Page images
PDF
EPUB

contre eux,

leur avoit été donné à temps par des hommes qui tenoient de cœur et secrètement à leurs principes et même à leurs personnes, mais que la peur ou l'am

bition enchaînoient à la faction dominatrice. Honnêtes gens toutes les fois qu'il ne falloit pas se mettre en évidence, ils devenoient montagnards dès qu'il falloit manifester une opinion. Ce sont ces mêmes hommes qui ont laissé périr Louis XVI et leurs collègues sur l'échafaud, quoique cependant ils fussent intimement convaincus que ni l'un ni les autres n'avoient mérité cette fin tragique. Tel étoit en particulier le caractère de Barrère, qui se mettoit davantage en évidence, mais seulement quand il se croyoit le plus fort.

La Montagne, en l'appelant au comité de salut public, fit un tour d'adresse qui enlevoit à la fois à sa rivale un homme de talent, et se procuroit à elle-même un orateur bien capable de faire valoir à la tribune de la Convention toutes ses propositions captieuses. Riche en hommes à qui une audace imperturbable et la force des poumons tenoient lieu de talens, la Montagne étoit pauvre de députés capables, en parlant en public, de captiver les suffrages; ils ne savoient que répéter les phrases bannales vociférées dans les clubs depuis le commencement de la révolution.

Les prétextes de ce renvoi étoient les eris de mort que quelques-uns de ces volontaires avoient fait entendre contre Marat, Danton et Robespierre. Il paroît aussi qu'une partie des anciens fédérés venus de Brest et de Marseille, exprès pour faire le 10 août, réunis aux nouveaux venus, avoient été momentanément gagnés à la Gironde par l'intermédiaire de Barbaroux, l'un de ses membres, et ancien chef des Marseillais. Peut-être aussi ces cris ne s'étoient-ils faits entendre que pour avoir occasion de demander leur renvoi. Afin de repousser ces propositions, qui ne tendoient à rien moins qu'à l'assassinat d'une partie de la Convention, et à conduire à un désordre général, Lanjuinais avoit révélé l'existence à Paris d'un comité d'insurrection présidé par un membre de la dernière assemblée électorale, qui avoit jeté dans la Convention les chefs des brigands qui la dominoient. Il avoit dénoncé ce comité comme un foyer de troubles et d'anarchie, en demandant l'ordre du jour sur la motion en délibération.

Cet ordre du jour avoit été appuyé par Buzot, Isnard et Barbaroux, et motivé sur le fait de l'existence de ce comité insurrectionnel, ils ajoutoient d'autres circonstances aggravantes. Louvet (du Loiret) avoit parlé avec encore plus de hardiesse.

On ne vouloit, suivant ce député, faire sortir les volontaires nationaux de Paris, qu'afin de laisser à la municipalité de cette ville la faculté de menacer la Convention d'insurrections journalières; de venir effrontément lui dire : « Demain, il y aura » une insurrection, si les articles du dé» cret que nous vous proposons en ce » moment ne sont pas rendus aujour» d'hui. »

Il ajoutoit : « Renvoyer tout à coup et » simultanément de Paris, les troupes, » protectrices de l'ordre et de la tranquil» lité publique, ce seroit vouloir être de » nouveau les témoins d'un pillage prévu » et annoncé de la veille, effectué pendant » un jour, sans que les autorités locales » aient rien fait pour l'empêcher. >>

Ce débat fut encore terminé par un mezzo termine. Boyer - Fonfrède proposa seulement que les volontaires venus des départemens maritimes, y retournassent sans délai pour défendre les côtes. La majorité adopta cette motion, et passa à l'ordre du jour sur le surplus des demandes de Thuriot et de Choudieu; mais la Gironde fut forcée plus tard de concourir au renvoi de tous ces prétendus volontaires, qui avoient pris ou repris l'esprit révolutionnaire et le goût du désordre.

Les triomphes des armées inspiroient,

relativement à leurs forces, une confiance illimitée, qui permettoit aux factions de la Convention d'oublier à quelles fins les députés avoient été réunis, afin de se faire entre elles une guerre d'autant plus violente, que les succès toujours croissans des armées sembloient fournir un nouvel et plus grand aliment à leur ambition.

Cependant le cours des victoires est tout à coup interrompu. La république éprouve à son tour des revers successifs aussi rapides qu'imprévus. On annonce à la fois à la tribune, la déroute des armées françaises dans la Belgique, l'occupation par les coalisés du territoire déjà réuni à la France, l'insurrection de la Vendée, et les troubles de Saint-Domingue.

L'annonce de ces désastres est suivie de mesures encore plus désastreuses. Elles sont le prélude et l'avant-coureur de l'infame terreur qui doit bientôt envelopper la France entière de son crêpe funèbre. Ces mesures sont: 10 une levée de trois cent mille hommes, de dix-huit à quarante ans; 20 une déclaration de guerre à l'Espagne, comme si les ennemis de la France n'étoient pas déjà assez nombreux; 30 une taxe de guerre sur les riches, dont l'imposition étoit laissée à l'arbitraire des imposans, sans définir ce que c'étoit qu'un riche, sans fixer le revenu annuel dont il falloit être

imposable pour être placé dans une classe où une telle inscription équivaloit à une proscription; on appeloit cette taxe une compensation du service personnel auquel les sans-culottes étoient astreints; 4o de l'obligation imposée à ces mêmes riches, de remettre dans des dépôts désignés à cet effet, les armes de calibre, les effets d'armement et d'équipement, et même les chevaux dont ils étoient possesseurs. Tous ces effets devoient être payés d'après une estimation qui n'a jamais eu lieu.

On conçoit que de telles mesures devoient conduire infailliblement aux visites domiciliaires, et, par suite, aux incarcérations et aux assassinats judiciaires, afin d'obtenir,

par

la confiscation, ce qu'on ne vouloit pas encore enlever de vive force et à main armée, crainte d'un soulèvement général dans les provinces. On n'étoit pas encore convaincu de l'apathie du peuple français.

Enfin, on décrète, en principe et sans autre réclamation que celle de Lanjuinais, la résurrection de ce tribunal extraordinaire élevé sur les débris du trône et les cadavres de ses défenseurs, de ce tribunal de sang dont l'opinion publique n'avoit pu supporter l'existence et qu'elle avoit fait rentrer dans le néant.

Mais l'on prévoit que les confiscations juridiques ne pourront fournir assez d'ar

« PreviousContinue »