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Rec. Sept. 10, 1900.

DE JURISPRUDENCE.

ROYAUME DE BELGIQUE.

1859.

II PARTIE.

ARRÊTS DES COURS D'APPEL.

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avoués qu'une transaction est intervenue entre les parties.

Dépréciées à cette époque, les actions. données en nantissement étaient loin de couvrir la créance à la sûreté de laquelle elles se trouvaient affectées.

Suivant la Société Générale, Meeûs lui aurait fait l'abandon de ces actions, en restant débiteur d'un solde de 200,000 fr.

Quelques années se passent. La crise financière s'apaise; le crédit ébranlé se raffermit; les valeurs industrielles reprennent faveur; les actions engagées atteignent et finissent par dépasser le montant de l'obligation.

Le 26 juillet 1856, par acte d'avoué à avoué, Meeûs-Van der Maelen somme la Société Générale de se présenter à l'audience du tribunal civil de Bruxelles pour y plaider la cause introduite le 13 avril 1850 et qu'il dit être encore pendante entre parties.

Philippe et François Van der Maelen,

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frères de la dame Meeûs, interviennent dans l'instance, en qualité d'héritiers bénéficiaires de leur sœur, décédée le 14 mars 1850.

J. Meeûs conclut à ce qu'il soit ordonné que les actions industrielles par lui données en gage à la Société Générale seront vendues en bourse, par le ministère d'un agent de change, pour, sur le produit de cette vente, la société être payée par privilége, et l'excédant du prix être remis à lui, Joseph Meeûs.

Les intervenants s'approprient ces conclusions en tant qu'elles puissent se concilier avec les prétentions qu'ils élèvent, du chef de leur sœur, sur la communauté MeeûsVan der Maelen.

Le 11 avril 1857, jugement:

« Sur la fin de non-recevoir déduite de l'extinction de l'action intentée le 13 avril 1850:

« Attendu que la cause introduite à ce jour a été biffée du rôle, le 11 janvier 1851, comme terminée entre parties;

« Attendu que, dans les circonstances du procès, la biffure, motivée comme elle l'est, implique l'aveu fait par les avoués, à l'audience, d'une transaction intervenue sur l'objet du litige;

« Qu'il est si vrai que telle est la seule interprétation plausible de l'inscription contenue au plumitif de l'audience, que les pièces versées au procès par le demandeur lui-même reproduisent le texte et la date d'une transaction aux termes de laquelle le demandeur aurait cédé à la Société défenderesse les valeurs dont celle-ci poursuivait la vente;

<«< Attendu qu'aucun désaveu n'est venu paralyser la déclaration de transaction judiciairement constatée; que, dès lors, il faut tenir l'action pour éteinte;

« Attendu que, si le demandeur veut opposer à cet aveu la nullité de la transaction qui en forme la base, c'est à lui qu'il incombe de produire le titre dont il entend se prévaloir;

Que, jusque-là, son exception n'est pas recevable.

Sur l'intervention :

« Attendu qu'une intervention n'est qu'un incident, et que tout incident suppose l'existence d'une action principale;

<< Attendu que les considérations qui précèdent ont suffisamment démontré que, dès le 11 janvier 1851, il a été transigé, de l'aveu des parties, sur l'objet de l'action introduite

le 13 avril 1850; d'où il suit que cette action n'existait plus à la date de l'intervention, formée le 25 février 1857, et partant que celle-ci n'est pas recevable;

Par ces motifs, le tribunal déclare non recevables hic et nunc les conclusions de J. Meeûs et, par suite, celles de P. et F. Van der Maelen. »

Cette décision est confirmée, sur l'appel de Meeûs.

Le 29 mai 1857, les frères Van der Maelen, intervenant au procès dont l'exposé précède, introduisent à leur tour une demande tendante à la réalisation des actions remises par Meeûs à la Société Générale. Ils assignent à la fois, devant le tribunal civil de Bruxelles, la Société Générale et Joseph Meeûs aux fins « d'entendre ordonner que les actions industrielles et autres, que la Société Générale détenait, à titre de gage, au moment du décès de la dame Meeûs-Van der Maelen, et dont elle avait été nantie pendant l'existence de la communauté MeeûsVan der Maelen (1), seront vendues en bourse, par le ministère d'un agent de change, pour, sur le prix à en provenir, la Société Générale être payée par privilége, conformément à la loi, et pour le surplus être attribué à l'actif de la communauté susdite et y faire l'objet de telle liquidation que de droit... »

La Société Générale conteste la recevabilité de la demande.

