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de nombreux acquittements, et malgré les instructions réitérées données par le ministre de la guerre pour rappeler aux dispositions de la loi et en expliquer le mécanisme dans ses plus petits détails, les acquittements ont continué dans une proportion qui dénote évidemment un vice qui touche exclusivement au mode adopté pour la notification des ordres de route, ou tout au moins, à l'inobservation des formalités qui sont prescrites par les règlements sur le recrutement de l'armée.

Quand on réfléchit, cependant, qu'il s'agit de l'impôt le plus lourd, qu'on a nommé, à juste raison, l'impôt du sang, il semble que tous les fonctionnaires et agents subalternes de l'administration auxquels est confiée la mission de notifier et de remettre les ordres de route, devraient se pénétrer de toute l'étendue de leurs devoirs, pour ne pas exposer leurs administrés à des poursuites, en les laissant dans l'ignorance des obligations qui leur sont imposées, ou en privant l'Etat des services d'un homme qui, à un jour donné, vient se prévaloir, devant le Conseil de guerre, de l'absence au dossier de la seule pièce légale, de l'extrait du registre des notifications des ordres de route, et qui, s'armant de la loi elle-même, défie en quelque sorte le Conseil de guerre de le déclarer coupable, sans commettre un déni de justice! On argumentera vainement qu'aucun Français n'ignore qu'il doit payer son tribut à la patrie, qu'il a vu ses camarades partir à telle époque, qu'il n'a fait aucune démarche pour connaître sa position, etc., etc.; toutes ces raisons ne sauraient suppléer à la mise en demeure exigée par la loi.

Ne voit-on pas, tous les jours, le contribuable qui connaît le montant de sa cotisation se refuser tacitement au paiement? Comment l'y contraint-on? d'abord par un avertissement; ensuite par le commandement judiciaire. Mais aucune autre poursuite ne peut être exercée contre lui, sans la représentation de ce commandement, qui est

la base de la procédure. Serait-il possible que, lorsqu'il s'agit d'enlever un homme à sa famille, on pût, sans avertissement préalable, sans sommation légale et sans que la preuve en fût rapportée, le condamner aux peines réservées à ceux qui sont légalement convaincus de désobéissance? Evidemment, non!

Une faute qui se commet le plus ordinairement, est celle qui consiste à renvoyer l'ordre de route au préfet lorsque le jeune soldat n'a pas été trouvé à son domicile. Cela ne remplit pas le vœu de la loi, qui exige qu'il y ait notification effectuée. En effet, en l'absence du jeune soldat, cet ordre de route doit être laissé à son domicile, soit à ses père et mère, à ses frères ou sœurs, aux voisins, au propriétaire ou au portier de la maison; car ce n'est qu'à partir de cette notification que court le délai d'un mois, à partir duquel le jeune soldat est signalé insoumis, s'il ne se rend pas à sa destination au jour fixé. (Voir cependant ce qui est dit plus loin à l'égard des jeunes soldats qui habitent dans une autre commune ou dans un autre département.)

Les commandants de recrutement doivent veiller à l'exécution réelle de cette formalité, 'attendu qu'ils ne peuvent dresser la plainte no 4 qu'autant que la preuve de la notification leur est rapportée.

L'instruction ministérielle du 4 juillet 1832 a défini d'une manière claire et précise les obligations imposées aux maires pour la remise et la signification des ordres de route. Voici la marche qui est tracée dans les divers cas d'absence du jeune soldat:

« N° 53. Les maires sont chargés, non seulement de faire « remettre et notifier les ordres de route, mais aussi de veiller « à ce que les jeunes soldats s'y conforment.

« N° 54. Lorsque le jeune soldat est présent au lieu du domi«cile ou de la résidence, le maire déclare, sur l'ordre de route, « que cet ordre a été remis et notifié au jeune soldat lui-même. « No 55. Quand le jeune soldat est absent, mais sans avoir

changé de domicile ou de résidence, la déclaration que le <«< maire doit insérer sur l'ordre de route, indique les nom et « prénoms de la personne à laquelle cet ordre a été notifié.

« N° 56. Si le jeune soldat est domicilié ou en résidence dans << une autre commune de son département, le maire qui a reçu « l'ordre de route le transmettra immédiatement au maire de «< cette commune, soit directement, si les localités sont rapprochées, soit par l'intermédiaire du sous-préfet de l'arrondisse«ment, suivant les distances.

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<< No 57. Lorsque le jeune soldat sera domicilié ou en rési<< dence dans un autre département que celui où il a concouru «<au tirage, le maire fera le renvoi de l'ordre de route au préfet « qui le lui a adressé, ou directement ou par l'intermédiaire du « sous-préfet.

«No 58. La même marche sera suivie par le maire, si le jeune << soldat est domicilié ou en résidence hors du royaume, ou si << l'on ignore absolument le lieu de son domicile et de sa rési<< dence. >>

Telles sont les obligations imposées aux maires.

Il reste à connaître comment il est procédé à l'égard des jeunes gens auxquels l'ordre de route n'a pu être notifié. La même instruction s'exprime ainsi :

« No 63. Le préfet transmet également au sous-intendant militaire les ordres de route qui lui ont été renvoyés :

« 1° Pour les jeunes soldats domiciliés ou en résidence dans <«< une commune d'un autre département;

« 2o Pour les jeunes soldats domiciliés ou en résidence hors « du royaume;

« 3° Pour les jeunes soldats dont le domicile ou la résidence << sont inconnus. >>

OBLIGATIONS DU SOUS-INTENDANT MILITAIRE

DANS CES DIVERS CAS.

