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DE JURISPRUDENCE.

ROYAUME DE BELGIQUE.

1860.

II PARTIE.

ARRETS DES COURS D'APPEL.

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La confiscation de tous les exemplaires non vendus de la contrefaçon doit être prononcée aussi bien au profit du propriétaire du manuscrit ou de l'ouvrage encore inédit que du propriétaire de l'édition primitive. (Loi du 25 janv. 1817, art. 4 du texte hollandais et français.) La confiscation de tous les exemplaires non vendus de la contrefaçon, est une peine qui peut être requise par le ministère public, sans l'intervention du propriétaire de l'ouvrage contrefait, au profit de qui elle est établie (3). (Loi du 25 janv. 1817, art. 4, code d'instr. crim., art. 1o, code pén., art. 11, 466, 470, loi du 20 avril 1810, articles 45 et 46.)

Le ministère public est sans qualité pour requérir le payement à verser entre les

(1) Les auteurs, auxquels le deuxième arrêt recueilli fait allusion, qui exigent, pour qu'il y ait contrefaçon, l'idée dans le contrefacteur de faire "concurrence à l'ouvrage original, sont Chauveau et Hélie, nos 3763 el 3764, où ils citent deux arrêts de la cour de Paris, qui l'ont jugé ainsi.

(2) Voy. les mêmes auteurs, nos 3765 et 3766.
PASIC., 4860.- 2o PARTIE.

(3) C'est ainsi que, par arrêt du 20 juillet 1846 (J. de B. 1846, 1, 695, Pasic., p. 465), la cour de cassation de Belgique a jugé que le ministère public a qualité pour requérir et le juge est en droit d'ordonner, sans que les administrations communales doivent se porter parties civiles, la démolition des constructions faites contrairement aux

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plans arrêtés par l'autorité compétente; parce que, dit la cour, cette démolition intéresse l'ordre public, auquel l'existence de ces ouvrages, qui perpétue la contravention, porte essentiellement atteinte.

(1) La cour de Bruxelles, par arrêt du 17 mars 1841 (J. de B., 1842, 2, 372, Pasic., p. 248), a jugé que les tribunaux civils sont compétents pour statuer sur une demande tendante au payement de la valeur de 2,000 exemplaires de l'édition contrefaite, et par arrêt du 29 juillet 1854, dont le pourvoi, sous ce rapport, a été rejeté par arrêt du 23 octobre 1854 (ce Rec., 1854, 1, 459), elle a décidé que la partie lésée peut ne pas exiger la totalité des dommages-intérêts et se contenter d'une somme moindre que la valeur de 2,000 exemplaires de l'édition contrefaite. C'est de ces arrêts que le deuxième arrêt recueilli entend parler et dont il renforce son argumentation sur la question qu'il résout.

Il y a une différence de rédaction entre le texte hollandais et le texte français de l'art. 4 de la loi du 25 janvier 1817. Le prévenu se basait sur le texte hollandais pour prétendre que ni la confiscation, ni l'indemnité fixée à la valeur de 2,000 exemplaires, n'étaient, dans l'espèce, d'aucune application. L'arrêt répond à ce moyen, quant à la confiscation; mais, quant à l'indemnité, il n'a pas eu à le rencontrer, puisqu'il a accueilli la fin de non-recevoir, basée sur le défaut de qualité du ministère public pour requérir le payement de cette indemnité entre les mains du plaignant, qui n'était pas en cause. Ce moyen était-il fondé ? Le prévenu, indépendamment

Courtrai. Aussitôt qu'il eut appris la bonne fortune de son œuvre, à laquelle il ne croyait pas pouvoir s'attendre à cause d'une maladie qui l'avait empêché d'y mettre la dernière main, il résolut de la reviser et de la corriger des nombreuses imperfections qu'il crut y rencontrer. A cet effet, il en demanda et obtint le rachat de la société, qui, aux termes dudit art. 7, en était devenue propriétaire. Les conditions de ce rachat étaient que Mortier aurait envoyé à la société 5 francs et dix exemplaires de son ouvrage, aussitôt qu'il serait imprimé.

Après avoir fait à sa pièce les corrections nécessaires, de manière que, dans son opinion, elle pût être avantageusement représentée à tous les théâtres de nos nombreuses sociétés flamandes, Mortier la livra à l'impression, chez M. Vermaut-Grasmeyer, imprimeur à Courtrai.

