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voure se sont fait remarquer si souvent sur les champs de bataille, comme sur les bâtiments de notre flotte de guerre. Aussi la sollicitude dont est entourée notre marine de pêche est-elle légitime et justifiée; elle est la source la plus féconde de la richesse de nos ports de la Manche et du détroit du Pas-deCalais.

La France, la Belgique, la Grande-Bretagne, le Danemark et les Pays-Bas se rencontrent annuellement sur les mêmes lieux de pêche. La Norvège trouve, sur ses côtes, les quantités de poissons nécessaires à son grand commerce d'expédition. L'importance de la pêche est telle, qu'en 1864, il a été expédié de ses ports, à destination des divers marchés de l'Europe, jusqu'en Asie et en Amérique, 774.502 barils de harengs représentant une valeur de 15 millions de francs; environ 10.000 hommes se livrent à cette industrie.

La Hollande, qui primait, autrefois, les autres pays du Nord par ses pêches, n'occupe plus qu'un rang très secondaire par rapport à l'Angleterre ; ses pêcheurs sont au nombre d'environ 8.000

Les Danois sont moins nombreux.

La Belgique occupe un rang presque égal à celui de la France.

Entre toutes les parties contractantes de la Convention du 6 mai 1882, la prééminence de la Grande-Bretagne n'est pas contestable. Sa flotte de pêche compte plus de 25.000 hommes, Si, à ces chiffres, l'on ajoute le contingent de l'Allemagne (5.000 hommes) qui augmente chaque année, l'on voit que la mer du Nord est sillonnée par une flotille considérable, montée par une population de 70.000 marins se livrant à la pêche du hareng, en ce non compris les pècheurs de marée.

En 1862, il a été pêché par la Grande-Bretagne :

Sur la côte d'Écosse, une quantité de.
Sur la côte anglaise

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942.617 barils. 202.362

1.151.979 barils.

<«<La pêche du hareng, lisons-nous dans un article du Times, du 29 avril 1878, est une des plus importantes industries de l'Ecosse. Tout le long de la côte, depuis Eyemouth dans le Berwickshire, à quelques milles au nord de la Tweed, jusqu'à Bellantrae, dans le Ayrshire, on trouve de vastes bancs de harengs, à toutes les époques de l'année.

«On a calculé que le produit de la pèche, pour l'Écosse seulement, s'élève à un million de barils, chaque baril contenant environ 800 herengs.

« L'on peut évaluer à 2.400.000.000 de harengs la quantité qui est annuellement pêchée par les quatre nations, la Grande-Bretagne, la France, le Danemark et la Suède; c'est environ le double de la population totale du globe, hommes, femmes et enfants. >>

L'Angleterre est le pays qui a le mieux compris le principe industriel qui se résume en deux mots : « commerce et liberté ». C'est dans l'application com. plète et sans restriction de ce principe qu'elle puise sa force. L'Angleterre a encore un autre avantage: la proximité des lieux de pêche. Les pêcheurs se servent d'embarcations qui fatiguent beaucoup moins que les nôtres, parce qu'au lieu de faire des voyages qui durent jusqu'à six semaines et plus, ils trouvent le poisson à peu de distance des côtes, de manière à pouvoir rentrer presque chaque matin pour se ravitailler.

Le recrutement des équipages est facile: tout ouvrier peut s'engager à l'épo

que la plus favorable sans craindre, comme en France, d'être classé marin. Les laboureurs, tous les ouvriers des champs alternent, passant six mois en mer et six mois à cultiver les terres, gagnant ainsi de l'argent en toute saison. En France, les marins seuls peuvent s'embarquer, puisque l'embarquement est par lui-même un enrôlement dans l'inscription maritime. Cette obligation de l'inscription maritime éloigne de la pêche bien des hommes valides, qui pourraient s'y adonner lorsque manque le travail des champs ou qu'il y a chômage dans les fabriques.

Enfin, dernier avantage pour l'Angleterre, c'est qu'elle s'est réservé, ainsi que nous l'avons dit plus haut, trois milles au large des côtes poissonneuses de la mer du Nord.

Il est impossible de revenir sur ce point, qui a fait l'objet d'une convention spéciale, le 1er août 1839. Mais il est constant que c'est depuis cette convention que les pêcheries de la Grande-Bretagne ont pris un développement si extraordinaire. Il n'est plus temps de réclamer contre une limitation qui est acceptée depuis quarante-quatre ans, mais il est certain qu'elle est favorable aux Anglais.

