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ART. 1. La ligne de démarcation entre les territoires occupés ou revendiqués respectivement par la France et la Grande-Bretagne, au nord de Sierra-Leone, sur la côte occidentale d'Afrique, sera tracée entre les bassins des rivières Mellacorée et Scarcies.

La position exacte de ladite ligne de démarcation sera déterminée par une enquête faite sur les lieux par des commissaires à nommer, à cet effet, dans les conditions prévues dans l'article 7 de la présente Convention.

Cependant, ladite ligne de démarcation sera tracéc de façon à assurer à la France le contrôle complet de la rivière Mellacorée, et à la Grande-Bretagne le contrôle complet des rivières Scarcies.

Le point Mahela et le comptoir de ce nom, ainsi que la communication par les eaux adjacentes, appartiendront à la nation à laquelle d'après ladite enquête, la possession en aura été reconnue nécessaire pour le contrôle de la rivière Mellacorée ou des rivières Scarcies, suivant le cas. S'il est constaté que la communication par cau, à Mahela, s'ouvre aussi bien sur la rivière Mellacorée que sur la rivière Scarcies, ladite ligne de démarcation partira, sur la côte, du milieu du cours d'eau qui se jette dans la mer à Mahela et sera continuée de manière à attribuer à la France la communication avec la rivière Mellacorée, et à la Grande-Bretagne la communication avec la rivière Scarcies.

ART. 2. — L'île de Matacong et toutes les îles revendiquées ou possédées par la France sur la côte occidentale d'Afrique, au nord de ladite ligne de démarcation jusqu'au Rio-Nunez, seront reconnues par la Grande-Bretagne comme appartenant à la France, à l'exception des îles de Los, lesquelles continueront d'appartenir à la GrandeBretagne, et l'ile de Yelboyah et toutes les îles revendiquées ou possédées par la Grande-Bretagne sur la côte occidentale d'Afrique et situées au sud de ladite ligne de démarcation, jusqu'à la limite méridionale de la colonie britannique de Sierra-Leone, seront reconnues par la France comme appartenant à la Grande-Bretagne.

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ART. 3. S. M. la Reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande s'engage à s'abstenir d'occuper aucun territoire, et d'exercer ou de favoriser l'exercice de l'influence politique britannique dans le pays compris entre la ligne de démarcation à fixer conformément à l'article 1er et le Rio-Nunez.

Il est bien entendu que rien, dans les dispositions contenues dans le présent article, n'affectera aucun des droits que peut posséder la France sur le cours du Rio-Nunez ou au nord de cette rivière.

ART. 4. Le Président de la République française s'engage à s'abstenir d'occuper aucun territoire, et d'exercer ou de favoriser

TRAITES T. XIV.

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l'exercice de l'influence politique française dans le pays compris entre la ligne de démarcation qui sera fixée conformément à l'article 1er et la limite septentrionale de la République de Libéria.

ART. 5. Les citoyens français, dans les possessions britanniques sur la côte occidentale d'Afrique, et les sujets britanniques, dans les possessions françaises sur la côte occidentale d'Afrique, seront traités sur un pied d'égalité avec les sujets ou les citoyens de la Grande-Bretagne et de la France respectivement, en ce qui concerne la protection de la vie et des propriétés.

ART. 6. Le droit de posséder des biens immeubles dans les possessions britanniques sur la côte occidentale d'Afrique sera accordé aux citoyens français dans les mêmes conditions où ce droit est ou pourrait être assuré par la loi aux étrangers dans le Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande.

Le droit de posséder des biens immeubles dans les possessions françaises sur la côte occidentale d'Afrique sera accordé aux sujets britanniques dans les mêmes conditions où ce droit est ou pourrait être assuré par la loi aux étrangers en France.

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ART. 7. Les commissaires chargés de déterminer sur les lieux la position exacte de la ligne de démarcation prévue par l'article premier de la présente Convention seront nommés de la manière suivante, savoir:

Le Président de la République française nommera deux commissaires, et S. M. la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande nommera deux commissaires. Les commissaires se réuniront à Sierra-Leone, afin de commencer leurs travaux dans un délai de six mois, à partir de l'échange des ratifications de la présente Convention, ou plus tôt si faire se peut.

Dans le cas où il se présenterait une question quelconque sur laquelle lesdits commissaires ne pourraient se mettre d'accord, l'affaire sera soumise à la décision des Gouvernements des deux Hautes Parties contractantes.

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ART. 8. La présente Convention sera ratifiée et les ratifications en seront échangées à Paris le plus tôt possible.

En foi de quoi, les Plénipotentiaires respectifs ont signé les présentes en duplicata, et y ont apposé le sceau de leurs armes.

Fait à Paris, le 28 juin 1882.

(L. S.) C. DE FREYCINET.

(L. S.) LYONS.

Exposé présenté aux Chambres le 9 décembre 1882 à l'appui du projet de loi portant approbation de la Convention ci-dessus.