Elle soutient: 1o que l'épouse Meeûs n'est intervenue à aucune des conventions conclues par son mari avec la Société Générale; que Joseph Meeûs a toujours traité seul, en nom personnel; que leur auteur n'étant point partie au contrat de nantissement sur lequel s'appuie leur demande, les frères Van der Maelen sont sans qualité pour agir; 2o que leur action est repoussée par la chose jugée, résultant du jugement du 11 avril 1857; 3° que le contrat de gage n'existe plus; qu'en admettant que la communauté, Meeûs-Van der Maelen y eût été partie, Joseph Meeûs a pu seul, sans le concours des ayants cause de sa femme, céder, à titre de transaction, les valeurs engagées.

Le 24 avril 1858 le tribunal statua comme suit:

Attendu que, jusqu'à l'expropriation du débiteur, le gage reste sa propriété, et n'est, entre les mains du créancier, qu'un dépôt assurant son privilége;

(1) Ces actions sont spécifiées dans l'exploit d'ajournement.

« Attendu qu'il est constant au procès que, lors de la dissolution de la communauté qui a existé entre le défendeur Meeûs et sa défunte épouse, Thérèse-Françoise Van der Maelen, la Société défenderesse détenait encore, à titre de gage, les actions qui font l'objet du litige actuel;

Qu'il suffit, dès lors, que la qualité d'héritiers de leur sœur ne soit pas contestée aux demandeurs, pour qu'ils soient recevables à venir en justice demander compte du gage dont il s'agit;

« Attendu qu'il importe peu qu'ils n'aient pas été personnellement parties au contrat, puisque en réalité ils sont les ayants cause de leur sœur, et que celle-ci y était représentée par son mari, chef de la communauté;

« Attendu qu'il n'importe pas davantage que la communauté dissoute n'ait pas été expressément acceptée par les demandeurs, puisque, aux termes des art. 1456 et 1466 du code civil, la renonciation est le privilége et ne se présume point, tandis que l'acceptation est de droit;

Attendu que c'est à tort que la Société défenderesse prétend opposer à la demande l'exception de chose jugée, résultant du jugement rendu par ce tribunal le 11 avril 1857;

• Attendu, en effet, que cette sentence s'est bornée à déclarer qu'il ne pouvait y avoir lieu d'admettre l'intervention des demandeurs, parce que l'action principale sur laquelle ils voulaient enter leur demande avait cessé d'exister;

Qu'il suit de là que ce jugement a laissé leur droit intact, sauf à le faire valoir ultérieurement d'une manière plus régulière;

« Attendu, enfin, que la question de savoir si le contrat de gage existe encore ou non, vis-à-vis des demandeurs, ou si, depuis la dissolution de la communauté, le défendeur, Joseph Meeûs, a pu valablement disposer de ce gage sans leur intervention, constitue en réalité le fond du litige, qui n'est point en état d'être jugé ;

Par ces motifs, le tribunal dit pour droit que les demandeurs sont recevables à agir ainsi qu'ils le font; déclare la Société défenderesse non fondée dans ses exceptions; lui ordonne de contester ultérieurement... >>

Appel par la Société Générale. Elle reproduit, devant la cour, les moyens que le tribunal n'a pas accueillis et de plus elle oppose, en premier ordre, une fin de non-recevoir fondée sur ce que le créancier gagiste ne peut être forcé de vendre son gage.

Aucune loi, dit-elle, ne permet au débiteur

d'assigner en justice son créancier gagiste pour qu'il ait à laisser vendre aux enchères l'objet engagé. Cela n'est pas plus permis qu'il n'est permis à un débiteur hypothécaire de poursuivre lui-même l'expropriation du bien qu'il a donné en hypothèque. Le débiteur qui veut ravoir son gage doit commencer par payer, ou au moins faire des offres réelles. Le droit de faire vendre le gage en justice, d'exproprier le propriétaire de la chose engagée, n'appartient qu'au créancier.

Cette fin de non-recevoir a été admise.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que les intimés, héritiers bénéficiaires de la dame Meeûs-Van der Maelen, se prévalent d'un contrat de nantissement passé entre Joseph Meeûs, époux commun en biens de leur auteur, et la Société Générale pour favoriser l'industrie nationale, établie à Bruxelles;

Attendu que la demande tend à faire ordonner la vente publique des actions remises, à titre de gage, par Joseph Meeûs à la Société Générale;

Attendu que le contrat de nantissement a pour objet de garantir le payement d'une dette;

Attendu que, jusqu'au payement, la chose engagée demeure affectée à la sûreté du créancier;

Que de là résulte, pour ce dernier, le droit de ne se dessaisir du gage qu'après l'entière libération du débiteur;