Entre toutes les chambres de commerce qui se sont faites l'interprète des besoins de l'industrie de la pêche maritime dans la mer du Nord, celle de Boulogne-sur-Mer a demandé au Gouvernement d'accorder à nos pêcheurs, pour leur permettre de lutter contre leurs concurrents redoutables et plus favorisés, puisqu'ils trouvent en abondance le poisson sur leurs côtes: 1° l'exemption du droit sur les sels étrangers, lorsqu'ils sont nécessaires à la bonne préparation du poisson, soit en mer, soit à l'atelier; 2° l'extension aux ateliers de salaison, considérés en quelque sorte, comme entrepôts, de la réglementation appliquée à nos bateaux pécheurs en ce qui concerne l'usage du sel; 3° une prime par tonneau de jauge pour tout bateau employé à la pêche avec salaison à bord, cette prime étant la juste compensation du préjudice causé à notre marine de pèche par la loi du 29 janvier 1881, sur la marine marchande; 4° une réduction de l'impôt de 23 fr. 20 pour 100 sur le transport des produits maritimes expédiés en grande vitesse par chemin de fer; 5° les mêmes tarifs et les mêmes avantages, dans les envois en grande ou en petite vitesse, que ceux qui sont consentis par les compagnies de chemins de fer en faveur des envois étrangers.

Ces concessions, vainement sollicitées jusqu'ici, favoriseraient dans une très large mesure, si elles étaient obtenues, le développement de la pèche du ha

reng.

«Nous n'avons jamais hésité à réclamer pour elle, disait, à la séance de distribution des primes d'encouragement à la bonne préparation du hareng, tenue à Boulogne-sur-Mer, le 15 juin 1882, M. Mancel, chef de la marine, à Dunkerque, délégué du Gouvernement français aux conférences de La Haye, les avantages auxquels elle a droit, à raison des services exceptionnels qu'elle rend à notre

pays.

«Nous avons demandé et nous renouvelons ces demandes: la franchise pour l'embarquement des sels étrangers nécessaires à la bonne préparation du hareng de la pêche mixte d'été; la suppression de l'impôt sur le transport en grande vitesse des produits maritimes; des primes pour toutes les pêches lointaines, qui habituent nos marins aux longues navigations et aux dangers continuels de la mer. Ces faveurs méritées seraient pour nos pêcheurs, la juste compensation de la suppression du régime des constructions navales.

«Nous continuerons aussi à réclamer pour leurs produits l'application proportionnelle des tarifs directs, dont profitent les expéditions de leurs concur

rents anglais. Il est inadmissible que nos Compagnies de chemins de fer aient, pour l'expédition du poisson étranger, des tarifs moins élevés et des délais de transport beaucoup moins longs que pour l'envoi des produits de nos pêcheurs. Il est inadmissible qu'on leur permette de refuser, comme elles le font ici, le poisson de notre pêche nationale à l'heure même où elles reçoivent celui des pêches anglaises. Il est inadmissible qu'on leur permette d'annuler les droits de douane par leurs combinaisons. Nous avons, bien des fois, formulé de légitimes réclamations à cet égard. »

Ces paroles confirment le bien fondé des demandes des chambres de commerce. Elles prouvent une fois de plus la nécessité de venir en aide à la marine de pêche, qu'on néglige trop, alors que toutes les nations voisines cherchent à en faire leur principale force. La France baignée par deux mers, a une étendue de côtes assez grande pour redevenir une grande puissance maritime. Pour cela, il importe de demander à la pêche tout ce qu'elle peut rapporter. Nous insistons donc, de la manière la plus pressante, auprès du Gouvernement pour qu'il veuille bien accorder à la marine de pêche les avantages que réclament pour elle ses représentants les plus autorisés.

La Convention diplomatique signée à La Haye, le 6 mai 1882, par les plénipotentiaires des divers Etats, a obtenu l'assentiment de toutes les puissances intéressées, à l'exception du gouvernement des Royaumes-Unis de Suède et de Norvège, qui n'a pas cru devoir, au dernier moment, y donner son assentiment; mais il s'est réservé la faculté d'y adhérer aussitôt que les circonstances le permettront.

L'application de la Convention aura pour conséquence d'améliorer notablement une situation qui laisse à désirer; elle rendra à la pêche un signalé service aussi nous ne doutons pas que vous n'en reconnaissiez la haute utilité.