«No 64. Si le jeune soldat est domicilié ou en résidence dans <«< une commune d'un autre département, le sous-intendant <«< militaire transmet à son collègue dans ce département l'ordre « de route renvoyé par le préfet. »>

Il en est de même pour les jeunes soldats résidant dans les colonies françaises ou en Algérie.

« Si le jeune soldat est domicilié ou en résidence hors du « royaume, le sous-intendant militaire transmet au ministre de << la guerre (bureau du recrutement) l'ordre de route renvoyé << par le préfet.

NOTA. Cet ordre doit être adressé au ministre vingt jours au plus tard après celui qui aura été fixé pour le départ des jeunes soldats (circulaire du 22 mars 1835, Journ. mil., 1er sem., p. 76). C est le double de l'ordre de route qui est adressé au ministre. L'original est envoyé par le sous-intendant militaire au commandant de recrutement, qui le conserve. (Circ. des 18 septembre 1847 et 21 août 1852.)

« Enfin, si le domicile et la résidence du jeune soldat sont «< inconnus, le sous-intendant militaire remet l'ordre de route « à l'officier commandant le dépôt de recrutement.

« No 65. Le sous-intendant auquel, conformément au premier « paragraphe du no 64, il aura été fait renvoi d'un ordre de route « pour un jeune soldat qui aura changé de domicile ou de rési« dence, établira un nouvel ordre de route, au moyen des indi«< cations portées sur le premier, et enverra les deux ordres au « préfet, afin que ce fonctionnaire ait l'assurance que l'appel à <«<l'activité du jeune soldat est légal.

« Le préfet se conformera ensuite aux instructions qui pré« cèdent pour donner suite au second ordre de route, et la noti« fication, la transmission ou le renvoi auront lieu comme si le « jeune soldat appartenait au département dans lequel il se << trouve.

«< No 66. Le nouvel ordre, adressé comme il est dit plus haut, «< du jeune soldat qui se trouve hors du département dans le«< quel il a concouru au tirage, portera toujours et invariable-«ment pour destination le corps mentionné dans le premier « ordre.

« No 67. Le préfet ayant reçu l'extrait de notification du « second ordre de route, enverra au sous-intendant militaire « de son département le premier ordre de route et l'extrait de « notification du second.

« Ce sous-intendant militaire transmettra l'une et l'autre pièce « à son collègue, lorsqu'il sera en mesure de lui faire connaître <«< la destination que le jeune soldat a reçue à la revue sur le * terrain.

« No 69. A l'égard du jeune soldat dont le domicile et la rési«dence sont inconnus, et pour lequel le sous-intendant mili«< taire aura, comme il est dit au no 64 ci-dessus, fait le renvoi « de l'ordre de route au commandant du dépôt de recrutement, « cet officier, dans les délais prescrits par l'article 39 (un mois), « déclarera le jeune soldat prévenu d'insoumission. »><

DÉLAIS APRÈS LESQUELS LE JEUNE SOLDAT RÉSIDANT HORS DE L'EMPIRE DOIT ÊTRE DÉCLARÉ INSOUMIS.

Pour que les jeunes soldats en résidence hors de l'empire puissent être déclarés insoumis, il faut qu'à partir du

jour de la notification de l'ordre de route au lieu du domicile, il se soit écoulé un délai, savoir:

1° De deux mois pour ceux qui seraient sur le continent européen ;

2o De six mois pour ceux qui seraient dans les colonies situées en deçà du cap de Bonne-Espérance;

3o D'un an pour ceux qui seraient dans les colonies. au-delà du cap de Bonne-Espérance. (Journ. mil., 1827, 2 semestre, p. 412.)

Mais les dispositions ci-dessus ne seront point appliquées aux jeunes soldats qui auraient quitté l'empire postérieurement au jour fixé pour le tirage. Ils seront considérés comme s'ils étaient présents dans le département. (Instr. du 12 août 1808 sur les appels, no 133.)

DOMICILE LÉGAL DU JEUNE SOLDAT.

« Art. 6 (loi du 21 mars 1832). Seront considérés comme léga«<lement domiciliés dans le canton:

«1o Les jeunes gens, même émancipés, engagés, établis au « dehors, expatriés, absents ou détenus, si d'ailleurs leurs père, « mère ou tuteur ont leur domicile dans une des communes du <«< canton, ou s'ils sont fils d'un père expatrié qui avait son « dernier domicile dans une desdites communes ;

« 2o Les jeunes gens mariés, dont le père, ou la mère à défaut a de père, sont domiciliés dans le canton, à moins qu'ils ne « justifient de leur domicile réel dans un autre canton;

« 3o Les jeunes gens mariés et domiciliés dans le canton, << alors même que leur père ou leur mère n'y seraient pas << domiciliés ;

« 4o Les jeunes gens nés et résidant dans le canton, qui << n'auraient ni leur père, ni leur mère, ni tuteur;

« 5o Les jeunes gens résidant dans le canton, qui ne seraient « dans aucun des cas précédents, et qui ne justifieraient pas de << leur inscription dans un autre canton. »

Les orphelins de père et de mère qui n'ont pas de tuteurs ou qui sont devenus majeurs sont inscrits sur les tableaux de la commune où ils résident, à moins qu'étant majeurs ils ne justifient de leur domicile réel dans une autre commune. (Avis du Conseil d'Etat des 3 janvier et 3 novembre 1802.)

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