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tion trop absolue et la trop complaisante absolution qui signalent les écrits de certains écrivains purement catholiques, et l'esprit systématique de dénigrement et même de calomnie qui caractérise trop d'auteurs. Nous n'avons pas oublié qu'on n'est instructif et utile, qu'à la condition de demeurer toujours indépendant et juste.

XVIII

DE LA PROSTITUTION DANS LA VILLE DE TURIN.

Turin, capitale du Piémont, est une des villes les plus importantes de l'Italie; depuis quelques années, elle a pris une activité remarquable. Des circonstances particulières out amené dans son sein beaucoup d'étrangers, population flottante assez considérable qui augmente encore la population ordinaire qui est de 140 à 150,000 habitants.

Les causes et les effets de la prostitution sont à peu près les mêmes dans toutes les villes importantes; il est donc inutile d'ajouter ici de nouvelles considérations à cet égard.

Jusque dans ces derniers temps, la surveillance de la prostitution en Piémont ne s'exerçait que fort imparfaitement, et par conséquent la propagation de la syphilis était fort grande. M. Rattazzi, ministre de l'intérieur, désireux d'établir une organisation meilleure, demanda à M. le docteur Sperino (1), bien connu du monde savant pour ses travaux sur la syphilis et la syphilisation, un projet sur cette partie importante de l'hygiène publique; et c'est d'après les indications du médecin dont nous parlons que furent rédigées les Instructions sur la prostitution, promulguées le 20 juillet 1855 (voy. p. 873), qui ont pour base le Règlement de la ville de Bruxelles.

De nouvelles ordonnances complèteront la réforme qui s'établit non-seulement à Turin, mais dans tout le royaume, et qui très certainement arrêtera en partie la propagation de la syphilis.

Nous donnons plus loin la traduction d'un Règlement spécial, relatif à la prostitution dans la ville de Turin, qui vient d'être publié.

Les filles publiques ou femmes soumises à la visite s'élevaient avant 1856 à 180 environ à Turin; depuis qu'une surveillance attentive est établie, ce nombre s'est élevé à 750. Ces deux

(1) Médecin et chirurgien en chef du syphilocome de Turin, auteur de l'ouvrage La syphilisation étudiée comme méthode curative et comme moyen thérapeutique des maladies vénériennes, Turia, 1853; et de communications à l'Académie de médecine de Turin, insérées dans l'ouvrage : De la syphilisation et de la contagion des accidents secondaires de la syphilis, Communication à l'Académie de médecine de Paris. Paris, 1853, pag. 205 à 240.

chiffres comparés font voir combien cette branche de l'organisation de la police sanitaire était négligée, et combien les mesures indiquées par M. le docteur Sperino étaient nécessaires et sont efficaces. Ce qui le prouve mieux encore, c'est la diminution notable des maladies syphilitiques dans la garnison. Lorsque la surveillance de la prostitution est mal faite, les désastreux résultats de cette négligence peuvent échapper à l'attention du gouvernement; mais le registre d'entrée des hôpitaux militaires est un moyen de vérification facile et toujours probant.

Depuis longtemps déjà, un hôpital spécial est destiné au traitement des affections syphilitiques; il a reçu le nom de syphilocome. Les femmes infectées y sont admises et traitées gratuitement. On y admet également les filles publiques envoyées des provinces. Les femmes mariées non prostituées et les nourrices avec leurs enfants y sont reçues de même gratuitement et traitées dans des chambres à part. Le nombre d'admissions annuelles, qui était en moyenne de 800 à 1000, s'élevait déjà à 1661 en 1856. Gênes, cette ville si importante, sera prochainement dotée d'un établissement de même nature. L'impulsion est maintenant donnée. Le gouvernement sarde a compris combien cette partie de l'hygiène publique était importante, non-seulement pour la santé des individus, mais plus encore pour les générations futures, et nul doute qu'avant peu, le royaume ne bénéficie des mesures indiquées par M. Sperino.

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Art. 1. La surveillance des prostituées, tant de celles habitant les maisons de tolérance que de celles qui vivent éparses (en chambre), est commise pour les villes de Turin et de Gênes aux questeurs de salubrité publique, pour les chefs-lieux des provinces aux intendants, et pour les communes aux syndics.

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Art. 2. Les femmes qui se livrent notoirement à la prostitution se divisent en deux catégories :

Celles qui se tiennent dans les maisons de tolérance, et celles qui vivent isolées dans leur propre demeure.

La police délivrera difficilement, avec beaucoup de réserve, l'autorisation aux prostituées de demeurer en chambre dans les localités où il existera des maisons de tolérance.

Art. 3. Les prostituées des deux classes devront se faire inscrire au bureau de police où un registre spécial à chaque catégorie sera ouvert à cet effet.

Art. 4. L'inscription des prostituées aura lieu, soit sur leur demande, soit d'office. Il sera, pour chaque inscription, dressé un procès-verbal caus lequel il sera fait mention expresse d'avoir notifié à la femme les articles de la présente instruction qui peuvent la concerner.

Art. 5. Chaque fille publique à l'époque de son inscription sera soumise à la première visite sanitaire.

Art. 6. Les femmes qui se seront vouées à la prostitution clandestine seront citées devant la police; en cas de non-comparution, elles devront y être amenées, et le fait de s'être livrées à la prostitution clandestine constaté, elles seront inscrites sur le registre des filles publiques.

Art. 7. Le procès-verbal devra mentionner les motifs bien circonstanciés pour lesquels l'on a procédé à la citation ou à l'acceptation de ces filles, et on les a inscrites sur le registre des prostituées.