Avant de passer à l'examen des articles, nous dirons, à l'honneur des délégués français, qu'ils se sont fait un devoir de simplifier la réglementation et de n'adhérer qu'aux mesures les plus favorables à la pêche nationale.

L'article premier indique l'objet de la Convention et les pêcheurs auxquels elle est applicable en dehors des eaux territoriales.

L'article 2 établit la distinction entre la mer commune et les eaux territoriales. Cette question délicate, sur laquelle on n'avait pu se mettre d'accord dans les négociations antérieures, a donné lieu, au sein de la conférence, à un échange d'observations en ce qui concerne les baies et l'embouchure des fleuves. Il a été convenu que les baies continueraient d'appartenir à l'État auquel elles appartiennent présentement, et que la pèche internationale ne saurait porter atteinte aux droits de certaines puissances. Malgré l'avis des négociateurs français, qui demandaient que la limite de trois milles fût admise à partir de la laisse de basse mer, sans tenir compte de la configuration des côtes, l'on convint qu'elle serait mesurée à partir d'une ligne droite tirée en travers de la baie dans la partie la plus rapprochée de l'entrée, au premier point où l'ouverture n'excéde pas dix milles. Toutefois, nos pêcheurs jouiront du droit de circulation dans les eaux territoriales, en se conformant aux règles spéciales édictées par les puissances riveraines.

Les milles mentionnés dans l'article 3 sout les milles géographiques de 60 au degré de latitude, ainsi que le porte le projet de convention anglo-française de 1867, mesure jugée plus conforme que les kilomètres aux usages des marins. Les limites de la mer du Nord, telles qu'elles sont définies à l'article 4, ont été acceptées d'un commun accord.

Les articles suivants : 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 édictent des règles préci

ses et d'une application facile pour fournir aux croiseurs les moyens de reconnaître l'identité des bateaux, dans la mer commune.

En ce qui concerne le mouillage et le placement des pêcheurs, le jet des filets, etc., et les dommages causés par les bateaux chalutiers, il a été reconnu que tous les pêcheurs se plaignent amèrement des chalutiers, lesquels ne se soucient guère des pêcheurs à cordes, dont ils emportent souvent les lignes. Les pêcheurs à cordes, comme les pêcheurs à filets dérivants, sont dans l'impossibilité d'éviter la rencontre des chalutiers, tandis que ceux-ci sont plus libres dans leurs manœuvres. Cette opinion, partagée par les délégués des puissances, les a engagés à mettre la pêche à lignes de fond sur le même pied que la pêche aux filets dérivants et à traiter les cordiers de la même manière que les pêcheurs à filets dérivants.

La Convention internationale, par ses articles 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 et 23, prescrit un ensemble de dispositions qui paraissent suffisantes pour protéger efficacement les pêcheurs aux filets dérivants ou à la ligne de fond contre les chalutiers, pour leur éviter tout préjudice et, au cas de dommage et de perte subie dont ils seraient victimes, la part de responsabilité qu'encourraient les chalutiers.

En vue de protéger plus efficacement encore les filets dérivants contre les grappins ou autres engins employés par les chalutiers pour se frayer un passage, l'embarquement et l'usage d'engins destinés exclusivement à couper et à détruire les filets ont été formellement prohibés.

A l'égard des feux (art. 24) destinés à prévenir les abordages, les négocia teurs ont été d'avis d'obliger les pêcheurs à observer les règles générales relatives aux feux adoptées ou qui seront adoptées par les parties contractantes.

L'article 25 édicte des dispositions importantes relatives au sauvetage des filets ou autres apparaux de pêche. Les négociateurs français demandaient l'établissement d'une indemnité fixe applicable aux pêcheurs de toutes les nationalités intéressées, en prenant pour base le chiffre de 2 francs par filet, établi par la déclaration du 24 décembre 1867, entre la France et la Belgique, ou celui de 2 shillings mis en avant par plusieurs armateurs anglais. La conférence a jugé de réserver aux parties contractantes la faculté de régler entre elles, par des arrangements spéciaux, le montant de la somme à payer par chaque filet ou autre engin de pêche retrouvé et remis à son propriétaire.