Le traité de paix du 3 septembre 1783, qui règle encore aujourd'hui les droits respectifs de la France et de l'Angleterre à la côte occidentale d'Afrique, a déterminé de la manière suivante le régime auquel doit être soumise la partie de ce littoral comprise entre la rive gauche de la Gambie et la rivière de SierraLeone:

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Art. 12. Pour ce qui est du reste des côtes d'Afrique, les sujets français et anglais continueront à les fréquenter selon l'usage qui a eu lieu jusqu'à présent. »

De ce texte on a conclu, par une pratique constante, que les Français continueraient à partager, avec les Anglais et les autres peuples commerçants d'Europe, le droit de fréquenter ladite côte et d'y former de nouveaux établissements sur tous les points qui n'étaient pas occupés.

En vertu de ce droit, antérieur lui-même à 1783, les Portugais ont pris possession de Liquinehor, dans la Cazamance, du Rio-Cacheo, du Rio-Gaebio (où se trouve le fort de Bissao), du Rio-Bolole, etc., pays qui constituent la Guinée portugaise.

Les Anglais ont occupé Sierra-Leone (sans protestation de notre part, bien que nous fussions encore, en 1839, propriétaires de l'île de Gambie, située au confluent des rivières de Brumek et de Sierra-Leone et cédée à la France par un traité conclu avec les chefs le 14 janvier 1785), les îles de Los, il y a cinquante ans environ, et pris possession des Scarcies en 1878.

La France elle-même, après avoir échangé avec l'Angleterre Albreda (comptoir de la Gambie contre Portendick par ie traité du 7 mars 1857), a successivement planté son pavillon sur les points ci-après, en vertu de conventions passées avec les chefs indigènes :

Carabane (en 1836) et Sedhiou (en 1837,) dans la rivière de la Cazamance; Boké, dans le Rio-Nunez (traité du 21 janvier 1866); Boffa dans le Rio-Pongo (traité du 15 février 1866); enfin Benty, dans la Mellacorée, comprenant le Forrécarreah et le Tannah (traités des 22 novembre 1865 et 30 décembre 1866. Ces différentes prises de possession ont eu lieu, sinon sans quelques contestations, au moins sans conflits entre les puissances européennes intéressées, chacune d'elles opérant en vertu du droit de premier occupant dans des contrées voisines d'établissements antérieurs ou tout au moins de pays fréquentés par ses nationaux. Le moment devait cependant venir où des intérêts contradictoires soulèveraient des prétentions rivales et nécessiteraient l'adoption d'un modus vivendi entre les nations en cause. La question se posa à propos de l'ile de Matacong, située à l'entrée des rivières Mellacorée, Forrécarreah et Tannah, et où le gouverneur du Sénégal avait cru pouvoir établir un poste de douanes destiné à assurer la perception des taxes existant sur le commerce de ces cours d'eau. Les autorités anglaises de Sierra-Leone protestèrent contre cette mesure, invoquant des droits antérieurs sur l'île de Matacong, alors occupée par une maison anglaise, locataire elle-même d'une maison française qui en serait propriétaire.

Après un échange de correspondances nous consentimes. sous certaines conditions, à retirer le poste, et la question, portée devant les deux métropoles, fut soumise à des conférences préliminaires qui eurent lieu à Paris, en mai 1881, entre des délégués des deux gouvernements. C'est sur les bases adoptées dans ces conférences que s'ouvrirent les négociations diplomatiques dont le présent projet de loi est destiné à consacrer le résultat.

La discussion avait pris tout d'abord un caractère plus général que ne semblait le comporter son objet. De part et d'autre, on crut opportun d'élargir le champ du débat et de saisir l'occasion qui s'offrait de déterminer les limites dans lesquelles l'action des deux pays pourrait librement s'exercer sur la côte comprise entre le Rio-Nunez et Sierra-Leone, où les deux nations se rencontrent seules, et de régler certains autres points en litige.

La possession des Scarcies, où se trouvent plusieurs factoreries françaises, est l'un des éléments les plus importants de la question; mais l'antériorité d'occupation officielle, étant établie au profit des Anglais et le même avantage existant en notre faveur à l'égard de la Mellacorée et de ses affluents, où se trouvent également des factoreries anglaises, la ligne de démarcation naturelle entre les possessions des deux pays a paru devoir être tracée de manière à laisser de notre côté le bassin de la Mellacorée, et du côté des Anglais celui des Scarcies, l'île de Matacong ainsi que toutes les îles situées au nord de cette ligne étant reconnues possessions françaises, l'ile de Yelboyah et toutes celles situées au sud de la même ligne étant, par réciprocité, déclarées possessions britanniques.

D'autre part, la France se trouve désormais à l'abri de toute intervention éventuelle de l'Angleterre dans la région comprise entre les Scarcies et le RioNunez, moyennant l'engagement qu'elle prend de s'abstenir de toute ingérence dans la région comprise entre la limite sud de Sierra-Leone et la limite nord de Libéria, où nous n'avons en réalité aucun intérêt sérieux.

Enfin des garanties reciproques sont assurées aux sujets des deux nations, tant pour la protection des personnes et des propriétés qu'à l'égard du droit de posséder lui-même.