Croyant avoir satisfait à l'art. 6 de la loi du 25 janvier 1817, pour conserver la propriété de son ouvrage, il envoya, le 1er décembre 1855, à la société de Kunst is ons vermack, à Ypres, les 5 francs et dix exemplaires, prix convenu de la rétrocession, et en reçut la quittance suivante (traduction) :

« Nous, soussignés, membres de l'admi

du texte hollandais, l'appuyait sur la conformité des deux textes français et hollandais, quant à la manière de calculer la valeur des 2,000 exemplaires, le texte français portant calculée suivant le prix de commission de l'EDITION LEGALE, et le texte bollandais: te berekenen naar den boekverkoopersprijs VAN DEN WETTIGEN DRUK. Il faut donc, disait le prévenu, présupposer l'existence d'une édition; or, je suis poursuivi pour contrefacon d'un manuscrit, dont il n'existe pas d'édition. On ne peut, comme le premier juge, calculer la valeur des 2,000 exemplaires suivant le prix de l'édition publiée par Mortier et produite au procès; car cette édition n'est pas l'édition légale de la contrefaçon outre les différences de texte qui le prouvent, l'arrêt de la cour, du 10 mars 1858 est là qui le décide formellement. Et il citait à l'appui de son soutenement les observations de la Belgique judiciaire sur cet arrêt (tom. 16, p. 717).

Nous ne pouvons partager cette opinion: une chose est d'abord certaine, c'est que, d'après les deux textes, tant hollandais que français, les trois peines dont l'art. 4 punit la contrefaçon, à savoir la confiscation des exemplaires, le payement de la valeur de 2,000 exemplaires, et l'amende de 100 à 1,000 florins, frappent sur les deux espèces d'infractions du droit de copie que cet article prévoit, savoir celle qui se commet par une première publication d'un ouvrage encore inédit de littérature ou d'art, et celle qui se commet par la réimpression d'un ouvrage déjà publié; en d'autres termes, que la première de ces infractions doit, aussi bien que la seconde, être punie

nistration de la société de rhétorique | connue sous le nom de Kunst is ons vermaek, à Ypres, reconnaissons avoir reçu de M. K.-F. Mortier, à Courtrai, la somme de 5 francs, ainsi que dix exemplaires du vaudeville (blyspel met zang) par lui composé, ayant pour titre : het gouden Kruisbéeld of t' is valsch, couronné à notre coucours, le 5 août 1855, pour la conservation de la pleine propriété de son dit ouvrage, qu'il a demandée par écrit le 11 août, et qui lui a été accordée, en assemblée générale, le 15 du même mois, pour 5 francs et dix exemplaires de son ouvrage, à envoyer à la société aussitôt qu'il serait imprimé. Pour acquit et pleine cession de l'ouvrage, nous signons le président A. Van Werveck, le secrétaire Lambin-Verwaerde et le trésorier B. Sonneville. Ypres, le 1er janvier 1856. »

Le 10 juin 1856, le sieur Mortier reçut un recueil imprimé et publié par ce même Lambin-Verwaerde, qui avait, non-sculement signé, en qualité de secrétaire, mais écrit lui-même cette quittance, recueil où il vit, non sans surprise, figurer son vaudeville, non pas tel qu'il l'avait corrigé et publié, mais avec ses imperfections et tel qu'il l'avait soumis au concours.

des trois peines y établies. Il est vrai que, si l'on consulte le texte hollandais, la confiscation et l'in