Attendu que les art. 545 et 544 du code de commerce étendent même ce droit de rétention au cas de la faillite du débiteur: de quelque avantage que soit pour la masse la prompte liquidation des affaires du failli, les curateurs ne sont autorisés à retirer le gage qu'en remboursant la dette ;

Attendu qu'il suit de ces articles, ainsi que des art. 2071,2073, 2078, 2082, 2087 et 2088 du code civil, interprétés par les travaux qui en ont préparé la rédaction et par les lois romaines, où la plupart des dispositions qui régissent le nantissement ont été puisées, que le débiteur ou ses ayants cause ne peuvent toucher au gage avant d'avoir désintéressé le créancier;

Attendu qu'aucune loi ne prescrit au créancier de se payer au moyen du gage, lorsque la dette est devenue exigible;

Que la vente du gage est une faculté dont il est loisible au créancier de ne pas profiter;

Que le nantissement est un contrat accessoire, qui laisse subsister la dette primitive;

Que le créancier, libre de négliger l'exécution de l'obligation principale, ne peut être forcé d'exercer les droits qui résultent pour lui de l'engagement accessoire;

Qu'il est hors de doute que le débiteur ne peut contraindre son créancier à poursuivre l'expropriation du fonds remis en antichrèse;

Que le législateur, s'il eût eu l'intention d'établir à cet égard une différence entre le nantissement d'objets mobiliers et le nantissement d'immeubles, n'eût pas manqué de s'en expliquer;

Qu'une disposition formelle était, sur ce point, d'autant plus nécessaire, que les discussions auxquelles a donné lieu le titre du Nantissement consacrent, dans les termes les plus précis, le droit du gagiste à retenir la chose engagée jusqu'au parfait payement de sa créance;

Attendu que, pour attribuer au débiteur le droit de provoquer la réalisation du gage, on ne peut se baser que sur l'impossibilité de vendre un effet mobilier détenu par un tiers, laquelle impossibilité aurait pour conséquence de perpétuer la possession du gage entre les mains du créancier;

Mais que cette impossibilité n'existe pas d'une manière absolue;

Que rien n'empêche le débiteur de vendre les objets dont le créancier est nanti, et que les difficultés que cette opération peut offrir ne sauraieut créer, en faveur du débiteur, un droit incompatible avec les principes admis par le code en matière de nantissement et avec les droits qui en découlent en faveur du créancier;

Par ces motifs, met le jugement dont appel à néant, émendant, déclare les intimés (frères Van der Maelen) non recevables en leur action.

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ils sont plantés subit, par suite, une dépréciation qui doit servir de base à l'indemnité (1).

Il y a lieu, dans ce cas, d'accorder, non une prestation annuelle, mais une indemnité globale, pour l'avenir comme pour le passé.

En général, le verger, comparé au pré, est d'un revenu double dans les mêmes conditions.

(GENDARME,

LA COUR;

C. LA SOCIÉTÉ DE LA VIEIlleMONTAGNE.)

ARRÊT.

Considérant qu'il est con

stant, en fait, que les arbres à fruits des intimés sont atteints dans leur végétation et leur production par les vapeurs des fonderies de zinc de la Vieille-Montagne, à Angleur; que, par suite, les terrains dans lesquels ils sont plantés subissent une dépréciation qui doit servir de base à l'indemnité; que la société appelante n'offre de payer qu'une somme annuellement, sous le prétexte que la cause du dommage peut venir à cesser, mais qu'elle ne saurait exciper d'une faculté ou d'une éventualité contre son propre fait; qu'en droit, comme en équité, elle doit aux intimés une réparation adéquate de la moins-value de leurs propriétés; qu'une prestation annuelle, en pareil cas, est d'autant moins admissible, qu'elle pourrait être une entrave à la division ou vente partielle des biens qui en seraient l'objet;

Considérant que les documents versés au procès, et notamment les transactions intervenues avec les propriétaires voisins, fournissent tous les éléments nécessaires pour apprécier et régler l'indemnité dont il s'agit; qu'il est, dès lors, inutile d'examiner si l'expertise ordonnée par les premiers juges est nulle, et doit être recommencée;

Considérant que les plantations endommagées comprennent 438 arbres, et qu'elles sont en rapport avec l'usage des lieux; qu'en général, le verger, comparé au pré, est d'un revenu double dans les mêmes conditions; qu'cu égard à cette différence, ainsi qu'au nombre d'arbres morts, dépérissants, ou atteints dans leurs productions, les dommagesintérêts peuvent êtres arbitrés ex æquo el bono à la somme de 10,000 fr. pour le tout; Par ces motifs,... condamne la société ap

(1) Voy, ce Recueil, 1857, p. 246.

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