ellemême, dont on a voulu faire dans nos livres modernes une espèce de confrérie religieuse dévouée à l'honneur et à l'amour platonique, ne fut pas un obstacle à l'entraînement des passions brutales. Le christianisme ne put pas davantage empêcher ce débordement. La corruption des mœurs gagna de proche en proche, et ses progrès furent rapides. La prostitution reparut sous toutes les formes, et avec des proportions d'autant plus effrayantes, qu'elle n'était pas, comme chez les Arabes, surveillée par la loi, autorisée et réglée par des statuts et des ordon

nances.

Nous sommes en plein moyen âge, à l'époque de l'établisse ment des communes. Les premiers conseils municipaux en Espagne datent de fort loin: il a été démontré que quelquesuns de ces conseils ou cortès remontent au x siècle, et que la

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