demnité ou réparation civile ne sont ordonnées es qu'au profit du propriétaire de l'édition primitive (ten voordeele van den eigenaar van den oorspronkelijken druk), ce qui ne vise que le cas de la deuxième infraction, celle qui se commet par la réimpression d'un ouvrage déjà publié; mais en résulte-t-il que, dans le cas de la première infraction, celle qui se commet par une première publica tion d'un ouvrage encore inédit, ou manuscrit, il n'y aura ni confiscation, ni réparation civile, ou indemnité de la valeur de 2,000 exemplaires? Pour soutenir cette thèse, il faut se mettre en opposition avec le texte formel de l'art. 4, qui, nous le répétons, punit des mêmes peines les deux espèces de contrefaçon. Il y a, à la vérité, une lacune dans le texte hollandais, qui omet de dire qui, dans le cas d'une première publication d'un manuscrit, doit profiter de la confiscation et de l'indemnité; mais quel est celui que la raison indique devoir en profiter? De la confiscation des exemplaires? les exemplaires sont les fruits du larcin, comme dit l'arrêt recueilli; ils doivent être restitués au propriétaire du manuscrit, tout comme on ordonne la restitution à leur propriétaire des effets volés. De l'indemnité ? mais cette indemnité est une réparation civile; qui done doit être indemnisé? qui doit recevoir une réparation? Évidemment celui qui a souffert de l'infraction, le propriétaire du manuscrit. Eh bien, voilà ce que dit le texte français, portant que la

Mortier s'étant plaint au commissaire de police d'Ypres de cette conduite de Lambin, celui-ci fut cité devant le tribunal correctionnel d'Ypres, du chef de contravention aux lois sur la propriété littéraire.

Lambin ayant d'abord opposé une fin de non-recevoir, tirée de ce qu'il prétendait que les formalités requises par la loi n'avaient pas été observées par Mortier, dans la publication de son ouvrage, pour pouvoir réclamer le droit de copie ou d'auteur, le tribunal, jugeant que Mortier s'était exactement conformé aux prescriptions de la loi du 25 janvier 1817, rejeta cette exception et ordonna de contester au fond.

Lambin interjeta appel de ce jugement, qui fut confirmé, par arrêt de la cour de Gand, rapporté dans notre vol. de 1859, p. 184.

Après cet incident, l'affaire fut ramenée devant le tribunal qui, par jugement du 18 novembre 1858, déclara le prévenu Lambin coupable de la contravention mise à sa charge; en conséquence, prononça la confiscation au profit du plaignant, Mortier, de tous les exemplaires non vendus de la contrefaçon; condamua le prévenu à payer au plaignant la somme de 566 francs, prix coûtant de 2,000 exemplaires, plus 56 fr., prix du bénéfice de

confiscation et l'indemnité auront lieu au profit du

Ce texte comble donc une lacune du texte hollandais, que la raison seule et la nature des choses avaient déjà comblée.

Quant à ce que l'on dit que les deux textes sont d'accord sur la manière de calculer la valeur des 2,000 exemplaires à payer à la partie lésée, et que ce calcul doit se faire suivant le prix de commission de l'édition légale, ce qui ne peut s'appliquer au cas où le contrefacteur publie un ouvrage inédit, et dont par conséquent, il n'existe pas encore d'édition, il n'en résulte pas, nous le répétons, que la valeur de 2,000 exemplaires ne doive pas être payée, à titre de dommages-intérêts, au propriétaire de l'ouvrage inédit; puisque la loi ordonne, au contraire, ce payement et qu'elle ne peut vouloir rendre ce qu'elle ordonne inefficace dans l'exécution. Quelle sera donc alors la base de la valeur de 2,000 exemplaires? Ce sera le prix de l'édition légale non encore existante et à déterminer par des experts; car la loi ne dit pas que l'édition légale doit exister; sculement, si elle existe, son prix est formé et il ne faudra pas recourir à une expertise pour le connaître.

Voilà comment on peut concilier ce que cet art. 4 de la loi du 25 janvier 1817, d'ailleurs rédigé avec beaucoup de négligence, parait avoir de contradictoire. Dans l'espèce des arrêts recueillis, le premier juge a calculé la valeur des 2,000 exemplaires suivant le prix de l'édition publiée par Mortier, et nous pensons qu'il est entré dans l'esprit de la loi.

vente calculé à 10 p. c.; le condamna en outre à l'amende de 212 francs, ce au bénéfice de la caisse des pauvres de la ville d'Ypres; le tout conformément et en exécution de l'art. 4 de la loi du 25 janvier 1817.

Ce jugement est motivé sur ce qu'il résulte formellement de l'instruction faite devant le tribunal, le 13 novembre 1856, que le prévenu a, dans les cinq derniers mois de 1855, ou dans les premiers mois de 1856, imprimé et débité à Ypres, un opuscule intitulé: het gouden Kruisbeeld of l' is valsch, sachant que la propriété en appartenait à l'auteur, le sicur Charles Mortier, littérateur à Courtrai et sans le consentement du propriétaire. Le jugement se base ensuite sur les considérants de l'arrêt précité.