Art. 8. L'inscription de toute femme sur le registre des prostituées énnocera le numéro d'ordre du registre, les nom et prénoms de la femme, les noms et prénoms de ses père et mère, sa patrie, sa résidence, son domicile à l'époque de l'inscription, sa profession antérieure, et les causes qui l'auront poussée à la prostitution.

Art. 9. Le passe-port, l'acte de naissance et les autres actes concernant l'état civil de la femme inscrite, seront déposés et conservés au bureau qui aura procédé à son inscription.

Art. 10. Dans le cas où la prostituée ne serait pas en possession de papiers réguliers, des informations devront être prises à l'effet de constater son identité.

Art. 11. S'il résulte de l'interrogatoire de la femme qu'elle s'est adonnée à la prostitution sans connaître la gravité de sa résolution, ou qu'elle y a été amenée par des causes accidentelles indépendantes de sa volonté, et qu'elle désire y renoncer, sa famille en sera immédiatement instruite, afin qu'elle puisse prendre les mesures nécessitées par ce cas particulier. Si elle ne peut rentrer dans sa famille, et qu'elle désire être reçue dans quelque asile de filles repenties, la police lui en facilitera les moyens.

Art. 12. Il sera remis à chaque prostituée, à son inscription, un livret contenant les indications principales mentionnées dans l'article 8.

Sur ce livret seront aussi indiqués les résultats de la visite, la maison de tolérance à laquelle appartient la prostituée, ou, si elle est en chambre, sa demeure.

Art. 13. En tête de chaque livret sera imprimé un extrait des instructions présentes concernant les prostituées.

Art. 14. Il est absolument défendu aux prostituées de prêter leur livret. Elles sont tenues de le garder sur elles, et de le représenter à la première demande qui leur en sera faite par les agents de la sûreté publique.

En cas de perte du livret, elles auront à se pourvoir immédiatement d'un

autre.

Dans l'expédition du nouveau livret, il sera mentionné sur celui-ci qu'il a été expédié en duplicata.

Art. 15. La prostituée, soit qu'elle habite une maison de tolérance on un logement particulier, devra, quand elle voudra changer de lieu de demeure, en avertir la police, afin d'en obtenir la permission. Dans le cas où la demande de changement de logement aura été accordée, la prostituée sera soumise à une visite extraordinaire.

Art. 16. La prostituée ne pourra quitter le lieu de sa résidence ou en changer, sans le consentement et la participation préalable de l'autorité (police).

Art. 17. L'admission d'une fille publique dans un hôpital civil pour maladie ordinaire devra être notifiée à la police.

La sortie de l'hôpital lui devra être également notifiée, et en ce cas, la prostituée subira une visite extraordinaire.

Art. 18. Les femmes qui, ayant fixé leur demeure dans une maison de tolérance, voudront la quitter, devront préalablement faire la communication de leur intention à la police qui décidera, après avoir entendu le maître de ladite maison.

Art. 19. Il est défendu à toute fille publique de demeurer chez des marchands de boissons spiritueuses.

Art. 20. Il est absolument défendu aux prostituées :

a. De sortir de leur habitation indécemment vêtues ou en état d'ivresse; b. De se tenir aux fenêtres et de stationner sur la porte de leur demeure; c. De s'arrêter, et de fréquenter les rues, les places et les promenades publiques;

d. De commettre des actes indécents dans les lieux publics et d'y tenir des discours obscènes ;

e. De suivre les passants dans les rues, et de les attirer chez elles par des paroles ou des signes;

f. De se trouver hors de leur domicile après sept heures du soir, depuis le mois d'octobre jusqu'au mois de mars inclusivement, et après neuf heures du soir dans les autres mois ;

g. Il est défendu aux prostituées de fréquenter les théâtres.

Art. 21. Les filles publiques sont tenues d'informer immédiatement la police de tout désordre, de tout ce qui peut intéresser la sûreté publique.

Art. 22. La prostituée, désirant obtenir sa radiation du registre des prostituées, devra en faire la demande à la police en indiquant le nouveau domicile qu'elle a l'intention de prendre, ses moyens d'existence, et l'occupation à laquelle elle compte s'adonner.

Art. 23. La susdite autorité ne procédera à la radiation que quand elle la jugera opportune.

Elle devra faire surveiller la conduite de la prostituée pendant trois mois consécutifs.

Art. 24. Il sera procédé à la radiation définitive à l'expiration de ce temps, pourvu que la conduite de la femme ait été régulière.

La radiation sera faite de telle manière qu'il ne restera trace de l'inscription.

Art. 25. La femme qui, après avoir été rayée du registre des filles publiques, se prostituera sans s'être fait inscrire de nouveau, sera considérée comme se livrant à la prostitution clandestine.

Art. 26. En cas de mort ou de mariage, la radiation aura lieu d'office,

Section III. Des maisons de tolérance.

Art. 27. Toute personne voulant obtenir l'autorisation d'établir une maison de tolérance devra en faire la demande aux autorités respectives mentionnées dans l'article 1.

Cette demande devra contenir l'indication de l'endroit où le postulant veut établir la maison et l'indication du tarif.

Le consentement du propriétaire de la maison ou de toute personne y ayant droit devra être annexé à la demande.

Le postulant est tenu de se soumettre aux prescriptions de ces instructions, comme à toutes celles qui avec le temps seront jugées nécessaires.

Il pourra être imposé aux personnes tenant des maisons de tolérance l'obligation de payer annuellement une somme destinée à couvrir les frais de surveillance et de sûreté publique occasionnés par la prostitution.

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