Comme conséquence des dispositions qui précèdent et pour en assurer l'efficacité, les négociateurs ont admis (art. 26) que, sauf pour la Belgique qui n'a pas de bâtiments de guerre, mais qui pourrait avoir des navires de l'Etat commandés par des capitaines commissionnés, la surveillance de la pêche serait exercée par les bâtiments de la marine militaire des Etats contractants. Et sur la question de savoir quels droits seraient conférés aux croiseurs, une distinction a été faite entre la surveillance nationale et la surveillance internationale : au contrôle exclusif des croiseurs de la nation du bateau pêcheur serait réservée l'exécution des règles relatives au rôle d'équipage, à la marque et au numérotage des bateaux et de leurs engins de pêche, ainsi qu'à la présence à bord des instruments prohibés; toutes les autres infractions et tous les délits se rapportant aux opérations de pêche seraient de la compétence des bâtiments de guerre des nations contractantes, lesquels en dresseraient procès-verbal et pourraient, si le cas est assez grave pour justifier la mesure, conduire le bateau en contravention dans un port de la nation du pêcheur.

Les dispositions relatées aux articles 27, 28, 29 et 30 qui règlent la matière, ont donné lieu à diverses observations en ce qui concerne le droit, pour les

commandants des bâtiments croiseurs, de monter à bord des bateaux pêcheurs. Le droit de visite a, de tout temps, été une question de juste susceptibilité nationale. Nos délégués se sont attachés à concilier la liberté des pêcheurs avec une police effective de la pêche; ils ont soutenu la doctrine adoptée en France quant à l'usage de ce droit, doctrine recommandée aux commandants des navires de guerre et basée sur le principe que le droit de visite ne peut s'exercer qu'en cas de suspicion. Elle remonte à l'époque où la traite des esclaves a été abolie par la Convention du 30 mai 1814, conclue entre la France et l'Angleterre. D'un commun accord, il a été reconnu que le droit de visite ne doit pas être illimité, mais seulement exercé dans le cas où un bateau pêcheur réclamerait assistance, ou commettrait une infraction aux règles de la Convention. Nous pensons que les dispositions très précises énoncées, à cet égard, dans la Convention, rendront l'application de la mesure utile, sans soulever de difficultés.

Quant à la rédaction du proces-verbal de constatation des faits délictueux (article 31), par les commandants des bâtiments croiseurs, elle rendra nécessaire la présence à bord des croiseurs d'interprètes ou d'officiers parlant plusieurs langues, en vue des témoignages qu'ils auront à recueillir.

La mission confiée aux commandants des bâtiments croiseurs par les articles 32 et 33, concilie tous les intérêts en cause: la police de la pêche sera effective et les pêcheurs qui recourront à l'arbitrage, éviteront des frais en obtenant la réparation du dommage qui leur aura été causé.

Il a été entendu que, pour les pénalités encourues par les pêcheurs, les Hautes Parties contractantes proposeront à leurs législatures respectives les mesures nécessaires pour assurer l'exécution de la présente Convention (art. 35).

L'article 36 statue sur la compétence des juges appelés à prononcer sur les pêcheurs de l'un des pays contractants qui se livreraient à des voies de fait contre les pêcheurs d'une autre nation, qui leur causeraient des dommages ou qui contreviendraient à la Convention : les tribunaux auxquels appartiendront les bateaux des délinquants seront seul compétents pour les juger.

En acceptant cette disposition, le Gouvernement français a pris l'engagement de soumettre au Parlement un projet de loi pénale contenant la répression des contraventions à la Convention internationale. Ce projet de loi est le corollaire indispensable de celui qui vous est soumis, il en est la sanction et la contrepartie.

A cet égard, votre Commission émet le vœu que le Gouvernement français, avant de déposer la loi péuale, s'entende préalablement avec les autres nations contractantes, pour que les mêmes fautes soient frappées, dans les divers pays, de pénalités autant que possible équivalentes.

Par les articles 34 et 37 il est stipulé que la poursuite des délits et contraventions se fera au nom de ou par l'Etat et que la procédure judiciaire aura lieu aussi sommairement que les lois et règlements en vigueur le permettent.

Il n'est pas douteux que l'application des mesures prévues par la Convention internationale du 6 mai 1882 n'apporte une amélioration notable dans les rapports des pêcheurs entre eux et ne leur rende de très utiles services en leur facilitant le moyen de se faire rendre justice.

La durée de la Convention a été fixée pour une période de cinq ans, afin de permettre aux Puissances contractantes d'en apprécier les résultats. Elle deviendra obligatoire (art. 39) pour chacune d'elles, d'année en année, au cas où, à partir de l'expiration de cette période, elles n'auraient pas notifié aux autres parties intéressées l'intention d'en faire cesser les effets. Ladite Convention sera

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