Le sieur Lambin a, de nouveau, interjeté appel de ce jugement, qui n'a été réformé que sur un point par l'arrêt suivant :

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que le prévenu, appelant, tout en convenant d'avoir reproduit, par la voie de l'impression, le manuscrit ou l'œuvre dramatique inédite, appartenant à son auteur, le plaignant, Charles Mortier, ce qui forme un des trois éléments qui, d'après lui et des auteurs qui ont commenté la législation française, sont requis pour constituer le délit de contrefaçon, conteste néanmoins l'existence des deux autres éléments, à savoir : le préjudice causé par cette reproduction et l'intention de nuire;

Que, par préjudice causé à l'auteur, le prévenu, suivant, en cela, l'opinon des auteurs cités, entend ce préjudice qui résulte d'une concurrence commerciale faite à l'ouvrage original de l'auteur, à qui seul la loi reconnaît le droit de vendre ou de faire vendre et distribuer ses ouvrages, mais que cette opinion, qui n'est basée sur aucun texte de loi, et que ces auteurs déduisent, par voie de conséquence, de la loi, spéciale à la France, du 19 juillet 1793, ne saurait être d'aucun poids en Belgique, où, d'après l'art. 4 de la loi du 25 janvier 1817, qui seule y forme la législation en cette matière, le délit de contrefaçon consiste dans une première publication d'un ouvrage encore inédit de littérature ou d'art, appartenant à autrui, ou dans la réimpression d'un ouvrage déjà publié, publication et réimpression dont l'art. 1er réserve exclusivement le droit aux auteurs et à leurs ayants cause; en sorte que la scule publication, abstraction faite de toute vente, d'un ouvrage encore inédit, sans le consen

tement de l'auteur, constitue le délit de contrefaçon ;

Que ce fait de publication, attentatoire au droit de propriété de l'auteur, étant un véritable larcin, ainsi que l'a qualifié la cour de cassation de France, porte nécessairement et per se préjudice à celui-ci, tout comme le vol porte préjudice au propriétaire de la chose volée;

Attendu qu'indépendamment de ces considérations générales, il résulte des faits de la cause que le plaignant, Mortier, a éprouvé un préjudice notable, par suite de la publication et de la mise en vente de son œuvre par le prévenu, puisque cette publication établit, avec celle faite par Mortier lui-même, cette concurrence commerciale dont l'existence est jugée nécessaire par le prévenu pour qu'il y ait contrefaçon punissable; que vainement le prévenu soutient, mais ne prouve pas, que son édition étant postérieure à celle de Mortier de trois ou quatre mois, il n'a pu porter atteinte au débit des exemplaires de l'édition de Mortier, qui, par les nombreuses souscriptions dont elle était honorée, devait être regardée comme à peu près épuisée, puisque, en admettant qu'il en fût ainsi, l'édition contrefaite pouvait encore faire du tort à une réimpression que Mortier aurait pu être tenté de faire;

Attendu, quant au troisième élément du délit de contrefaçon, à savoir : l'intention de nuire, qu'il est établi par les faits ci-dessus rapportés, que le prévenu savait que Mortier était rentré dans la propriété de son manuscrit, puisque c'est lui-même qui a écrit, de sa main, la quittance ci-dessus mentionnée, et l'a, en sa qualité de secrétaire, revêtue de sa signature; qu'il savait également, ainsi que le prouve le contenu de la quittance, que Mortier ne réclamait la restitution de son œuvre, que dans l'intention de la livrer lui-même à l'impression; qu'il savait enfin très-bien, ainsi que le dépose le témoin Van Werveck, président de la société et cosignataire de la quittance, qu'il ne pouvait imprimer cette pièce de théâtre (dat blyspel), et qu'il l'a imprimée sous sa propre responsabilité;

Attendu qu'il est impossible, en présence de ces faits, de révoquer en doute l'intention frauduleuse du prévenu;

Quant au soutenement que Mortier aurait consenti à la publication de son manuscrit, en souscrivant au prospectus du recueil contenant ce manuscrit, à publier par le prévenu:

Attendu que Mortier lui-même, entendu

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