Telle est l'économie de l'arrangement intervenu entre les deux pays et que nous avons l'honneur de soumettre à la ratification du Parlement. Il nous paraît, en résumé, présenter les avantages suivants : séparer une fois pour toutes les possessions de la France et de l'Angleterre sur cette partie de la côte d'Afrique; nous garantir la souveraineté de Matacong, point important pour l'exercice de notre action militaire, et la perception des taxes douanières dans le bassin de la Mellacorée; assurer à nos nationaux, dans les possessions anglaises, le droit de propriété qui leur avait été maintes fois contesté.

Nous estimons que les concessions à l'aide desquelles ces garanties sont obtenues, ne constituent aucune obligation onéreuse et que le présent arrangement offre de réels avantages pour le développement pacifique de notre influence sur une partie de la côte occidentale d'Afrique que notre commerce fréquente assidûment et où il est important qu'il rencontre à la fois la sécurité pour les personnes et pour les transactions. Il n'est pas inutile d'ajouter que des troubles assez graves suscités par les indigènes et qu'on peut, dans une certaine mesure, attribuer à l'incertitude dans laquelle se trouvent ces populations au sujet des droits respectifs de la France et de l'Angleterre, ont nécessité, tout récemment, notre intervention armée au Mellacorée.

Il y a donc un intérêt sérieux à ce que toute équivoque disparaisse afin que chaque puissance puisse exercer sans conteste l'influence qui lui est légitimement acquise.

Nous vous demandons en conséquence, de vouloir bien donner votre sanction au projet de loi qui a pour objet de ratifier ledit arrangement.

Rapport présenté au Sénat le 25 janvier 1883 par M. l'amiral de Montaignac sur la Convention franco-anglaise du 28 juin 1882, relative aux limites des possessions des deux puissances sur la côte occidentale d'Afrique, au nord de Sierra-Leone.

MM. Le Gouvernement soumet à votre sanction une Convention conclue, le 28 juin dernier, entre la France et le Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, et portant délimitation des possessions respectives des deux puissances situées au nord de la Sierra-Leone, sur la côte d'Afrique.

A l'appui de cette demande, le Gouvernement expose qu'une pratique constante, antérieure même au Traité de 1783, reconnait à tous les peuples commerçants de l'Europe le droit de fréquenter la côte d'Afrique, entre la rive gauche de la Gambie et la rivière de Sierra-Leone, et d'y former des établissements sur les points qui ne sont pas occupés. En vertu de ce droit les Portugais, les Anglais et les Français, à la suite de conventions passées avec les chefs indigènes, ont pris successivement possession d'un grand nombre de points de cette côte.

Ces prises de possession plaçaient le nouveau venu en face de populations sauvages et guerrières; on passait avec quelques chefs, ou se disant tels, des traités plus ou moins sérieux repoussés par les autres, et bientôt on se trouvait forcé d'intervenir par les armes, dispersant et affaiblissant la force centrale, avec pertes d'hommes et d'argent, pour des intérêts minimes. C'est malheureusement un peu notre histoire au Sénégal, dans ses dépendances sur la côte, et tout récemment encore à Mellacorée.

Sans doute, nos voisins ne sont pas à l'abri de ces interventions forcées sinon préparées par une politique habile; telle leur récente action au Dahomey et contre les Aschantis; mais les résultats obtenus expliquent cette politique: à l'exception de la petite république de Libéria, et de quelques factoreries disséminées çà et là, les Anglais sont maîtres de presque toute la base du gigantesque triangle formé par le cours du Niger, depuis son embouchure dans le golfe de Guinée jusqu'aux rives Scarcies, sur lesquelles leur souveraineté est reconnue par la nouvelle Convention, et dont les sources sont peu éloignées de celles du Niger, dont ils exploitent le cours inférieur jusqu'à Boussa.

Il faut bien le dire, dans ces prises de possession officielles, le but poursuivi a toujours été de pouvoir y établir des postes de douanes et de prélever des taxes sur le commerce des rivières et des plages ainsi acquises.

Les taxes sont établies arbitrairement, sans ententes préalables avec les puissances dont les nationaux y possèdent des comptoirs à titre de premier occupant, et remontant à une époque plus ou moins éloignée. Il en résulte que, du jour au lendemain, ces négociants se voient soumis à des taxes qui frappent leurs opérations d'un impôt qui atteint souvent 25 pour 100 de leur valeur, alors que le commerce rival, qui opère par exemple sur des étoffes de sa fabrication, n'est chargé que d'une taxe insignifiante.

Quoi qu'il en soit, ces différents actes ont eu lieu jusqu'ici, sinon sans contestation, au moins sans conflit; mais les intérêts rivaux devaient soulever des prétentions contradictoires et rendre nécessaire une entente internationale

La question qui nous occupe a été soulevée à propos de l'ile de Matacong, sise à l'entrée de la rivière de Mellacorée, et sur laquelle le gouvernement du Sénégal a cru pouvoir établir un poste de douanes.

Le gouvernement de Sierra-Leone protesta et établit de son côté un poste de douanes sur l'ile de Kakouki, à l'entrée des rivières Scarcies, et lança une pro

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